Unexpected Love

quarante-deux

Kyle avait la furieuse envie de se tirer une balle dans le pied. Pour pouvoir être emmené d'urgence à l'hôpital, et surtout pour fuir ce simulacre de réveillon de Noël. Ce que cette soirée pouvait être lourde et ô combien ennuyeuse ! Il voulait désespérément se retrouver à un autre endroit, très loin de tout ce monde détestable et bruyant. Il n'avait pas cessé de réprimer des bâillements depuis son arrivée, et encore les choses empiraient. Il bouillait littéralement de rage, à cet instant précis. Il avait la désagréable impression de suffoquer et surtout d'être pris au piège.

Ce qu'il avait pu être bête! Pire même, si un mot plus explicite existait pour qualifier son haut degré de stupidité, il l'aurait volontiers utilisé. Parce qu'il fallait l'admettre, il avait sauté les deux pieds joints dans les manigances d'Irma. Dire qu'il la croyait inoffensive ! Il s'était correctement fait avoir, oui. C'est lui qui avait été naïf de croire qu'elle aurait aussi facilement jeté l'éponge après qu'il l'ait viré de son appartement. Elle n'avait pas lésiné sur les moyens depuis pour lui pourrir la vie officieusement et sans relâche, mais ça c'était le coup de trop! Pourquoi ? Parce qu'elle était parvenue à son objectif. Il avait bêtement satisfait sa folle envie de le voir loin de Lewis ! Ce que ça pouvait le mettre hors de lui, cette histoire !

Et encore! Ce n'était pas ça, le pire. Parce qu'en sortant du magasin, où il s'était arrêté pour récupérer le cadeau de sa mère, qui l'attendait tranquillement garé sur sa place de parking ? Le gars de la photo ! Dans de pareilles circonstances, il lui aurait été impossible de garder son calme. Un accueil en bonne et due forme s'imposait, et il ne se le fit pas dire deux fois, pour lui régler son compte. Deux bons uppercuts, un nez cassé et une chemise déchirée plus tard, ils avaient totalement fait connaissance. Kyle lui avait à contrecœur prêté un mouchoir bleu, brodé à ses initiales - que Lewis lui avait offert - afin qu'il puisse nettoyer son nez en piteux état. Et une fois tous les deux calmés, ils avaient eu une longue conversation sur comment Irma s'était moqué de lui depuis le début, et surtout sur son rôle à lui dans les manœuvres de son ex-fiancée pour le séparer de sa future femme.

Il avait eu envie de mourir. D'être englouti par le sol afin de dissimuler à la face du monde toute la honte qui menaçait bientôt de  déborder de chacun des pores de sa peau. Il mourrait d'envie de donner deux autres coups de poings à L'Idiot qui se tenait juste sous ses yeux, le fixant sans la moindre gêne à ce triste moment. Il voulait hurler sa colère aussi, tant il se sentait stupide, malléable entre les doigts experts et manipulateurs de celle qu'il avait un jour cru aimer. Mais non, il avait fallu qu'il se calme. Jamais il ne se serait ainsi donné en spectacle devant ce triste personnage, encore moins parce qu'il ne voulait donner satisfaction à personne, de le voir dans un tel état de trouble. Aussi avait-il simplement récupérer ses clés de voiture tombées par terre pendant leur échange plutôt musclé - ainsi que son mouchoir imbibé du sang de celui qu'il avait osé prendre pour rival - ; avait démarré en trombe et avait déguerpi de ce fichu parking sans un œil en arrière. Encore maintenant, il se demandait comment il avait fait pour arriver chez ses parents en vie et en bonne santé - ça, par contre c'était à revoir. Depuis, il avait la désagréable impression d'être à bout de souffle, au bord de la crise cardiaque. Et malheureusement pour lui, ça n'allait pas s'arranger.

*****

- tu devrais sourire un peu. On dirait que tu vas à un enterrement. Murmura Anna alors qu'elles pénétraient dans les jardins, bondés du manoir.

- oui Anna, celui de ma dignité, blessée et complètement piétinée par un imbécile de premier ordre, arrogant et froid comme la pierre. Grommela une Lewis qui se retenait presque de trainer les pieds. Ses chaussures, trop belles, ne méritaient pas un tel sort.

- mais c'est qu'elle est rageuse, la petite!

- ah tante Pola!

- quoi ''tante Pola''? Ce n'est pas moi, qui t'ait forcée à venir ici. C'est ta sœur. Tu sais très bien que si ça ne tenait qu'à moi, on serait entrain de jouer aux fléchettes dans un parfait petit bar rétro en sirotant des Martini et des sex on the beach à profusion!