Partie 7 - Une rencontre électrisante

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La pièce qui se trouvait derrière le comptoir n'avait aucune fenêtre. Des bibliothèques remplies à ras bord recouvraient les quatre murs. Une table ronde était scellée dans le sol en marbre et le seul point de lumière provenait d'une petite lampe art déco en verre.

Peter me tourna le dos et rangea l'affichette que Christie lui avait remit dans le tiroir d'un grand bureau.

_ Les horaires sont simples. Dit Peter en se retournant. J'ai besoin de quelqu'un du coucher du soleil jusqu'à une heure avant l'aube.Vous serez payé après chaque nuit travaillée. Il n'y a pas de mutuelle, pas de garantie et je peux vous renvoyer à tout moment. Est-ce que cela vous convient ?

Absolument pas. Peter abusait de la situation. Il savait que ma motivation était fondée sur ma détresse financière. Cela lui permettait de poser des conditions illégales et abusives. Mais mon orgueil n'avait pas grand chose à dire ce soir. Il était écrasé par des dizaines de factures effrayantes.

Je hochai la tête, honteuse face à ma précarité. Peter me sourit avant de tirer un des livres de la bibliothèque près de moi. Le dos des livres était le même pour tous : bleu marine avec des lettres d'or en sous-épaisseur. Les titres étaient des dates, mois et années. Mes yeux remontèrent lentement l'ordre de rangement et je vis que le plus ancien remontait à Avril 1953.

_ Voici le registre. Désigna Peter en posant son livre sur la table ronde. Les clients le signe à chaque passage. Chaque couple, chaque passage. Insista-t-il. Il est très important de savoir qui rentre, et qui sort.

_ « Chaque passage » ? Y a-t-il des habitués ?

Peter m'observa un instant avant de porter son attention sur le registre. Il tourna les pages noircies par une centaine de signatures jusqu'à tomber sur une dernière page vierge. Il y apposa la date d'aujourd'hui.

_ Il y a des habitués... Et des touristes. Marmonna Peter dans sa moustache.

_ Quel genre de tourisme Heaven Gates peut-elle bien proposer ? C'est une ville fantôme...

Peter me toisa, vexé par ma réflexion.

_ Ne dites pas ce genre de choses devant les clients. Gronda-t-il. Ne dites pas que vous venez de Hamilton. Ne dites pas que avez des problèmes d'argent... Ne dites rien du tout. Ne parlez pas aux clients, point final. Ne monter pas aux étages. Cantonnez-vous à faire signer le registre et à donner les clés.

_ Puis-je respirer ou bien est-ce interdit ?

Le vieil homme ne réagit nullement à mon sarcasme. Que me prenait-il d'être aussi familière avec mon nouveau patron ? Mon insolence et assurance étaient pourtant exclusivement réservé aux gens que j'aimais. Aux gens qui m'aimaient assez pour m'encourager à révéler ma personnalité profonde. En y réfléchissant, j'étais insolente avec quasiment personne. Car personne ne me connaissais vraiment.

Et Peter, mon nouveau patron bourru et méfiant, découvrait une Lou qui ne se montrait pas d'ordinaire.

Une clochette sonna soudainement à côté. Peter me fit signe de le suivre et nous sortions vite de la pièce. Les premiers clients étaient arrivés et discutaient dans le salon. Je comptais trois couples éclairés par le feu de cheminée.

Un quatrième duo d'amoureux patientait au comptoir. L'homme était agité. Il regardait tout autour de lui, visiblement intimidé par la décoration insolite. La femme était jeune, je supposai une vingtaine d'année. Pourtant ses longs cheveux détachés arboraient une intense couleur argenté. Mais cette nuance habituellement associée aux vieilles personnes ne gâchait en rien la beauté de son visage. Elle avait le regard félin et une bouche pulpeuse. Plusieurs grains de beauté couvraient sa joue et sa tempe gauche, mettant en valeur son teint légèrement halé.

Heaven Gates -en pause-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant