Une chambre jaunâtre, sombre.
Grondements derrière les murs.
Au centre, TOMMY dans son lit. A gauche, une table de chevet, quelques bougies mortes et la radio prise chez FELICIEN.
Plus à gauche, en retrait, un cheval à bascule.
Au plafond, une lucarne par où tombe de vagues reflets de lune.
A droite, une porte donnant sur le palier.
TOMMY, allongé, visiblement malade, écoute la radio.
RADIO
... les trois dernières semaines cloué au lit par une fièvre de cheval. Les pronostics sur son état de santé allaient s'aggravant jour après jour jusqu'à ce qu'enfin, ce soir, à 20h08, notre bien-aimé Premier Ministre Winston Churchill succombe au mal qui le rongeait depuis des mois. Aux dires des médecins, le Premier Minsitre était plongé dans un état permanent de delirium tremens depuis plusieurs jours, et fixait obstinément une petite cuillère qu'il tenait encore à la main lorsqu'il prononça ses derniers mots, qui furent les suivants:
"Sentinelle, es-tu là?
Ôte ces chaînes de mes poignets,
Et fais-moi rouler joliment dans l'onde,
J'ai sommeil, et déjà les algues visqueuses s'enroulent autour de moi."
TOMMY
C'est vrai, M. Churchill est mort?
RADIO
Disons qu'il n'a pas fini son thé. Et puis, les grands hommes prononcent toujours leurs mots comme si c'étaient les derniers, alors ne dramatisons rien.
TOMMY
Ça veut dire qu'il va revivre?
RADIO
Ça veut dire que si tu t'endors, tu entendras les algues visqueuses s'enrouler autour de toi, et ça, ce n'est pas bon signe, alors garde les yeux ouverts!
TOMMY
Mais j'ai mal à la tête, et j'ai sommeil.
RADIO
Est-ce que tu as bien toutes tes billes?
TOMMY
Elles sont dans ma poche, je crois.
RADIO
Fort bien. Ne les laisse jamais se perdre.
TOMMY
Promis. Je me couche maintenant. Bonne nuit.
RADIO
Reste éveillé, Tom Pouce!
(silence)
RADIO
Veux-tu entendre une histoire? Il y avait une fois deux hommes, une femme et un petit garçon qui vivaient tous dans une très vieille maison, pleine de toiles d'araignée. Ils n'aimaient pas beaucoup cette maison, mais en vérité, ils n'avaient pas le choix. Au-dehors, on entendait sans cesse des bruits énormes et terrifiants, comme si le monde était en train de s'écrouler, alors ils avaient tous peur de sortir, et restaient cloîtrés à l'intérieur. Mais dans cette maison il se passait des choses étranges, et ils se mirent à penser qu'elle était hantée. Jour après jour, nuit après nuit, les bruits derrière les murs les persuadaient que d'autres hôtes, morts depuis longtemps, les avaient précédés, et occupaient encore les lieux. Et ils cherchèrent à s'échapper, à fuir ces fantômes qu'ils croyaient menaçants. Ils voulaient abandonner la maison, ne voyant pas qu'elle n'avait jamais été hantée que par eux-mêmes.
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HÔTEL DERRINGER
Ficción históricaAutomne/hiver 1940. Londres se recroqueville sous les bombardements de l'aviation allemande: c'est le Blitz. La ville est partiellement détruite, les foules se massent et s'enterrent dans les stations de métro : celui que les Londoniens appellent...