Vous parlez de ça....

Les spartiates explosent tout

Le lycée organise une fête afin d'encourager notre équipe de football pour son début de saison, ce qui non seulement me permettra de zapper le cours d'algèbre, mais me laissera également le temps de nettoyer mon cagibi. J'ai emprunté des éponges à la maison. Pas question de glandouiller dans la crasse. J'ai aussi l'intention d'apporter une couverture et un pot-pourri.

J'avais prévu de me diriger vers l'amphi avec le reste des élèves puis de me planquer dans les toilettes jusqu'à ce que la voie soit libre. J'aurais facilement échappé à la vigilance des profs mais c'était sans compter Heather. Au moment où ma porte de sortie vers la liberté -celles des toilettes- entre dans mon champs de vision, elle m'appelle, s'élance à ma poursuite et m'attrape par le bras. Elle rayonne de fierté pour Merryweather, toute guillerette et pimpante en violet. Et elle s'imagine que je suis aussi heureuse et excitée qu'elle. Elle n'arrête pas de jacasser, tandis qu'on avance comme des moutons vers la séance de lavage de cerveau.

Heather : C'est carrément génial !! Une fête pour notre équipe !! j'ai préparé plein de pompons. Tiens, prends-en un. On va assurer pendant la ola. Je parie que notre promo a une pêche d'enfer, tu ne crois pas ?? J'ai toujours rêvé de participer à ce genre de rassemblement. Tu imagines ce que ça doit être de jouer dans l'équipe de football avec tout le lycée qui t'encourage ?? C'est hyper puissant. Tu crois qu'il vont gagner, ce soir ?? Je suis sûre que oui. La saison n'a pas été facile jusque-là, mais on va les soutenir, hein, Mel ??

Son enthousiasme me hérisse, mais je ravale mes sarcasmes : il n'auraient aucun effet sur elle. Et puis, ça ne me tuera pas d'assister à cette foire. Au moins, je ne serai pas assise seule dans un coin -et ça, c'est une nette progression vers l'intégration. D'ailleurs, sont-elles vraiment si nulles que ça, les fêtes de ce genre ??

Je préférerais rester près des portes, mais Heather m'entraîne vers les gradins réservés aux élèves de Seconde.

Heather : Je connais ces filles, elles bossent avec moi au journal.

Au journal ?? On a un journal au lycée ??

Elle me présente à une nichée de visages pâles et boutonneux. Je crois en reconnaître une ou deux; les autres doivent venir d'un autre collège. les coins de ma bouche se relèvent et je réussis à ne pas me mordiller les lèvres. Un léger progrès. Radieuse, Heather me tend un pompon.

Je me détends un peu. La fille assise derrière moi me tape sur l'épaule avec ses longs ongles noirs. Elle a entendu Heather faire les présentations.

La fille : Sordino ?? Tu es Melinda Sordino ??

Je me retourne. Mâchant un chewing-gum elle fait une bulle noir qu'elle ravale aussitôt. Je hoche la tête. Haether fait signe à une élève de Première qu'elle connaît, assise de l'autre côté du gymnase. La fille me donne une autre tape, plus forte.

La fille : C'est pas toi qui as appelé les flics à la fête de Kyle Rodger, cet été ?

Un souffle glacial fige tous les gradins des environs. Les têtes se tournent vers moi, et c'est comme si les flashs de mille paparazzis se mettaient à crépiter. Je ne sens plus mes doigts. Je secoue la tête. Une autre fille s'en mêle.

Fille 2 : Mon frère a été arrêté à cette soirée. Son patron l'a viré à cause de toi. J'arrive pas à croire que t'aies fait ça. Connasse.

Tu ne peux pas comprendre, rétorque la voix dans ma tête. Dommage que la fille ne l'entende pas. Ma gorge se serre, comme si deux mains aux ongles noirs s'étaient refermées autour de ma trachée. J'ai mis tant d'énergie à essayer d'oublier chaque seconde de cette effroyable soirée, et me voilà au milieu d'une foule hostile qui me déteste à cause de ce que j'ai été obligée de faire. je ne peux pas leur raconter ce qui s'est réellement passé. je suis moi-même incapable de revenir sur cet épisode. Un grognement animal secoue mon estomac.

Alors qu'elle s'apprêtait à faire un geste dans ma direction, Heather retire sa main. L'espace d'un instant, elle semble sur le point de prendre ma défense. Mais non, elle se ravise. Ça pourrait ruiner ses projets. Je ferme les yeux. Respire, respire, respire. Tais-toi et respire.

Les pom-pom girls entrent dans le gymnase en piaillant et en virevoltant. Dans les gradins, la fille tape des pieds et braille à son tour. J'enfouis mon visage entre mes mains et me mets à hurler pour évacuer ce bruit de bête et chasser un peu de cette nuit du mois d'août. Personne ne m'entend. Ils sont tous survoltés.

L'orchestre entonne un morceau, les pom-pom girls sautillent. Le Spartiate, notre mascotte, se voit récompensé d'une standing ovation lorsque, emporté par l'élan d'un salto arrière, il atterit sur le principal. Principal Principal grimace un sourire. Six semaines seulement sont écoulées depuis la rentrée. Son sens de l'humour est encore là.

Nos Spartiates de joueurs déboulent enfin dans le gymnase. L'entraîneur présente les joueurs. je serais bien incapable de les distinguer les uns des autres. L'entraîneur -Cata Coach- tient le micro trop près de ses lèvres, on n'entend que le crachotement de ses postillons et le sifflement de sa respiration.

Le fille assise derrière moi n'arrête pas d'enfoncer ses genoux dans mon dos. Ils sont aussi pointus que ses ongles. j'avance discrètment au bord de mon siège et garde les yeux rivés sur l'équipe. Celle dont le frère a été arrêté le fameux soir se penche en avant. Tandis qu'Heather secoue ses pompons, l'autre me tire les cheveux. Je bondis presque sur le dos du type devant moi. Il se retourne et me jette un regard noir.

Cata Coach finit par tendre le micro trempé de salive au principal, qui nous présente nos pom-pom girls. Elles font le grand écart dans un ensemble parfaitement synchronisé et la foule se dechaîne. Y a pas à dire : quand il s'agit de marquer des points, nos pom-pom girls sont bien meilleures que nos joueurs..