On connaît tous, à un moment de notre vie, ce doute. Celui qui nous induit en erreur, celui qui nous remet constamment en question. Ce moment où l'on attend, là, bêtement, comme si la réponse à toutes nos prières allait nous tomber du ciel.
— Attends !
Je me suis enfoncée dans la neige, encore plus profondément que je ne l'étais déjà. J'aurais voulu disparaître sous cette dernière, disparaître derrière le blanc immaculé, là où personne ne pourrait me trouver. Je veux redevenir, l'espace d'un instant, cette fille invisible que j'étais avant.
Oui, je veux revenir en arrière.
— Ne pars pas !
Pourtant, je ne bouge pas. Je suis là, tournant le dos à la superbe maison et aux silhouettes se tenant certainement aux abords des plus proches fenêtres. Je suis là, dans l'allée gelée, à me dire que peut-être, j'aurais pu faire les choses autrement.
On peut toujours faire les choses autrement.
Alors je suis restée là, à attendre. Une délivrance. Un pardon divin. Je ne le sais que trop bien. Je ne sais plus où aller. Quoi penser. Quoi dire et quoi faire pour qu'enfin, ma vie reprenne un sens pour moi. Je n'ai aucun talent particulier. Je ne suis pas spécialement jolie. Je ne sais rien faire de mes mains pratiquement sauf des spaghettis et mon seul petit plaisir réside dans un livre que je tiens sur Internet.
Oui, j'ai vraiment une vie pourrie à cet instant précis.
Mais lui... Lui ne l'a jamais vue sous cet angle. Lui, il s'est contenté de s'enfoncer dans la neige, comme moi, à moitié dénudé avec juste une écharpe autour de cou. Il s'est approché, le pas lourd et pourtant prudent.
Il a posé ses mains sur mes bras et m'a retournée en face de lui.
— Pourquoi tu t'en vas ?
Mon visage est rouge. À cause du froid. À cause des larmes. À cause de toutes ces choses à la fois. C'est à peine si je peux le regarder en face. J'ai honte. Honte de prendre ainsi la fuite comme une enfant. Honte du comportement que j'ai eu ces derniers temps.
Je pensais vraiment pouvoir me débrouiller sans lui. Je pensais vraiment pouvoir me détacher de lui.
Et pourtant, il est là, juste en face de moi, avec toute la misère du monde teintant ses yeux gris d'un voile de chagrin.
La vérité est que je suis restée là, sans dire un mot, sans sortir un seul son, parce que je suis bien incapable de trouver une réponse assez satisfaisante à sa question. Pas tant pour lui mais pour moi. C'est vrai, pourquoi je pars ? Pourquoi je me sens aussi malheureuse en voyant tous ces gens heureux ? Je devrais être heureuse, je devrais me réjouir. Me réjouir de voir que finalement, pour la première fois depuis longtemps, tout le monde tient dans une seule et même pièce. Ils sont là, assis, à se regarder, à discuter, à boire un café et pourtant, moi je les regarde comme s'ils s'éloignaient de ma portée.
Telles des étoiles à jamais inatteignables.
Au fond, je les jalouse. Rien de plus, rien de moins. Il n'est pas important de tergiverser sur ce que l'on ressent, ce n'est pas comme ça que l'on résoudra le problème mais en le nommant : jalousie.
Je suis jalouse de les voir ainsi. Je suis jalouse de les voir rire sans moi. Je suis jalouse de les voir former un petit monde sans moi. Je pensais en faire partie mais je me suis enlevée ce droit le jour où j'ai tourné le dos à ce monde-là.
— Alexandra... Pourquoi...
— Lâche-moi, je veux rentrer.
Je veux rentrer chez moi. Dans mon monde de l'oubli parce que tu ne comprendrais pas même si je te l'expliquais. Et là de suite, j'ai trop honte de moi. Honte d'être cette enfant capricieuse.
Honte de l'être devenue. D'en demander toujours plus.
— Non.
