Chapitre 4

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Je courai, encore et encore, à une vitesse que j'avais l'impression de n'avoir jamais atteint jusqu'à présent. Les yeux embués de ce qui me semblait être des larmes, je me guidais à l'instinct au travers de la forêt.
Cela devait faire une bonne demi-heure que je galopais ainsi, et les souvenirs avaient fini par s'effriter lentement.
Ça faisait si longtemps qu'ils n'étaient pas revenues. Une bonne dizaine d'années. Me couper du monde avait été la meilleure solution que j'avais trouvé pour oublier tout ça. Toutes ses horreurs. Et elle avait marché, jusqu'à présent.
Il ne m'avait fallu qu'une seule stupide rencontre -si on pouvait appeler comme ça se faire attaquer par un étrange loup-garou bi-polaire- pour que certains souvenirs refacent surface. Quelle poisse oui...
Je relevai la tête en humant la douce odeur de ma mère. Un mélange de vanille et de primevère. Je suivis sa trace olphactive avec entrain, pressée de la retrouver après cette journée éreintante.
Mais en arrivant sur les lieux, je sentis mon ventre se nouer, et un mauvais pressentiment vint se creuser une place dans un coin de mon esprit. Je contournai l'immense rocher qui se trouvait derrière notre tanière, et perçu des bruits de mâchoires claquant non loin. Je me dirigeai rapidement vers eux et traversai une haie de buissons. Je tombai nez à nez avec trois immenses loups aux pelages terreux. Deux tournèrent leur tête vers mois tandis que le troisième était penché sur quelque chose... Un gémissement me parvint et je reconnu immédiatement ma mère. Mon coeur rata un battement, puis un deuxième. Je fixais le troisième loup qui se lécha les babines, déjà rougeâtre du sang de ma mère.
Je perdis totalement le contrôle. Un voile teinté de rose apparu devant mes yeux tandis que je me jetai sur les deux premiers loups. Je ne ressentis aucune douleur lorsqu'ils me mordirent et me griffèrent. Le seul sentiment qui m'habitait encore était la haine la plus profonde que je n'avais jamais ressenti. Je finis de tuer le premier loup d'un coup de crocs dans la nuque. Sa tête roula négligemment sur le sol, mais je n'y fis même pas attention et sautai sur le dos du deuxième. Après lui avoir arraché une patte sans ménagement, je le tuai également.
Ma tête se tourna vers le troisième loup, et sûrement le plus fort, qui se tenait au dessus de ma mère. Il la touchait. Tout en me fixant de ses yeux aussi noir que les Enfers.
Les faibles gémissements qui me parvenaient me fire frémir. Mon corps était parcouru de vague de rage, le sang battait à mes tempes. Alors que je m'approchais de ce démon, il se baissa vers ma mère, et avant que je n'ai pu faire un geste, l'égorgea de ses crocs.
Mon souffle se bloqua dans ma cage thoracique. Tout devint flou autour de moi et une douleur explosa dans ma poitrine, décimant tout sur son passage.
J'allai le tuer. J'allai le tuer. J'allai le tuer.
Le grognement sourd qui sortit de ma poitrine résonna dans la forêt. Je me jetai sur le démon et mordis violemment son flanc. Il grogna mais rétorqua en me mordant la patte arrière. Il s'avança vers moi avec une lumière sadique dans les yeux, et nous commençâmes à nous battre.
Il était fort, très fort. Seul le bruit de nos crocs claquant dans l'air et de nos grondements résonnait dans le lourd silence. J'étais à bout de force, la respiration hachée, mais lui aussi faiblissait. La rage ne me quittait pas et m'aidait à continuer. Il ne fallait pas que je réfléchisse ou j'allais m'effondrer. Seul les actes comptaient.
Il me frappa violemment de sa tête dans mes côtes et m'envoya valser contre le tronc d'un arbre. Un sinistre craquement retentit. Une côte de cassé, une, qui dit mieux ! Un rictus mauvais orna mes lèvres. Si il croyait m'avoir, ce démon se trompait lourdement. Il recula vers ma mère, toujours couchée au sol. La haine flamba dans tout mon corps et un pouvoir afflua dans mes veines. Je sentis mes forces décupler en un instant, et sautai sur le loup. Un reflet de peur traversa ses yeux noirs. Je me léchai les babines, le tenant contre le sol en m'appuyant sur lui de tout mon poids. Je me mis à le mordre violemment, tandis qu'il se débattait. Il réussit à m'arracher un morceau de flanc mais je ne ressentis rien. Seul le tuer comptait. Il me brisa une patte avant en me repoussant après m'avoir mordu. Mais lui avait perdu bien plus. Il n'arrivait plus à se relever à cause de toutes les blessures que je lui avais infligé. Je lâchai un hurlement féroce de rage et le tuai. Toute trace de vie quitta ses yeux des enfers.

Je le fixai, la respiration sifflante.
Le silence de mort qui régnait dans la clairière n'était pas pesant. Il était signe de victoire.
Je me traînai lamentablement vers ma mère, le corps tant abîmé que je ne comprenais pas comment je pouvais encore tenir debout.
Elle était allongée sur l'herbe grasse qui s'était maintenant teintée de rose. Les yeux bleu tournés vers le ciel, elle semblait en paix.
Je sentis mon corps me lâcher à sa vue et m'écroulai au sol. Un hurlement de douleur enfla dans ma poitrine et finit par atteindre son apogée, pour exploser dans le silence respectueux de la forêt. La douleur ne cessait de me lacérer le coeur, je n'arrivais plus à respirer.

Maman... Maman...

Le soleil avait presque finit sa lente descente dans le ciel aux tons chauds. J'hurlais toute ma douleur pendant plusieurs heures. Rendant hommage à ma mère et la pleurant sans discontinuer. J'haletai de douleur mais je continuai d'hurler ma rage, ma haine, ma tristesse.
Je n'avais qu'une envie, mourir. La douleur était trop forte, elle m'oppressait le coeur, j'avais l'impression qu'il allait exploser.
Lorsque la lune fut à son zénith, je lâchai un dernier long hurlement, digne d'un Alpha. Il transmit au monde entier toute ma douleur.
Je m'allongeai en suite contre ma mère, ce corps​ froid qui m'avait un jour réconforté de sa chaleur. Et pleurais pendant une grande partie de la nuit, espérant mourir de mes trop nombreuses blessures.

SylverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant