Unexpected Love

trente-neuf

Une grosse dispute avait éclaté après le discours de Pola, en même tant qu'une pluie diluvienne. Anna, voulant sans doute déverser sa colère sur quelqu'un d'autre qu'elle, avait tôt fait de dire à Kris ses quatre vérités, l'accusant de s'être mêlé d'une histoire qui était loin de le regarder. Et évidemment, le bougre ne s'était pas laissé faire.

- tu n'avais pas le droit Kris! Certainement pas! Oser clamer comme ça que ma sœur est dépressive, non mais qu'est ce que tu en sais?!

- Anna.. Arrête de prendre autant les choses à cœur! Personne ici n'avait l'intention de leur dire la vérité!

- et évidemment, toi tu n'as pas pu te retentir. Il fallait que ce soit toi! N'est ce pas? Comme si ça te regardait! 

- eh bien oui, ça me regarde!

- ah mais c'est parfait! Tu aurais dû tout leur dire alors! En prenant le soin de prononcer chaque mot, parce qu'après, tu peux me croire, elle m'aurait manqué ta vilaine langue!

De l'autre côté Jill n'arrivait pas à croire qu'elles leur avaient caché une chose pareille. Pire encore, elle n'arrivait pas avaler le fait que Pola ait pu envoyer Lewis à l'asile. Elle la tenait clairement pour responsable de tout ce qui avait pu se produire à cette époque là, et ne se cachait pas pour le dire. Évidemment Pola ne s'était pas retenue pour lui dire elle aussi sa façon de penser. Elle n'avait certainement pas le droit de la juger sur ce qui s'était passé, et encore moins de lui en tenir rigueur. Elle s'était sentie assez mal pendant ces dernières années pour qu'une ''pecno dégénérée et insensible'' se permette de lui rappeler ses erreurs. Les tons étaient vite montés, et franchement, personnes n'aidaient à les faire redescendre.

Kyle, les neurones en surchauffent admirait la scène, muni de son flegme habituel. Ni son père ni lui, n'avaient ne serait-ce qu'essayer d'arranger les choses. Ils n'avaient pas l'énergie, l'envie et encore moins la patience pour mettre un terme à cette querelle de petites filles. C'était vraiment incroyable, et surtout grotesque comme situation. Sa femme était quelque part là, dehors, sous la pluie et le froid. Et tout ce que ces bonnes femmes trouvaient à faire, c'était se chamailler. Déjà qu'il n'arrivait pas croire qu'elle lui avait caché une chose pareille, après tout ce qu'ils avaient vécu tous les deux. Il allait l'épouser, pardi! Preuve ultime de tout ce qu'il pouvait ressentir pour elle. Et pourtant ça n'avait pas suffi pour qu'elle lui fasse confiance, pas au point de se confier à lui en tout cas. Et c'est bien ce qui le désolait le plus, dans cette histoire.

****
Molly, bien qu'étant en cuisine, entendait les cris furieux résonner du salon. C'est dire que la tempête ne faisait pas rage que dehors. La situation pour l'instant aurait pu être qualifiée de tolérable, si Jill n'avait pas fait dériver le sujet sur la proximité louche de Lewis et sa tante. Sujet plutôt sensible compte tenu du caractère des deux femmes. Cela avait bien évidemment fait empirer les choses. Jill estimait que Pola était une irresponsable, et que Lewis n'aurait jamais dû lui pardonner ce qu'elle lui avait fait. Pour Pola, Jill n'était qu'une petite envieuse qui voulait l'éloigner de sa nièce. Et pour la gouvernante, il était évident que sa patronne était jalouse de Pola. Cette pensée la fit bien sourire, malgré le sinistre de la situation. 

- tu sais ce que je pense moi de toi? Que tu n'es rien d'autre qu'une hypocrite ! Et la seule chose qui jusque là m'avait retenue de jeter hors de chez moi, c'était Lewis!

- ouiiii Lewis! Encore et toujours Lewis ! Tu ne sais rien faire d'autre que mendier des miettes d'amour de la part de MA fille! Mais regarde les choses en face, ma petite Jill, elle, tu ne l'auras jamais !

Ça avait été la goutte de trop. La voix de Jill était grimpée de deux tons, alors que paradoxalement Pola gardait son calme, visiblement préoccupée par plus grave. Molly imaginait bien Floyd, et Kyle surtout, les regarder se disputer comme des gamines, alors qu'un sérieux mal de tête commençait à se faire sentir. Il fallait que les choses se calment. Elle fouilla dans la boîte à pharmacie à proximité du frigo et s'empara de quelques cachets d'aspirine qu'elle déposa ensuite sur le plateau où trônaient déjà service à thé, gâteaux secs et eau fraiche. Impeccablement mise dans sa tenue bleue de gouvernante, elle souleva le tout avec pour intention de se diriger vers le salon, lorsqu'elle entendit derrière elle, la porte donnant vers l'extérieur s'ouvrir.