Il ne m'a jamais dit « non » ou pas avec autant de fermeté. Je ne suis pas la seule à avoir changé. Je ne suis pas la seule à être ressortie transformée de toute cette histoire qui nous englobe et nous traîne avec elle vers des profondeurs étouffantes.
Mais quand je le regarde, je me rends compte ô combien j'ai cessé le combat avant lui tandis qu'il n'a jamais cessé de se battre.
Pour lui. Pour moi.
Pour nous.
— Lâche-moi, Caleb.
— Non. Ça suffit maintenant, j'en ai marre de ton comportement ! J'en ai marre de te voir dans cet état-là ! J'en ai marre de te regarder t'enfoncer toujours un peu plus tout en te complaisant dans ton malheur ! Tu n'es pas la seule qui souffre de cette situation, Alexandra. Tu n'as jamais été seule à souffrir. Tes rires étaient les miens. Tes pleurs étaient les miens. Tes défis étaient les miens. Je t'ai toujours soutenue, épaulée, aidée et à la première grosse vague, toi, tu m'as tout simplement balayé d'un revers de la main en me disant qu'il était préférable que l'on se sépare. Alors je t'ai écoutée, je t'ai donné le temps que tu voulais. L'espace que tu désirais. Je t'ai tout donné mais là, j'en ai ras le bol. J'en ai marre de te voir aussi triste, aussi en colère. Je te l'ai dit, un jour, au détour d'une rue, si tu veux frapper quelque chose, frappe-moi. Si tu veux pleurer, je te prêterai mon épaule pour te cacher. Si tu veux crier, je te boucherai les oreilles pour ne pas que tu te blesses également. Mais tout ce que je ne peux pas faire, c'est te laisser ainsi ! Alors maintenant... Ça suffit !
— C'est facile pour toi de dire ça ! Tout est toujours facile pour toi ! Tu es là, affrontant tous les obstacles du monde, faisant de la vie une promenade de santé mais tu n'as jamais été...
— Quoi ? Je n'ai jamais été quoi ? Malheureux ?
Si. Il l'a été. Lui plus que n'importe qui.
— Je t'ai promis, il y a quatre ans, que je t'aiderais. Je t'ai dit que rien ne serait facile mais je ne me suis jamais dérobé auprès de toi à ce que je sache. J'ai tenu parole. J'ai tenu bon malgré tout. J'ai fait l'impasse sur beaucoup, beaucoup de choses qui ne me plaisaient pas. Parfois, oui, je l'admets, j'en ai versé des larmes, seul, dans le noir. Parfois, oui, je le crie, j'étais à bout de solutions et d'idées mais j'ai eu la chance de t'avoir toi. D'avoir Joey. D'avoir Alexis. Et j'ai surmonté tout ça. Ça m'a pris du temps. Par moment, j'ai eu envie de tout abandonner et quand je te regardais, oh que je me trouvais minable. Minable de ne pas être à la hauteur de tout ce que tu espérais. Donc maintenant, c'est à notre tour de t'aider. Et si tu ne veux pas de notre aide, tant pis, on restera là, collés à toi, jusqu'à ce que tu te fasses à notre présence. Comme avant.
Comme avant.
On connaît tous, à un moment de notre vie, ce doute. Celui qui nous induit en erreur, celui qui nous remet constamment en question. Ce moment où l'on attend, là, bêtement, comme si la réponse à toutes nos prières allait nous tomber du ciel.
Et comme à son habitude, le ciel m'envoie exactement le même message avec le même messager qu'il y a quatre ans maintenant.
Caleb Lonford. La réponse à toutes mes prières et à tous mes maux.
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Miss Kilos 3 - La ronde finale
Teen FictionTome 3 de Miss Kilos ! *** Alexandra, Caleb et Nicolas. Après toutes ces années et ces défis, leurs chemins n'ont cessé de s'entrecroiser, créant de nouvelles possibilités et de nouvelles embûches pour chacun. Désormais, ils sont à l'âge adulte et d...
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