Heaven Gates -en pause-

Partie 6

_ Comment connais-tu mon prénom ?

_ Que caches-tu dans ta veste ?

Sans quitter Christie des yeux, je tapotai mes poches. Cette fillette était flippante. Je ne voulais pas l'admettre, mais je commençais à croire que cet endroit était bizarre. Je sentis alors le papier plié en quatre dans ma poche intérieure. Je le sortis et le tendis à Christie. La petite fille déplia l'affichette et élargit son sourire :

_ Tu cherches l'hôtel ?

_ Il est ici ? Demandai-je la voix tremblante.

_ Oui, de l'autre côté du square. Dit-elle en pointant son doigt derrière moi. C'est le bâtiment en brique rouge là-bas. Je t'accompagne. S'écria-t-elle en sautant du trottoir.

Plus je me rapprochai de la façade rouge-sang de l'hôtel, plus je reconnaissais les lettres en néon blanc de l'enseigne que j'avais capturé dans ma vidéo de la veille. L'hôtel s'élevait sur quatre niveaux. Les fenêtres étaient voûtées sur le haut et je fus surprise de constater qu'aucune vitre n'étaient brisée. Christie passa sous un porche voûté et se retourna sur moi :

_ Tu viens ?

Comment un hôtel pouvait rester ouvert dans une telle ville ? Comment Peter réussissait à trouver des clients malgré le mur d'éboulement qui coupait la seule route d'accès ? Je me demandais si Christie ne se fichait pas tout simplement de moi.

La lumière du réverbère au-dessus de moi s'alluma. Je me retournai vers le square où l'éclairage public s'alluma petit à petit. Je remarquai aussi quelques fenêtres s'illuminer dans les maisons.

Le soleil venait de se cacher entre les pics rocheux et la ville se réveillait soudainement. Je n'avais jamais cru aux phénomènes surnaturels, aux fantômes. Je ne croyais même plus en Dieu. Mais Heaven Gates était étrange, et tout se déroulait comme dans les films d'horreurs, juste avant que l'héroïne ne se fasse tuer.

_ Lou, si tu veux rencontrer Peter, c'est maintenant. Insista Christie avant de disparaître dans le hall.

Je ne savais pas ce qui m'attendait à l'intérieur, mais je ne voulais pas rester dehors à la merci de Dexter ou de Hannibal Lecter.

Dans le hall, je restai sur mes gardes. Un parfum de cèdre embaumait les lieux. Il y avait un grand salon sur ma droite. Plusieurs fauteuils et canapés en cuir capitonnés tournaient autour d'une immense cheminée. Un feu rougeoyant crépitait dans le foyer tandis qu'une collection de photos en noir et blanc décorait le manteau. J'entendais les bûches craquer sous la puissance des flammes.

Observer le feu avait toujours été pour moi quelque chose de relaxant. Mais je trouvais quelque peu inutile d'en allumer un au mois de Mai.

Face à moi, un majestueux escalier en bois sculpté montait dans les étages. Un tapis bleu-nuit protégeait les marches. Je m'interrogeait sur la décoration de l'étage, si elle était aussi accueillante que le rez de chaussée. Mon questionnement prit fin quand j'entendis la voix de Christie sur ma gauche. Mon regard suivit les éclats cristallins de sa voix d'enfant.

La pièce sur ma gauche était pour ainsi dire un cabinet de curiosité. Les murs étaient recouverts d'une couleur pourpre très foncé. Des objets plus étranges les un que les autre étaient mis sous cloches : Des fossiles, des cristaux précieux figés dans la roche, des petits crânes d'animaux... Des dizaines de tableaux exposaient des insectes épinglés et classés par tailles et espèces. Mais la chose la plus perturbante que je vis fut le squelette complet d'un ours, dressé sur ses pattes arrières dans un coin de la pièce. Un nuage de papillons cyans et turquoises semblait jaillir de son ventre et se disperser vers la fenêtre.