Miss Kilos 3 - La ronde finale

Chapitre 2 - Nobody's Perfect

Cela fait des heures que je suis assise là, à travailler sur les dossiers. À sélectionner des idées de publicités, à organiser le bordel qu'est la tête de Nicolas, à regarder divers clichés et ça fait des heures que je les entends. Derrière mon dos, ces autres planqués derrière le bureau. Depuis que je suis venue travailler à l'Agence, c'est devenu ma routine quotidienne et je me retrouve alors, quelques années en arrière, dans la cour de récré du lycée.

Je n'ai pas de Caleb derrière lequel me cacher.

Je n'ai pas d'Alexis pour me servir de bouclier.

Je n'ai personne dorénavant. Parce que je n'en ai plus besoin. J'ai grandi. J'ai mûri et j'ai appris à agir en conséquence :

— Quoi ? Vous voulez ma photo peut-être ?

Bon, peut-être que je m'avance quand je dis que j'ai grandi. Je devrais avoir l'habitude que l'on parle derrière mon dos. J'ai l'habitude. Je m'y suis fait. Je me suis construit une armure de glace pour lutter contre ça, contre ce genre de comportements et les réflexions déplaisantes et médisantes qui vont avec et pourtant, depuis quelques temps, je n'y arrive plus. Je n'arrive pas à faire face alors quand je passe devant les secrétaires, je baisse la tête. Elles rient.

— C'est elle ? Quand je pense qu'elle doit sa place ici uniquement à Nicolas.

— Vous croyez qu'ils sont proches ?

— Oh cela ne m'étonnerait même pas. Il suffit de voir comment il se comporte avec elle.

— C'est du favoritisme tout ça quand même.

Et cela fait des années que je dois quelque chose aux Lonford. Des années et je me demande si un jour, cela va cesser.

— Dis donc le boudin, t'as pas fini de faire le tri encore ?

Retenez-moi.

Juste au moment où j'allais me retourner, Nicolas dépose violemment une pile de dossiers sur le bureau de la secrétaire derrière moi.

— Et toi, Laetitia ? Tu n'as pas fini de faire ta mégère de bas étage ? Tu veux peut-être une pause-café et des petits biscuits pour discuter de ma stagiaire dans mon dos ? En attendant, si tu as un problème, n'oublie pas que la porte de mon bureau est grande ouverte. GRANDE ouverte.

— Oui...Pardon...

— Ce n'est pas de tes excuses dont j'ai besoin, c'est de résultats. En attendant, nous avons une semaine de retard sur les délais prévus avec une grande marque et ça m'ennuierait que l'on s'enfonce plus. Compris ? Donc plus de concentration sur ton propre boulot avant de juger celui des autres.

— Bien...

Il se retourne vers moi avec cet air mi-contrarié mi-amusé comme s'il essayait de se donner un rôle de faux méchant et me fait un clin d'œil avant de tousser et de crier dans tout le bureau.

— Alexandra, dans mon bureau !

Et là, un comptable sifflote.

— Tu vas prendre la fessée...

Quoi ?

J'entre et referme la porte derrière moi tandis qu'il me fait signe de m'asseoir. Je déteste quand il prend cette position de « patron » avec moi. Je déteste être prise de haut par quelqu'un à peine plus vieux que moi. Mais c'est un Lonford et les règles n'ont pas changé, c'est l'enfant Roi. Qui plus est, même si ma relation avec Nicolas est pire qu'une tempête, il n'en reste pas moins qu'il a mon respect et je crois que c'est pour cette unique raison que j'ai arrêté de lui faire des caprices.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Y a-t-il quelque chose que j'ai mal fait ?

— Je te congédie de te poste de stagiaire Alexandra.

Et il ose me dire ça dans le plus grand des calmes tandis que moi, c'est à peine si mon cerveau a eu le temps de traiter l'information.

— Pardon ? Tu me vires ?! Mais pourquoi ?

— Je ne te vire pas, je te congédie.

— C'est exactement ce que « congédier » veut dire, Nicolas...

— Bon alors je reformule dans un vocabulaire plus simplet : « Félicitations, tu as une promotion ». Ça te va là ?

Je ne comprends toujours pas.

Il sort alors un énorme dossier rempli de post-it de couleurs avant de me le donner.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Ton nouveau boulot ma chère. Lis-le. Je veux voir la tête que tu vas faire en découvrant l'offre.

— En fait, tu m'as fait venir juste pour ça ? Pour ton petit plaisir sadique personnel ?

— Oh oui. Je ne manquerais ça pour rien au monde. Allez ouvre.

Au moment où j'ai le tas de feuilles entre les doigts, ses yeux se mettent à pétiller comme ceux d'un enfant à la veille de Noël.

Je commence alors à lire les premières lignes du dossier avant de le refermer de suite, interrompant ainsi ma découverte.

— C'est une blague ?

Parce que, ça ne peut-être qu'une blague.

— Non, non, c'est sérieux. Tu devrais accepter l'offre. C'est une rare occasion.

Il est tout sourire, comme aux anges tandis que moi, j'ai l'impression d'être assise sur le siège me conduisant tout droit aux Enfers.

Je ne peux pas accepter ça. Tout mais pas ça.

— Je ne peux pas.

— Avant de dire une bêtise et de regretter, essaye au moins de considérer la chose.

— Et comment ? J'ai beau le tourner dans tous les sens, je ne peux juste pas m'imaginer... Enfin on parle de...

— On parle du fait que tu deviennes officiellement mannequin et pas pour n'importe qui en plus. C'est cela même. J'ai eu le dossier hier. Accepte, Alex.

Moi ? Mannequin. On ne peut pas dire que j'ai une réelle expérience dans le domaine ni même que j'ai la stature pour ce genre de chose.

Et je ne peux certainement pas travailler pour lui.

— Je dois donner une réponse demain à la première heure. Alors ? Que dois-je lui dire ?

— Que c'est non ! Non, non, non !

— Il t'a expressément demandée pourtant.

— JUSTEMENT !

Ma seule envie est de fuir. Partir d'ici. Loin. Là où il ne viendra pas me chercher.

— Je lui dirai que tu acceptes alors.

— Nicolas ! Ce n'est pas drôle et je ne rigole pas !

— Moi non plus mais comme je te l'ai dit, c'est une opportunité.

— Tu parles d'une opportunité ! On parle...

— On parle évidement d'être le mannequin présentant la nouvelle collection de Richard Lonford. Il t'a demandée, Alex...

Ai-je mentionné qu'il est souligné que cette collection, même si elle est de la main de Richard Lonford... sera gérée par Caleb Lonford ?

Je ne peux décidément pas le faire.

Je ne peux pas travailler pour les Lonford.