face cachée

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Lorsqu'on est adolescent, on a l'impression de n'être rien, de naître nul et on trouve des défauts jusqu'au bout du nez.

Tout devient plus intense.

Lorsque j'étais en quatrième, moi, Lisa, tout me paraissait incroyable.

J'avais un bouton sur le visage et c'était la catastrophe, ma coiffure était moche et c'était un horrible cauchemar, un garçon avait blessé ma meilleure amie de l'époque et ça devenait le big bang.

Si Magali avait dit à Stéphanie que la mère de Lucas était en surpoid à cause d'une maladie mais qu'il ne fallait pas le répéter, on pouvait alors être sûr que toute l'école le saurait.

Ainsi, lorsqu'un garçon du nom d'Even arriva au collège, ce fut le renouveau de l'année, la distraction qui venait chambouler le quotidien ennuyeux des cours.
Seulement ce garçon était très timide et pensif.

Il avait quelque chose de mystérieux. Cela m'attirait car, ayant lu beaucoup de livre romantique à cette période, j'étais persuadée qu'il cachait un secret terriblement triste ou terrifiant.

Il était constamment habillé de noir et ses sweets à capuche cachaient ses cheveux noirs.
Ses yeux aussi étaient noirs mais je ne les voyais que rarement car il était toujours dans des recoins sombres et avait tout le temps des lunettes de soleil.
Toute cette noirceur contrastait avec la blancheur pâle, presque maladive, de sa peau.

J'observais avec discrétion toutes ses indiscrétions. Et apprenait tout de ses gestes et manières.

C'est comme ça que j'appris qu'il gardait son téléphone dans la poche avant de son sac.
Je comptais l'aborder et lui demander de sortir avec moi une fois que je me serais familiarisée avec lui. Mais si mon plan ne marchait pas, je l'obligerais à m'embrasser en rançon de son portable.
Mon plan avait été réfléchis pendant plusieurs heures, la nuit.
Il était génial !
Tout les soirs je rêvais de mon couple parfait avec ce garçon aux allures de bad boy et m'imaginais déjà recevoir mon premier baisé d'une manière très romantique et originale.

J'en avais parlé à mes copines de l'époque Marie et Lana.

Notre plan était parfait et nous avions l'impression d'être des agents secrets ...
C'était très excitant et périlleux.
Nous devions réunir les conditions nécessaires.

Le coin sombre où il restait était parfait. Dans nos têtes nos téléphones s'étaient transformé en talkie-walkie et la cour de recréation en terrain de négociation très risqué.

Après avoir sécurisé le périmètre Lana commença la première opération : éloigner son sac de lui et lui poser des questions sur moi.

Lana avait mis son portable en appel pour qu'on puisse entendre les réponses d'Even. Malheureusement pour moi, elles étaient toutes négative. Abattue par cette première défaite, j'essayer le plan B: user de mes charmes.

J'avançais, les cheveux détachées, la bouche pulpeuse et les yeux papillonants.
Ma démarche était gracieusement nonchalante.
J'envoyais ma généreuse poitrine de 80 A afin qu'on la voit mieux.

Le garçon me regardait avancer avec étonnement. J'en déduis qu'il devait me trouver magnifique.

Arrivée à sa hauteur je m'assis à côté de lui, frôlant légèrement son cou avec mes cheveux.
Il frissona, c'était l'effet voulu.

Je me penchais vers son oreille et lui susurrais :
- Salut, Even, je me demandais si tu avais une petite amie?

Il s'éloignât, déconcerté par ma beauté.

Il répondit d'une petite voix non.

Je me rapprochais alors de lui à nouveau et approchais ma bouche de la sienne, qui tremblait légèrement me semblait il, pour lui demander :
- Et tu ne voudrais pas sortir avec moi, après tout, je vois que tu en as envie...

Cette fois il me repoussa clairement, et je ne compris pas lorsqu'il déclara :

-Écoute, Lisa, c'est gentil de t'intéresser à moi mais je n'ai besoin de personne.

Ce devais être pour me protéger de son lourd secret qu'il faisait ça, c'était certain.

-Even, je sais que tu me caches quelque chose mais ne t'inquiète pas, rien ne peut se mettre entre nous! Je t'aime Even!

Il me regarda, surpris, puis soupira.

-Lisa, j'ai dit que j'étais pas intéressé, va voir quelqu'un d'autre s'il te plait.

Il était tellement sérieux que je dû utiliser le plan C: lui voler son portable.

Les filles avaient tout entendu grâce au portable que j'avais sur moi et qui était en mode appel.

Lorsque j'ordonnais d'une voix ferme et autoritaire légèrement aiguë "Plan C, les filles!"

Elles m'obéirent et je pris le portable d'Even dans son sac.

Il ne comprit pas de suite ce qui se passait mais quand il vit son téléphone dans ma main, il devint plus blanc que la mort. J'avais en ma possession, une arme nucléaire ! Il bondit et perdit ses lunettes de soleil, dévoilant ses magnifique yeux noirs.

Lana et Marie avait prévu le coup et l'empêchèrent de venir vers moi.

Je commençais donc à fouiller dans son téléphone en lui disant :

-Si tu m'embrasses, je pourrais te le rendre, tu sais.

Il grogna ce qui lui donna un air plus viril...

Je m'arrêtais soudain sur une photo, trop choquée pour poursuivre.

Je lui montrais la photo et lui demandais :

-C'est toi?

Il devait avoir un an ou deux de moins. Ses cheveux et sa peau étaient blancs, ses yeux d'un bleu très clair et son corps était maigre. Il était dans un bâtiment et souriait.

Le monde s'écroulait autour de moi quand je compris que mon âme soeur, Even, était albinos.

***

Quand je repense à cette période, je me rend compte à quel point c'était ridicule. Tout devenait incroyable à l'excès.

Mon plan était ridicule et non fonctionnel, ma démarche lorsque j'allais vers Even était tout sauf gracieuse, mon physique de rêve était tout ce qu'il y a de plus normal et la découverte accablante du secret de ce pauvre crush de collège n'était qu'une maladie assez rare. Il faut savoir relativiser!

Vraiment, l'adolescence nous révèle une face cachée de nous même. C'est ridicule de voir les choses avec cet angle catastrophique lorsqu'on sait qu'il y a des choses bien plus grave....

À tous les sens.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant