Ses pas tremblaient. Elle entendait à peine la voix de l'hôtesse tant ses pensées étaient remplies par des préoccupations d'hier et de demain. Elle revoyait les larmes de son père, les cris de son plus jeune frère et le silence dans lequel c'était plongé son second frère. Elle sentait encore les bras de sa grand-mère qui lui murmurait que tout se passerai bien, qu'elle reviendrai vite. L'hôtesse lui indiqua une place et elle s'assit en bredouillant un vague merci. Elle regarda les deux dames qui gesticulaient au milieu de l'allée pour réciter les gestes de sécurité. Quand le pilote annonça le décollage, elle s'observa dans le hublot. Ses cheveux blonds coupé au carré encadraient son visage fin et mettaient en valeur ses grands yeux verts. Seuls sources de couleur dans sa silhouette, ils étaient le point commun de sa fratrie. Elle reposa sa tête contre son siège et ferma les yeux pour se concentrer sur sa respiration. Le stress lui resserrait la gorge. L'avion commença sa montée. Elle enfonça ses ongles dans l'accoudoir.
« Mademoiselle ? »
Elle se tourna vers son voisin, un homme assez mûr surmonté d'une costume deux pièces noir.
« Vous allez bien ?
- Oui, excusez moi. »
Il lui sourit puis se reprit son livre. Elle se demanda pourquoi elle s'était excusée. L'avion survolait la capital qui l'avait vu naître et grandir. Elle vit disparaître le château derrière les nuages. La nostalgie l'envahit. Elle espérait revoir rapidement son pays. Elle lissa sa jupe noire d'une main distraite. L'avion passa à travers les nuages. Elle voulu crier au pilote de s'arrêter, de la laisser descendre. Les larmes lui coulaient le long des joues. Elle les essuya pour ne pas que son voisin les voit. Elle ferma les yeux, voulu s'endormir pour laisser sa vie de côté.
Une secousse la réveilla. Elle se redressa et regarda autour d'elle. L'homme n'était plus à ses côtés mais debout, comme tant d'autres, dans l'allée de l'avion. Tous se précipitaient. Elle se leva et suivit les autres sans un mot, sans un au revoir. Ses yeux ne regardaient que le sol et ses pieds la menaient vers son destin incertain.
Un homme en noir l'attendait dans un vestibule. Il la salua d'un hochement de tête, ramassa sa valise et se dirigea par la porte par laquelle elle était rentrée. Il la fit ensuite rentrée dans une voiture toujours avant de s'installer au volant. Elle aurait voulu poser toutes ses questions qui restaient sans réponses mais la voix de sa grand-mère lui interdisait « N'ouvre jamais la bouche tant qu'on ne te l'a pas demandé. Chacun de tes mots vaut de l'or. » Elle observait donc le chemin comme si elle pouvait savoir vers où elle allait. Enfin la voiture tourna dans une ruelle qui descendait dans un parking. Il se gara, sortit sans même lui jeter un coup d'œil. Elle soupira bien consciente que son séjour serai long. Très long.Elle attendait encore et toujours. Elle passait de salles en salles, suivant des hommes silencieux qui lui indiquaient de patienter d'un simple signe de tête. Et ce fut son énième vestibule. Elle ravala sa colère. Elle en avait vraiment marre de se faire trimballer sans même savoir où elle était mais elle essaya de se raisonner. Peut-être est-ce une procédure quand on arrivait à Bénimi ? Ou seulement à cause de son statut. Elle observait son environnement pour, déjà, essayer de comprendre la personnalité de la majesté qu'il l'attendait. A chaque salle les couleurs changeaient : du rose au noir en passant par le bleu lagune et le vert bouteille. Cependant le mobilier était sensiblement le même, coupait dans un bois similaire qui semblait plus clair que les arbres qu'elle connaissait. Mais on lui indiqua une chaise devant un bureau. Elle reprit espoir. La salle était ocre et quand elle vit entrait un homme dans la salle avec à sa suite une dizaine de femmes et d'hommes, elle comprit que son voyage commençait à peine. Elle se frotta les tempes. L'homme était grand et mince, son costume était assorti à la pièce et son visage à l'ambiance qu'elle avait ressentit jusqu'ici dans ce pays : fermée. Ses yeux bleus contrastaient avec sa peau mate et ses cheveux noirs mi-long. Les personnes qui l'accompagnaient se tassèrent derrière lui et fermèrent la porte par laquelle ils étaient entrés. Elle était enfermée surtout qu'elle était la seule assise dans cette pièce exiguë. L'homme prit la parole :
« Très bien. Parfait. »
Il s'assit, sortit un carnet d'un tiroir du bureau et reprit :
« Alors ? Vous savez pourquoi vous êtes là, je suppose. Qu'avez-vous à nous dire ? »
Elle le fixa, surprise. Il regardait avec le sac qu'elle tenait entre ses mains comme un bébé. Elle sentit une vague de colère la submerger. Elle n'allait pas garder son calme très longtemps mais elle s'efforça de prendre une voix posée mais qu'elle fut obligée de tinter d'une pointe d'ironie.
