La caillera et son chien

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J'arrivais devant une sorte de hangar en agglos, toituré de tôle rouillée.
Les ouvertures engouffraient des courants d'air glaciaux mêlant l'odeur du ciment frais à la sueur d'un ouvrier sous gitanes maïs.
Pas d'oiseau aux alentours, en fait pas de faune tout court des meurtrissures de bruits de moteurs au loin, le souffle de l'autoroute.
Un type devait m'attendre dans le coin avec son bout de bedo... Drôle d'endroit pour vendre sa camelote aussi inspiré qu'un vendeur de flingues d'occaz.
Il sort des hautes herbes accompagné de son clébard mi rott mi autre gros chien à mâchoire de boeuf.
Il a la démarche chaloupée et hésitante d'un raté de cité, victime de sa naïveté, des Scorcese et des « Boyz N the Hood » like.
Il fait mine de ne pas me voir et s'installe sur un bloc de béton, le harnais du chien dans sa main gauche, signe d'un entraînement pathétique de maintien de laisse décontractée.
J'ai presque honte de lui filer un billet... Mais 3 heures à marcher, cherchant désespérément des points de repère pour retourner à l'hôtel, mais ville étrangère, mais ennui, mais solitude...
- Hey ! j'ai galéré pour te trouver, tu vas bien ?
- Oui tranquille
J'enchaîne:
- Tu as le matos ?
- Oh ! t'es pressé toi ! Doucement !

Voilà ce que je redoutais, à quelques kilomètres de ma piaule, au milieu de nulle part, un boulet veut sympathiser.
Le soleil décline, un courant d'air me glace les os, j'aurais dû prendre mon blouson...
Le chien joue avec un morceau de plastique mou, attendrissant comme George Foreman dans son habit de pasteur... Le vent des voitures continue de souffler...
Le type prend de l'assurance, il change son harnais de main et réenclenche:
- T'es pas d'ici toi ?
- Non
- t'es tout seul ?
- Oui
- T'as pas d'ami ici ?
- Non
- Et si je ne veux pas te donner ce que tu veux, mais que toi tu me donnes tes tunes?
- Ben ça me ferait chier...
Son allure ne m'indiquait pas cette alternative, le type cachait bien son jeu, son chien n'a pas l'air méchant et l'endroit où nous sommes est assez dégagé.
Je prie une demi seconde tout en estimant la distance qui sépare mon tibia de sa mâchoire, environ 1m50: jouable ! Mais Le chien merde ! Le chien !
- Nannnn ! Je rigole ! Dit-il souriant, les joues rosées de gène. (Il devait tester sa feinte pour la première fois).
Il était temps.

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