Retrouver l'âme perdue

1.

Pour la première fois, j'ai pensé ! C'était ce matin, à huit heure douze.Je me suis levé et j'ai pensé. Je ne sais plus très bien à quoi mais... j'ai pensé. C'était quand j'ai regardé le soleil se lever je crois, ou quand j'ai aperçu mon reflet dans le miroir. Oui, le miroir au-dessus du bureau, envahit par la poussière et de feuilles blanches qui en recouvrent la moitié. Ces mêmes feuilles sur lesquelles j'écris. Je ne sais pas trop quoi, mais j'écris. Ces feuilles qui ne m'ont jamais servi jusqu'à aujourd'hui, mais qui étaient là quand même, depuis plusieurs mois, plusieurs années peut-être. C'est sans doute ça oui... le miroir. J'ai regardé mon visage... comme il était beau ! Je ne me souvenais pas avoir les cheveux aussi longs, ni de cette couleur... le châtain me va si bien. Et mes lunettes, simples, petites, rondes. Mes yeux bleus,bleus clairs même qu'un jour quelqu'un m'a dit : « Hélène vos yeux sont bleus comme le ciel ». Bleu ciel... j'ai beaucoup ri quand je l'ai entendu. Et il y a aussi mes lèvres, mes lèvres rouge sang,qui font ressortir mon visage. Ce visage qui était inexpressif,blanc, pâle, très pâle. Puis mon nez, la seule chose que je puisse contempler sur mon visage, mon nez. Petit, court, il ne ressemble pas du tout à celui de Mme Lattrier la factrice. Elle, elle met son nez partout à la recherche d'informations qu'elle pourrait crier par-dessus les toits.

Voilà,maintenant ça me revient. Je me souviens de mon visage, de celui d'aujourd'hui. Je viens aussi de me souvenir que le miroir qui se tient au-dessus de mon bureau n'était qu'une photo. Qu'une photo de moi à l'âge de dix-sept ans.

On sonne. J'ouvre, c'est Mme Lattrier qui viens me rapporter un des potins du jour.

 Il est dix-heures, et aujourd'hui, j'ai soixante ans.