chapitre 19

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C'est fou quand on y pense : tous ces gens qu'on croise dans la rue, au supermarché, en boite ou dans un parc, ils ont une vie.

Cette vie est parfois aux antipodes de la notre.

Tellement loin de nos habitudes qu'on a du mal à se représenter cette vie.


Parfois on se dit que c'est juste un homme assis dans l'herbe fraîchement coupée, un homme parmi tant d'autres.

Mais parfois, il s'avère que cet homme est en réalité millionnaire, que son train de vie est bien plus luxueux que le votre et qu'il n'a plus aucune famille.


Ou encore cette femme qu'on croise au bar, qu'on remarque à peine, seule à une table avec pour seule compagnie sa bouteille de vin...

Cette femme, elle vient de se faire salement tromper, et elle noie son chagrin dans son vin.


Ou cette fillette de six ans, une poupée dans les bras, qu'on croise au rayon jouets...

Cette fillette, elle rêve de devenir danseuse classique.

Ça se voit à son apparence tranquille, elle est douce et gracieuse.

Elle danse d'un pied sur l'autre et ne tient pas en place.

Son corps tout entier la trahit : elle veut danser.

C'est souvent les enfants qu'on capte le plus facilement, ils ont une facilité pour nous faire comprendre qui ils sont, ce qu'ils veulent.


Ou alors, cette ado, un piercing à la lèvre, les bras tatoués et les cheveux multicolores qu'on grille entrain de fumer en cachette quand on se retrouve dans un coin sombre de la ville...

Cette ado, elle fait tout pour se faire remarquer.

Elle en à marre des disputes chez elle, au lycée...

Elle veut qu'on la voit vraiment, pas qu'on l'identifie vaguement.

Elle voudrait qu'on puisse lire au plus profond d'elle, elle voudrait n'avoir rien à dire.

Mais elle le dira un jour, elle dira qu'en fait, elle aime les filles et qu'elle se sent différente, comme hors du temps.

Mais elle n'est pas différente, elle est unique, magnifique, splendide.

Elle brille de mille feux.


Et il y a cette autre adolescente, qui elle, est déjà remarquée par tous, qu'on croise dans le métro et qu'on ne peut qu'admirer.

Elle a des formes ou il faut, des yeux resplendissant, une bouche maquillée en rouge bordeaux et un sourire si éclatant qu'on en est ébloui.

Elle, elle veut en finir, elle est suicidaire.

Ça se voit.

Ça se voit dans le contraste entre ses vêtements et ses yeux.

Ça ne colle pas.

Elle est de ces gens chez qui tout brille sauf leurs regards.


J'aime bien faire ce genre de chose : observer les gens quand j'ai un peu de temps et m'imaginer leur vie.

Je suis assez fort pour comprendre les gens, le problème, c'est que les gens, eux, sont plutôt mauvais pour ce qui est de me comprendre, moi.

Ce que j'essaie de dire, c'est que très souvent, on n'a pas idée de l'impact qu'on peut avoir sur la vie de chacune de ses personnes.

Ce millionnaire, dites-lui : « je t'aime », je suis sure que ça fais longtemps qu'il ne l'a pas entendu.

Cette femme, dites-lui : « vous n'êtes jamais seule », je suis sure qu'elle vous invitera à boire à ses côtés et vous sourira.

Cette ballerine, dites-lui : « Barbie serait jalouse de toi », je suis sure qu'elle sourira tellement que ses gencives apparaîtront.

Cette ado rebelle, dites-lui : « il y a bien pire au monde qu'une fille qui aime embrasser d'autres filles », je suis sure qu'elle laissera enfin tomber son masque et pleura à chaudes larmes.

Et enfin, cette ado parfaite, dites-lui : « la perfection n'est pas humaine, t'es pas obligée d'en faire autant », je suis sure qu'elle ôtera son rouge à lèvre d'un révère de la manche.


Quand Swann nous ouvre sa porte de chambre, je me dis : « C'est le genre de gars à qui on peut tout confier, le genre de gars qui nous parlera et changera notre vie avec ces quelques mots. C'est le frère de Liz ».

- Andrew et Aiden ! Je vous attendez, dit-il après nous avoir longuement regardés, comme pour s'assurer que nous étions bien réels. Entrez !

Et puis j'ai souriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant