RECIT N°5 :Le G.O.

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Y'a pas à dire, j'adore l'été !

Romain sourit : comme à son habitude, Lise était particulièrement en forme. Étudiante en biologie, toujours de bonne humeur et plein d'énergie, c'est elle qui avait été à l'initiative de cette petite après-midi détente. Sur la chaise à côté d'elle, Matthieu s'affaissait lentement, profitant du soleil encore chaud qui massait son visage. Pour Romain, Matthieu était une énigme vivante : intelligent, cultivé et débrouillard, il avait enchaîné les formations depuis le lycée sans réussir à compléter une seule année, blasé par à peu près tout ce qu'il entreprenait. Face à Matthieu, assise à la droite de Romain, Sarah terminait son café glacé, l'air particulièrement absorbé par le palais du Luxembourg qui se trouvait face à elle. Ses vieilles baskets colorées se balançaient négligemment du haut de l'accoudoir de sa chaise métallique, tandis que le soleil dessinait dans sa tignasse ébouriffée une auréole flamboyante.

Romain était raide dingue de cette fille. Tout en elle lui plaisait : ses fringues improbables, ses vieilles lunettes d'aviateur, son flegme éternel, ses innombrables bracelets, et son sourire... son sourire surtout...

Romain toussota un peu, et la jeune fille tourna la tête dans sa direction.

Pas mal comme bâtiment non ? C'est un bâtiment du 17ème, régulièrement rénové, adapté au fil du temps. On reconnaît le style d'un château Français classique, mais aussi l'inspiration de l'architecture Italienne, due aux volontés de Marie de Médicis. La partie centrale est particulièrement imposante, et le côté que l'on voit d'ici est au rez de chaussée la bibliothèque du Sénat. On dit souvent que...

Et ce fut à ce moment précis que Romain reçut un chapeau en plein visage.

Mec, on t'adore, mais si tu continues à m'empêcher de dormir en parlant architecture, je te jette une chaise.

Romain aurait pu étrangler Matthieu sur l'instant. Il se tourna vers Sarah, tentant de reprendre une certaine contenance. Celle-ci le regardait par-dessus ses lunettes de soleil, d'un air qui lui fit perdre tous ses moyens. Il détestait cet air impénétrable, et pourtant, il ne l'aurait échangé pour rien au monde. La jeune fille jeta un regard à Matthieu qui avait repris son activité somnolente, remit ses lunettes et lâcha :

Moi, ça m'intéresse.

Puis elle se retourna à nouveau vers Romain, et lui sourit.

Ce sourire...

Partout autour d'eux des groupes s'étendaient sur les pelouses, formaient des cercles de chaises, déambulaient dans les allées sous les arbres du jardin à la Française. Des enfants d'un centre municipal faisaient flotter des bateaux sur la fontaine centrale, et quelques touristes enthousiastes tentaient de se faire expliquer le plan des métros parisiens.

Il était 17h, le soleil était encore chaud, et les quatre amis de lycée passaient un doux samedi après-midi dans le parc du Luxembourg.

*

Les quatre étudiants avaient repris leur conversation et discutaient joyeusement de cinéma, de sports et d'émission télé. Absorbés dans débats sans fin, ils ne remarquèrent pas l'homme qui, depuis quelques instants, les observait fixement.

L'homme était grand, souriant, et son crâne dégarni était coiffé d'un chapeau sombre. Il était à quelques mètres seulement du petit groupe, et semblait plongé dans un profond dialogue intérieur.

Brusquement, il sembla se décider : il se redressa, et avança d'un pas résolu vers le cercle de chaise.

Bonjour, cela vous dirait quelques exercices d'imagination ?

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