Je me glisse à ma place dix minutes avant la fin du cours d'algèbre. Monsieur Stetman examine longuement mon billet de retard. Je prends une feuille pour recopier les problèmes énoncés au tableau. Du fond de la classe, ou je suis assise, j'ai un œil sur le parking. Je me considère comme le système de surveillance et de sécurité de la classe. J'échafaude des plans de secours en cas de catastrophe. Comment sortirons-nous de là si le labo de chimie venait à exploser ?? Qu'adviendrait-il si un tremblement de terre secouait la région ?? Ou une tornade ??
Pas moyen de rester concentrée sur l'algèbre. Non pas que je sois nulle en maths. Loin de là. J'étais la meilleure de ma classe l'an dernier - mon père m'a même acheté un nouveau vélo grâce à ça. C'est facile, les maths, il n'y a pas de place pour la discussion. La réponse est correcte ou erronée. Qu'on me donne une feuille remplie de problème et je réussirais à en résoudre 98%.
L'algèbre, en revanche, c'est une autre histoire. Je comprenais l'intérêt d'apprendre par cœur mes tables de multiplication. Les fractions, les décimales, les pourcentages et même la géométrie - tout ça, c'était du concret. Ça coulait de source. C'était même tellement logique que je n'avais pas besoin d'y réfléchir. Je me contenais de faire mon boulot. Et j'étais première en maths.
Mais l'algèbre ?? Il ne se passe pas un seul jour sans que quelqu'un demande à Monsieur Stetman pourquoi on nous oblige à apprendre ce truc. Et on voit bien que cette question l'attriste énormément. Monsieur Stetman adore l'algèbre. Il en parle avec poésie, alla,t jusqu'à insuffler un soupçon de magie dans les nombres entiers. Dites-lui : "Pourquoi l'algèbre ??", et il se lancera dans le récit de mille et une anecdotes visant à expliquer sa nécessité. Seulement, aucune d'elles n'a de sens..
Monsieur Stetman demande si quelqu'un peut expliquer le rôle du dénominateur intégral dans le théorème négatif de l'infini divisé par l'âge du capitaine. Heather lève le doigt. Mauvaise réponse..Stetman insiste. Moi ?? Je secoue la tête avec un sourire piteux. Pas là, non, mais reposez-moi la question dans 20 ans, on ne sait jamais. Il me fait venir au tableau.
Monsieur Stetman : Qui veut bien aider Melinda à comprendre les étapes de la résolution de ce problème ?? Rachel ?? Très bien.
Ma tête explose dans un vacarme de camions de pompier démarrant en trombe. C'est une véritable catastrophe. Vêtue d'un flamboyant ensemble hollandais/scandinave, Rachel/Rachelle traîne ses bottines colorés jusqu'au tableau. Elle est à la fois jolie et sophistiquée. Ses yeux crachent des lasers rouges qui me brûlent le front. Je porte les fringues typiques de l'ado ordinaire - un jean et un pull à col roulé gris qui ne sent pas très bon. À cet instant précis, je me souviens que je dois me laver les cheveux.
Les lèvres de Rachelle bougent et sa main glisse sur l'ardoise, traçant des chiffres et de drôles de formes. J'aspire entièrement ma lèvre inférieure entre mes dents. En me forçant un peu, peu-être réussirais-je à avaler toute ma petite personne. Monsieur Stetman murmure quelque chose et Rachelle bat des cils. Elle me donne un coup de coude. On est censées retourner à nos places. La classe glousse tandis que nous regagnons nos sièges. J'aurais dû essayer plus fort de m'auto-avaler.
Mon cerveau pense qu'on ne devrais pas perdre de temps avec l'algèbre. Il y a des choses bien plus importantes dans la vie. Dommage. Monsieur Stetman a l'air d'un type sympa...
Trois nouveaux chapitres..Désolée si ils sont trop courts..J'espère que vous avez apprécié~♥
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Vous parlez de ça....
Teen FictionMelinda Sordino ne trouve plus les mots. Ou plus exactement, ils s'étranglent avant d'atteindre ses lèvres. Sa gorge se visse dans l'étau d'un secret et il ne lui reste que ces pages pour vous parlez de ça. Se coupant du monde, elle se voit repoussé...