Chapitre 9

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L'homme aux yeux du ciel, Jay, m'avait emmené dans une chambre au premier étage. Il m'avait laissé me changer avec des vêtements doux et épais qui se trouvaient dans une grosse commode en bois. C'était si étrange de porter des vêtements, j'avais l'impression que mes mouvements étaient contraints. Jay avait ensuite frappé à la porte puis était venu s'asseoir à mes côtés. J'étais gênée qu'il me voit dans ses vêtements, sans que je ne sache pourquoi. 

Il avait essuyé une à une les larmes  qui avaient coulé le long de mon visage, avec une délicatesse sans nom. Il m'observa tout en laissant retomber sa main sur le lit.

- Elior n'a pas toujours été comme ça tu sais... Il ne faut pas lui en vouloir, me dit-il les yeux dans le vague.

Je restai immobile, ne sachant que faire. Sa tristesse était palpable mais je ne pouvais réellement agir. J'avais déjà mes propres démons à gérer. Il releva la tête et me fixa attentivement. Il se mordit la lèvre et je compris qu'il doutait de ce qu'il voulait me dire.

- Tu ne peux pas parler n'est ce pas ? finit-il par me questionner.

Je secouai positivement la tête, la gorge nouée d'un sentiment d'impuissance grandissant.
J'avais perdu l'usage de ma voix bien longtemps auparavant. Lors de ces années en enfer. Mes cris avaient fini par se tarir pour disparaître entièrement.  Je revoyais ce visage, une joie malsaine, ce rictus en m'observant souffrir en silence. Tous ces souvenirs n'avaient jamais voulu disparaître. Ils me hantaient chaque jour sans discontinuer.
Sa voix me tira de mes cauchemars:

- Tu sais écrire ? me questionna-t-il.

Je restai hésitante. J'avais appris étant plus jeune mais il me restait assez peu de souvenirs à ce sujet. Je fis basculer ma main de droite à gauche afin de lui faire comprendre mon indécision à ce sujet. L'homme se gratta le menton, l'air de réfléchir.

- J'ai une idée ! s'exclama-t-il subitement.

Il se leva et ramassa dans un tiroir de la commode en bois à notre droite une liasse de feuilles vierges ainsi qu'un crayon. Il me les tendit et je les pris d'une main hésitante. Le papier était épais et granuleux entre mes doigts qui me parurent beaucoup trop fins et blanc. Le crayon de bois était quant a lui lisse et doux. Je tentais de me rappeler comment le tenir entre mes doigts tremblant mais il m'était impossible de m'en souvenir. L'homme aux yeux bleu sembla s'apercevoir de mon désarrois et s'approcha de moi. Il prit ma main et guida mes frêles doigts afin qu'ils s'ajustent autour du crayon puis il me regarda:

- Vas-y, essaye d'écrire ou de dessiner quelque chose, m'incita-t-il.

J'observai la feuille blanche que j'avais posé sur ma cuisse afin d'avoir un appui pour écrire. Je posais la mine noire sur le papier épais, hésitante, et traçais un premier trait verticale. Une étrange sensation s'empara de moi et ma main continua de s'activer sur le papier sans que je ne puisse réellement la contrôler. J'entendis Jay retenir son souffle lorsque ma main se figea au-dessus du papier, de la multitude de traits qu'elle avait tracé. Je découvris avec effroi un dessin représentant une pièce. Mais pas n'importe quelle pièce. C'était La pièce:  Des murs en béton, aucune fenêtre, différents objets de torture accrochés au mur. Il y avait une chaise, et sur celle-ci sa silhouette de dos. En face de lui, il n'y avait que moi. J'étais menottée par des liens de fer qui étaient accrochés au mur dans mon dos. J'étais quasiment nue, couverte de sang. J'étais plus jeune, et j'avais ce regard vide, vide de toute vie.                                                                                                  

SylverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant