Miss Kilos 3 - La ronde finale

Chapitre 7 - Maybe This Time

Cela fait maintenant plusieurs minutes qu'il est comme ça. Comme figé dans le temps. Ancré dans cette position. Droit, face à l'imposante baie vitrée donnant sur le jardin enneigé, les mains dans les poches, les épaules tendues. Cela fait maintenant plusieurs minutes qu'il s'est mué dans un silence que je ne comprends pas ou que j'ai cessé de comprendre il y a de cela bien longtemps. Et parfois, quand je le regarde ainsi, je l'imagine quatre ans en arrière. Il serait certainement face à moi, me regardant avec un grand sourire, faisant l'enfant.

Mais nous n'en sommes plus. Des enfants. Nous avons grandi, mûri et nous avons appris de l'un et de l'autre.

J'ai laissé mon manteau et mon écharpe à l'entrée, sur le portemanteau, et tout le monde nous a regardé passer, nous suivant du regard, jusqu'à ce qu'il referme la porte de la chambre derrière lui. Une chambre ridiculement grande, encore une fois.

Peu de meubles, trop d'espace.

— Qu'est-ce que l'on fait là, Caleb ?

Je ne sais pas comment briser ce silence devenu insupportable. Je ne sais pas comment le faire parler. La voix de Caleb me manque. Les mots de Caleb me manquent.

Le Caleb enfant que j'ai en souvenir me manque.

— Tu ne trouves pas ça étrange ? Avant, je savais toujours quoi dire. Quel mot choisir, avec une justesse ridicule que ça me surprenait moi-même à chaque fois, mais maintenant...Maintenant, j'ai l'impression d'être à court de mots. J'ai l'impression que dès que je dirai quelque chose, dès que je sifflerai un son, tu disparaîtras. Tu passeras la porte et cette fois, tu ne m'attendras pas sous la neige tombante. C'est fou non ? Je ne sais plus quoi faire. Je n'ai jamais ressenti une telle frustration de toute ma vie.

— Je me demande comment on a pu en arriver là...

— Peut-être est-ce de ma faute...

— Ne commence pas sur ce terrain-là.

— Ou peut-être est-ce de la tienne. Ou peut-être nous n'y sommes pour rien. C'est la vie. Tu sais, maintenant que je prends du recul, je me dis... ou plutôt, je réalise que les histoires d'amour parfaites, ça n'existe pas. Peut-être que la nôtre n'était pas faite pour durer. Peut-être ne sommes-nous plus destinés à être ensemble et pourtant, j'ai cette impression, au fond de moi, que je dois sans cesse continuer à me battre pour ça. Pour nous laisser une chance. Une ultime chance.

— Crois-tu encore que nous méritons cette chance ?

— Je ne sais pas s'il est question de mérite. J'ai envie de te dire qu'à ça, je répondrais que tout le monde mérite l'amour. Tout le monde mérite d'être heureux, nous compris. Ce que je me demande, c'est est-ce qu'on est prêts à remettre ça ? Toi et moi. On était des gosses et à mon sens, on l'est toujours encore un peu. On navigue en eaux troublantes constamment, dans le brouillard et le flou total. On est là, ne sachant pas trop où aller, à se demander constamment si l'on ne risque rien. À se demander si l'autre ira bien. Tu sais, quand je lis, je me rends compte que tout est plus beau en littérature. L'amour rend plus fort. L'amour rend l'impossible, possible. L'amour n'est pas une question de naviguer à l'aveugle mais de confiance. C'est oser prendre la main de l'autre et se laisser entraîner. C'est ne pas avoir peur de trébucher. Dans les livres, à la fin, il y a toujours une fin heureuse. Une fin amoureuse. Mais nous, nous avons trébuché, nous nous sommes entraînés dans la chute et nous avons oublié de nous relever. Nous nous sommes complaints dans notre malheur et dans notre douleur. Nous avons appris des choses qui ont changé dramatiquement notre façon de percevoir l'autre. C'est presque ironique, si nous étions des personnages de romans, je dirais que c'est un coup du « destin ». Mais nous savons, Alexandra, nous savons que le destin n'y est pour rien. Si nous sommes là, dans cette chambre, c'est parce que je t'ai couru après et que toi, tu m'as attendu. C'est tout. Ce n'est pas le destin, c'est juste une question de choix.