« Bonjour, oui j'ai fait un très bon voyage merci. Par contre si vous voulez bien m'excusez j'aimerai me reposer. »
Elle se leva.
« Donc s'en vouloir vous offenser je pense que je vais prendre congé de vous et si vous pouviez m'indiquer une chambre ça serait aimable de votre part.
- Vous ne quittez pas cette pièce. »
Sa voix était sèche. Elle se tourna vers lui et haussa les sourcils.
« Je ne crois pas avoir été assez claire. Vous allez me laisser partir de cette pièce en ayant l'obligeance m'attribuer une chambre. »
Une vielle dame hoqueta de stupeur. L'homme se leva et lui barra le passage.
« Je crois que vous non plus vous ne m'avez pas bien compris. Vous n'êtes qu'une invitée ici. Et figurez-vous qu'ici c'est moi qui décide.
- Ah bon ? Vous décidez ? Je ne suis qu'une invitée ? Êtes-vous sûr monsieur le prince ?
- Stop Aurélien. »
Une dame entre deux âge sortie des rangs et alla se placer à côté de l'homme.
« Tu la laisses partir, tu lui donnes une chambre et tu me rejoins dans mon bureau. »
Elle adresse un demi-sourire à l'assemblée en lui indiqua la porte qui lui faisait face et sortit par celle par laquelle elle était entrée. L'homme lança un regard hargneux à la jeune femme puis grinça :
« Amita amène la à sa chambre. »
Et il sortit.
« Mademoiselle ? Suivez-moi s'il vous plaît. »
Et le dédale de salles et de couloirs recommença.« Maman ! »
Il s'élança à sa suite. Elle se retourna sur le seuil de son bureau.
« Non Aurélien, tu te tais. Rentre, assieds-toi. »
Elle ferma la porte derrière lui et s'assit en face de lui.
« Tu t'en rends compte de ce que tu allais faire ? Il faut gagner sa confiance, pas lui faire peur. Si elle ne nous parle pas comment on fait ? Le but de sa venue, en plus de créer un lien commercial et politique avec son pays, c'est de découvrir le secret qui fait que ça famille est si importante. Donc tu te la ferme et tu sympathises avec elle. Même si tu n'est pas content, même si tu ne l'as pas choisi.
- Et si j'ai pas envie ? Et si j'ai envie de me marier avec quelqu'un d'autre ?
- Tu n'as pas le choix Aurélien, on en a déjà discuté.
- Mais...
- Non la discussion s'arrête là. Tu fais ce qu'on a dit et tout ira bien. »
Il sortit en claquant la porte.
« Églantine, vas chercher Amita, qu'on voit ensemble la suite des événements et vérifie qu'Aurélien se dirige bien vers sa chambre.-Oui madame. »
La chambre était triste, terne, blanche, vide. Le lit trônait seul comme un vieux roi oublié. Un tout petit bureau faisait l'angle et une armoire semblait avoir été posée par hasard au milieu. Une porte menait à la salle de bain.
« Voilà. C'est une chambre provisoire. Les draps sont dans le premier tiroir. Pareil pour les serviettes de toilettes. »
Sa voix était rauque comme si elle n'avait pas l'habitude de parler. Et dans le silence elle se mordillait l'intérieur de sa joue. Son physique d'enfant contrastait avec le ton et la posture qu'elle abordaient. Ses épaules étaient tirées vers l'arrière et son menton était levé. Ses sourcils froncés reprochaient quelque chose mais ne semblaient eux-même ne pas savoir quoi. Soudain une très vieille dame arriva tout sourire et appela :
« Amita, madame vous appelle. »
Et celle-ci s'enfuit sans jeter un seul regard à la jeune fille.
« Pauvre gamine, soupira la dernière arrivée qui se tourna ensuite vers la chambre. Le château est fait d'une multitude de belles chambres et on vous attribue celle qui a le moins de charme. »
Elle soupira et puis continua son chemin après avoir lancé :
« Ils vont tous vous pourrir la vie, ma pauvre chérie. »
La pauvre chérie en question nota chacun des éléments dans un coin de se tête en se rappelant l'avance qu'il fallait garder sur eux.
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Rester silencieuse
General FictionElle part avec un secret et un mariage. Mais ne connaît ni l'un ni l'autre.