VI - Évitement et dérapages

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Finalement, c'est pas si compliqué que ça. Ma stratégie d'évitement a plutôt bien fonctionné et pendant deux ou trois jours, j'ai eu une paix royale du côté de Black. C'est pas de son fait mais du mien, je me suis débrouillée pour ne pas le croiser le matin, ne pas lui parler aux repas et rester dans ma chambre le soir. Comme avant en fait. Mais en mieux. Pas que ça ait été insoutenable jusqu'ici, mais là il avait commencé à dire des trucs malaisants et je préfère être prudente. Des fois que ça le reprenne. Je mange un esquimau sur le pas de la porte du jardin quand je le vois arriver d'un peu plus loin. Oups... Il s'installe à mon côté, confiant le mec. J'ouvre la bouche pour le dégager mais il me double :

"Tu m'évite toujours je suppose ?
- Hein ?"

Quand on est coincée, toujours jouer les idiotes.

"Pourquoi au fait ? Pas que ça me dérange mais je suis curieux."

Je roule des yeux et lèche de la glace vanille qui commence à fondre. Je sens son regard sur moi mais ne m'en soucie pas vraiment. Je lâche à mi-voix :

"Tu pourrais juste être compréhensible parfois ?
-Hein ?" Il a l'air totalement paumé. Comme si je venais de lui dire qu'il était un pitiponk bleu.
"Genre, avoir un comportement cohérent ? Ça me perturbe à mort."

Silence. Je lèche ma glace en silence et lui esquisse son putain de sourire en coin qui éveille ma méfiance direct.

"Je te perturbe ?
- Ta gueule, Black.
- Alleeeez, avoue !
- Y'a rien à avouer.
- Si. Avoue que je te perturbe."
Soudain, il est beaucoup, beaucoup plus proche et sa voix plus sérieuse. Je recule un peu et lui me regarde. Il a vraiment des yeux clairs. Gris d'orage. Et ça, ça me fait penser des conneries, donc c'est dangereux. Tout comme notre proximité. Je détourne la tête.

"Ouais. Possible.
- T'as de la glace sur le doigt."

Je le détaille et comprends qu'il a balancé la première chose qui lui est passé par la tête pour changer de sujet. Je lèche distraitement mon index sous le regard effaré de Black.

"Marlène ?
- Ouais ?" je fais, surprise.
"Tu pourrais te comporter normalement de temps en temps ? Parce que "perturber" est peut-être pas le mot exact, mais t'es pas la seule à qui l'autre pose problème." dit-il en désignant ma glace.

Là-dessus, il me laisse plantée là avec un million de questions et un esquimau à moitié fondu.

OoOo

J'ai réfléchi. Et je ne sais toujours pas quoi penser. Rien n'a changé sauf que maintenant je me demande si par hasard j'aurais vraiment été ambiguë. Rectification, c'est pire qu'avant et mon cerveau est retourné. Je ramasse mon Walkman, ouvre le boitier et change rapidement la cassette, attirant l'autre d'un accio. Je mets mon casque et appuie sur le bouton, prise d'une envie de me vider la tête. Les Rolling Stones sont parfaits pour ça et je sais exactement quelle piste je veux.
The last time. Une des seules chansons d'amour que je peux écouter sans rouler des yeux. Je suis assise en tailleur sur mon lit, passablement ridicule à mon avis. Et puis je me laisse porter par les mots et le rythme. Et les morceaux défilent. Jusqu'à ce que James arrive. Depuis toujours -approximativement- je dis à James Potter de toquer et d'entrer après qu'on lui ait dit le faire. Faire piger un truc à un Potter relevant de l'utopie la plus totale, il continue à frapper et à ouvrir la porte en grand avant que je lui ai dit d'entrer (ou, plus probablement, d'aller jongler avec un vif d'or sur le toit).

"Marly !
- Ouais ?
- Quidditch dans le jardin ! Tu joues, hein ?"

Je suppose que la question est rétorique ? Le temps de couper la musique et je sauté de mon lit. Jettant le un coup d'œil au réveil, je me rends compte que mine de rien je suis restée là sur mon lit une bonne demi-heure. J'enfile un sweat, il fait toujours plus froid en vol, et suis mon ami dans le jardin. Ouais, je sais, je suis sensée être en pleine crise existentielle mais, eh, Quidditch ! Alias le meilleur sport de l'univers, et je pèse mes mots. On se décide pour une séance de tirs au but, avec un cognard pour corser le tout. Et ouais, James a des cognards chez​ lui, vise le gosse pourri gâté. Je jette un coup d'œil le plus rapide et bref possible vers Black. Je suppose qu'on est en trève, au moins le temps de la partie. En temps que poursuiveuse je devrais connaître les gestes des autres et avoir les bons réflexes en tant que gardienne, au moins un peu. Et bien, ha ha, non. Je suis vraiment pas très bonne à ce poste et quelque part on s'en fout, vu que c'est pas celui auquel je joue d'habitude. Notez bien le "d'habitude" parce que c'est là qu'est la mauvaise blague. On passe à ce poste à tours de rôle. Vous le sentez venir, le truc foireux ? Je me concentre et regarde attentivement James quand vient mon tour. Je vois son mouvement et fonce pour arrêter la balle qui vole vers moi. Et c'est là que je réalise que c'était une feinte. Et qu'il y a quand même une balle qui fonce vers moi.

"Merde !"

Ne pouvant pas esquiver, j'imprime à mon balai un mouvement de recul et tend les bras en bloquant tous mes muscles pour limiter le choc. Et puis il me rentre dedans. Aïe. Genre, vraiment aïe. Je ne tombe pas du balai mais c'est pas loin et je ne peux pas lâcher le cognard, même d'une main, sinon il m'assome. Je me pose je sais pas comment et roule au sol. James et Sirius se sont posés et la silhouette du premier se détache, tenant la boîte de sécurité. On case le cognard dedans comme on peut, et enfin, je me laisse retomber sur le dos, l'adrénaline retomber. Je couine misérablement en ​sentant un élancement de douleur dans mes côtes.

"Mais merde Marlène t'es complètement dingue...
- 'Pas fait exprès." puis j'ajoute, dans un langage compréhensible pour un James stressé : "Moi bobo. Toi engueuler plus tard. Toi soigner bobo ?"

Il me regarde comme si j'étais vraiment devenue dingue avant de partir vers la maison. Les sorts de soin sont un poil trop complexes pour qu'on s'y risque à notre âge. Ou alors quand c'est pas moi le cobaye. Black, par exemple, ferait un cobaye tout à fait adorable. En parlant du clebs...

"Ça va ?
- Mouais, j'irais pas jusque là," je réponds honnêtement.
"C'est fêlé ?
- Comment tu veux que je le sache ?!" Je réplique avec une pointe d'agacement.
Un observateur extérieur pourrait même penser que je l'envoie chier injustement, mais j'ai mes raisons. J'ai mal et il m'insupporte. Et il se penche vers moi, aussi. Il lui prend quoi, là ?! Sans avoir l'air de capter ma panique intérieure, il pose la main sur mes côtes - zone dangereusement proche d'autres beaucoup moins neutres - et les presse un peu. Re-couinement ridicule.

"C'est fêlé.
- Merci du diagnostic.
- Oh, de rien, reste plus qu'à faire sonner ça moins ironique et mon bonheur sera complet."

Je roule des yeux et pense très très fort : si tu pouvais t'écarter, maintenant, ça serait bien. Et je lui file un coup de coude. Ça aurait été un bon plan, en soi, si j'avais pas cogné dans le bras qui le soutenait. Et brusquement il se retrouve à moitié sur moi, s'étant rattrapé de justesse et comme il pouvait. Je sens son avant-bras en contact avec mon flan gauche, ce qui bizarrement n'est pas totalement désagréable.

"Merde Marlène tu le fais exprès ou le destin se fout de ma gueule ?
- Le destin est un connard."

Et là mon cerveau dérape violemment, moins que ce soit la situation. Parce que les lèvres de Sirius Black se retrouvent écrasées contre les miennes et que ça semble assez volontaire de sa part. Et merde, en plus il embrasse bien, ce connard.

Et voilà, c'est finalement arrivé. Bon ils sont encore loin de s'appeler par des petits surnoms bizarres... Mais j'aime vraiment ce chapitre, et vous ?

Deux Maraudeurs pour le prix d'unOù les histoires vivent. Découvrez maintenant