Partie 11 - Dans l'obscurité d'un rêve

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Le soleil était déjà couché mais le ciel n'était pas encore complètement noir quand j'entrais dans Heaven Gates. J'avais évacué toute ma rage en criant et en pédalant comme une folle sur le vélo, au milieu de la forêt. J'avais sûrement effrayé tout les animaux de la montagne mais je m'en fichais. Il fallait que mes cris refoulés sortent avant que quelque chose ne se brise en moi.

J'arrivai donc dans le square un tantinet plus apaisée. Les touristes sexuels étaient déjà là, marchant dans les rues et s'amassant autour des commerces. Toutes les lumières de la ville étaient allumées. Sauf celle du Peter's Hotel. Je m'approchais du bâtiment en briques rouges et vis à travers la porte vitrée Peter accrocher un panneau « Fermé ».

Le gérant du bordel entre-ouvrit la porte et me regarda d'un air étonné :

_Mademoiselle Evans, je ne vous attendait plus.

_Vous fermez ?

_ Eh bien, je n'ai personne pour me remplacer et je dois m'absenter... Dit-il en verrouillant la porte.

_ Je suis là, moi.

Peter m'examina en silence. Il peignait la pointe de sa moustache du bout des doigts.

_Hum. Et dois-je m'attendre à un nouvel abandon de poste de votre part ?

_Non. Il n'y a plus aucun risque là-dessus. Soupirai-je.

_Bien. Sourit-il en m'ouvrant la porte en grand.

Peter me fit signe d'entrer et de déposer mes affaires. Un poids s'envola de mes épaules. J'avais toujours le job, et Peter semblait plus ouvert ce soir. Je n'allais sûrement pas lui demander une avance de quatre cent mille dollars tout de suite, mais son sourire sincère m'insuffla de l'espoir.

Je me défis de ma veste et la posa derrière le comptoir. Peter ralluma les lumières et sortit le registre d'un tiroir. Il me rappela une nouvelle fois le règlement restreint de ma mission : sourire et me taire. Il était pressé. Je ne répondis donc rien et approuvai par un hochement de tête.

L'homme moustachu me salua et me dit qu'il serai de retour avant la fin de mon service. Alors qu'il était encore dans le hall, je reconnus la femme aux cheveux argents passer la porte avec un homme bedonnant :

_L'hôtel reste finalement ouvert ? S'étonna Jez.

_ Lou tient la boutique ce soir. Dit Peter en me pointant du doigt. Je file, je suis en retard.

Peter passa la grande porte et j'entendis un bref instant ses pas fouler le vieux porche en bois. Je me retrouvai donc seule derrière le comptoir, scrutée par Jez qui s'était figé dans le hall. Elle retira lentement les gants en cuir de ses doigts délicats et murmura à son client de l'attendre dans le salon. Elle vint ensuite vers moi. Sa démarche était digne des mannequins de podium. Jez ressemblait à une icône de mode dans sa robe moulante et ses talons vertigineux.

_Bonjour. M'écriai-je de manière un peu trop enjouée pour sembler sincère.

_ Je ne m'attendais pas à ce que tu reviennes... Dit-elle cassante.

_ Moi non plus. Soufflai-je.

Jez saisit le stylo coincé dans la tranche du livre de registre et signa la première ligne de la page avec une écriture ronde et parfaite. Je décrochai les clés de la chambre onze et les posai sur le comptoir. Jez les prit et retourna vers le hall aussi aimable que depuis le début.

_Bonne soirée. Souris-je dans son dos.

Son visage de pin-up se retourna brutalement sur moi et ses yeux de fauve me scrutèrent comme si j'étais une proie :

Heaven Gates -en pause-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant