quarante

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- bon, il faut qu'on fasse quelque chose.

Anna et Pola accueillirent cette phrase avec un air perplexe qui ne manqua pas d'agacer Jill. Mais la cinquantenaire se reprit. Elle n'allait pas se laisser démonter au premier obstacle qu'elle rencontrerait. Pola elle, s'enfonça un peu plus dans sa chaise, se retenant presque de croiser les bras sur sa poitrine, signe manifeste d'un ennui profond. Elle avait cru faire un infarctus lorsque Jill l'avait appelée très tôt ce matin là - neuf heures, c'était encore les aurores pour elle- pour l'inviter au restaurant. Elle avait alors traîner ses pieds avec nonchalance et mauvaise humeur vers le lieu du rendez-vous, exaspérée avant l'heure, d'avoir à passer du temps avec cette bonne femme pour quelque obscure raison. Sa surprise s'était faite grandissante lorsqu'elle avait trouvé Anna déjà installée, buvant son expresso comme si de rien n'était. Non mais c'était encore quoi cette histoire ?

Jill leur avait demandé de la retrouver dans un restaurant assez ''chic'' pensait-elle sûrement, ce qui avait fait regretter doublement à Pola d'avoir accepter ce déjeuner ridicule. L'endroit plutôt simple, était surtout décoré dans les tons beige et blanc. Les meubles étaient pour le moins raffinés, les tentures impeccables, de fins et coquets  tableaux étaient accrochés de part et d'autres, de manière à plaire davantage, et le personnel, guindé dans des tenues noires classiques, n'était pas très accueillant. Mais, avec beaucoup d'imagination, on aurait facilement pu se croire dans un salon de thé typiquement anglais. D'ailleurs elle se demandait toujours si ce n'était pas le cas.

Lorsqu'elle avait pris place aux côtés de sa nièce, d'humeur plutôt grincheuse, elle sut que ce serait difficile de rester polie sans Lewis dans les parages. Et puis elle se demandait toujours ce qu'elles faisaient toutes les deux là, lorsque Jill, habillée d'un ensemble rouge vif qui ne manqua pas de lui redonner quelques couleurs, franchit enfin la réception.  Et depuis une trentaine de minutes qu'elles étaient là, installées autour d'une table carrée recouverte d'une nappe blanche qu'elle trouvait hideuse, attendant leur commande, ce n'était que maintenant qu'elle comprenait.

- ça fait huit jours que je n'ai pas vu mon fils. Il s'arrange à être toujours de garde, et ne rentre quasiment plus du tout à la maison. Tout ça depuis que Lewis a quitté la maison. Argua-t-elle avec une mine si affectée qu'elle sonnait presque faux.

- pardon de ne pas me sentir concernée par tout ça mais, je ne vois pas le rapport avec moi. Et encore moins avec mon sommeil interrompu du dimanche!

Jill ne manqua pas de fusiller Pola du regard, se retenant de lui envoyer sa fourchette en pleine tête, et préféra se concentrer sur Anna. Anna, et rien qu'Anna. Pour ne pas sortir de là, menottée et escortée par des agents de police douteux pour un meurtre pourtant bien mérité.  Et puis elle ne voulait pas ternir l'image de son restaurant préféré. C'est donc avec une grosse inspiration qu'elle parvint à reprendre son calme.

- comment va Lewis?

Anna lui lança un très faible sourire avant de répondre avec une voix plutôt calme.

- elle n'a jamais été aussi active. Elle couve Josh comme une mère poule, l'emmène partout avec elle.. Elle a tout le temps de nouvelles idées pour son restaurant, fait des heures supplémentaires pour dresser la carte des menus avec le chef cuisinier. Elle sort même avec quelques uns de ses employés, leur offrir des verres après le service.

- elle a l'air de mieux prendre les choses que je ne le pensais.

- ah, c'est là que vous faîtes erreur Jill. En général quand elle est vraiment affectée par quelque chose, elle fait tout pour ne pas se retrouver triste et seule. Sûrement une précaution depuis qu'elle est sortie de l'hôpital. Donc, plus elle entreprend d'activités pour se distraire, pire elle va. Et je peux vous dire, Jill, qu'à deux jours de Noël, elle est overbookée.

Unexpected LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant