Chapitre 13

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Quelque chose de lourd se pressait contre ses poumons. Quelque chose de tiède et doux, et réconfortant, mais qui était aussi en train d'essayer de l'étouffer. Blaine battit des paupières, aveuglé par la lumière du soleil matinal qui filtrait à travers les rideaux. Il avait la ferme intention de dégager ce qui l'étouffait. Une multitude d'espèces de petits fils bruns lui chatouillaient le visage, et la chose tiède remuait contre son torse. Bizarre.

La petite part de son cerveau déjà assez cohérente pour sortir une réponse logique à cette situation lui fournit une réponse : des cheveux. Les petits fils étaient des cheveux, et ils sentaient vaguement la vanille et le jasmin. La tiédeur remua de nouveau, glissa le long de son torse et se blottit contre son flanc.

Kurt.

Des souffles caressants lui chatouillèrent la poitrine quand Kurt enfouit sa joue dans le creux entre son cou et son épaule. Un bras pâle s'enroula autour de lui, des doigts s'enfoncèrent dans sa peau sur le côté de sa cage thoracique. Il frissonna un peu à ce contact, et sa pomme d'Adam sursauta. Cela faisait deux ans qu'il avait commencé à coucher avec des mecs, et il n'avait jamais réalisé à quel point ses flancs étaient sensibles. C'était vraiment une sensation agréable, décida-t-il en sentant Kurt soupirer contre lui. Tout ce qui concernait Kurt était agréable.

Et c'était précisément ce qui l'inquiétait tant. Tout ça était nouveau, complètement nouveau. C'était un vaste territoire inexploré. Les pensées qui lui traversaient l'esprit, la manière dont son cœur battait quand il était près de Kurt... c'était impossible que tout ça soit normal. Il ne comprenait pas ce que cela voulait dire, ou pourquoi il ressentait toutes ces choses. Mais il savait qu'il ressentait quelque chose, et cette pensée le terrifiait. Il s'était juré de renoncer à ce genre de conneries des années auparavant, à l'époque où on se foutait de lui et où on le tabassait deux ou trois fois par semaine. A l'époque où il trouvait en rentrant chez lui son père ivre-mort sur le canapé, sa belle-mère prétendant que tout était normal et les yeux de sa petite sœur pleins d'innocence et d'interrogation, totalement inconscients de l'anormalité de ce qui se passait chez eux.

Bon sang, il s'était empêché d'éprouver le moindre sentiment depuis que sa mère était morte et que son père n'avait plus eu le courage de le regarder. Parce qu'il lui ressemblait tellement, avec son sourire, ses épaisses boucles brunes, et son amour du piano qu'elle adorait.

Il fronça les sourcils et se secoua un peu. Il n'avait pas repensé à tout ça depuis des années. Il avait essayé de tout oublier depuis qu'il avait été jeté dans cet appartement de merde en mai.

Kurt remua de nouveau contre lui, puis se retourna pour tourner le dos à la fenêtre et lui, kidnappant l'un des oreillers dans son étreinte. C'était à cause de Kurt, tout ça. C'était lui qui lui faisait ressentir tout ça et resurgir ses souvenirs. C'était comme une sorte de choc électrique bizarre à travers sa peau et dans ses veines. Seulement, il ne disparaissait pas spontanément, et il battait de plus en plus fort à chaque seconde, éveillant des bouts de lui dont il ignorait lui-même l'existence.

Un frisson lui parcourut l'échine quand il perdit l'étreinte tiède de Kurt. Mais elle ne lui manqua pas. Non, il ne pouvait pas se permettre de regretter ce genre de chose futile. Il s'était roulé volontiers dans la luxure parce que cela lui avait permis de se changer les idées, et il en avait eu assez jusqu'à la prochaine fois. Et c'était aussi simple que ça, il ne pouvait pas y avoir autre chose là-dedans. Il se secoua encore et ignora son envie pressante de se blottir contre l'autre garçon. Il jeta ses jambes par-dessus le bord du lit et grimaça en voyant son boxer ruiné. Il ne pouvait pas se permettre ça non plus.

Il l'arracha et le jeta dans la petite corbeille à papier dans le coin. C'était le dernier ajout de sa chambre – il s'était ennuyé pendant le weekend et était allé fouiller les poubelles derrière le Wal-Mart. Il avait aussi trouvé un petit téléphone avec répondeur, mais il n'avait pas encore daigné l'activer. Un rapide coup d'œil au réveil l'informa qu'il leur restait encore deux heures avant le début des cours. Il fit un tour dans la pièce froide, donna un coup de genoux dans le radiateur électrique pour le faire re-fonctionner et attrapa quelques vêtements au hasard dans sa malle étrangement bien rangée. Un sourire attendri étira presque ses lèvres, mais il l'arrêta net.

Go Your Own Way (Klaine)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant