8. Sur la colline

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De retour à Milan, toute la troupe se rendit immédiatement à l'atelier pour prévenir Leonardo de leur découverte, à savoir que son jeune disciple n'avait strictement rien à se reprocher et était même plutôt une victime dans cette affaire. Choqué, l'artiste dut s'assoir en se tenant la poitrine pour reprendre ses esprits. Son malaise ne dura que quelques secondes avant qu'il ne se relève avec une seule idée en tête, retrouver son diablotin, coute que coute, et l'enchainer si besoin pour ne plus qu'il se sauve. Non sans oublier de lui présenter quelques excuses sincères au passage. Pour ce faire, tous ses assistants et élèves furent mis à contribution. Avec les moyens du bord, il fallait quadriller toute la ville et enquêter minutieusement jusqu'à pouvoir dresser son itinéraire et le retrouver, en espérant qu'il ne lui soit rien arrivé.

Alors que le Maestro s'affairait en se lamentant sur son erreur de jugement, Kilian décida d'affronter, seul, son destin et ses responsabilités, même si Gabriele l'accompagna jusqu'à la porte de son enfer personnel.

« Tu es sûr que tu veux que je te laisse avec lui ? Après ce qu'il t'a fait... »

Déterminé, Kilian expira des narines tout l'air de sa poitrine. Oui, il le voulait. Ou plutôt, il le devait. Il n'avait pas le choix. À ses yeux, Aronne était le seul à pouvoir retrouver Salaï. Et même s'il n'en était pas capable, au moins cette reddition mettrait fin de manière définitive à toutes cette histoire. Peut-être y avait-il aussi autre chose qui motivait le blondin, mais il ne voyait pas vraiment quoi. Bah, cela devait être sans grande importance. Sa morale en avait bien plus, même si cela revenait à sacrifier le peu de dignité dont son statut le dotait.

« Il m'a couvé comme une poule, caressé comme un poussin et brisé les noix comme si c'étaient des œufs. À part me faire plumer et rôtir, je ne risque plus grand-chose. T'en fais pas Gabriele, je reste ton serviteur, je ne compte pas changer de maitre... seulement le convaincre de nous aider... »

Après avoir frappé trois fois à sa porte, un garde finit par ouvrir et demanda à l'adolescent de révéler son identité et la raison de sa présence devant la maison de la famille Ariane. Un peu gêné, Kilian finit par répondre qu'il était un petit blondinet stupide qui voulait voir Aronne et qu'il suffisait d'expliquer cela à ce dernier pour qu'il comprenne. Et en effet, il ne lui fallut attendre que quelques minutes avant d'être convié à monter dans les appartements du brunet qui l'accueillit avec quelques tressautements dans la voix sans même le regarder, le nez fixé vers la fenêtre.

« Que me veux-tu, Piccoscio ? Dépêche-toi, j'ai à faire. »

Même si ce surnom était toujours aussi incompréhensible et insupportable et provoqua un gonflement des joues de l'adolescent aux iris verts, ce dernier ravala sa fierté et décida non pas de claquer la porte pour aller bouder ailleurs mais d'énoncer en tremblotant, la raison de sa venue.

« Heu... Pardon de vous déranger... En fait, euh... Je... je venais me rendre, me livrer quoi. Enfin... voilà, quoi ! »

Alors que le blondin peinait à trouver ses mots, Aronne se retourna vers lui en ouvrant grand ses yeux incrédules. Kilian fut immédiatement déstabilisé, notamment à cause de la vue de ce visage blanc, doux et délicat, de ces cheveux noirs mi-longs et soyeux, de ces lèvres roses masquant à peine des dents ivoirines et des ces pupilles qui semblaient le perforer comme des flèches. Il se sentait une toute petite chose perdue à la merci d'un loup qui mourait de faim. Ces doigts, longs et fins, il craignait de les sentir sur sa joue et sur son buste. Et pourtant, plus son cœur battait vite, plus ses vêtements le serraient et lui faisait ressentir la chaleur insupportable d'une fin d'été. Plus sa gorge était sèche, moins il sentait ses jambes le porter et moins il avait le courage de fuir. Le regard d'Aronne tissait une corde qui semblait lui lier les pieds, les mains et le corps. Il ne s'appartenait même plus. La seule chose qu'il pouvait faire était d'abandonner la lutte. Alors, laissant ses larmes humides inonder son petit visage, il tomba à genoux, desserra et déboutonna sa chemise jusqu'à laisser apparaitre ses épaules et sa poitrine, se prosterna et supplia le jeune noble de toutes ses forces.

SalaïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant