Chapitre 3

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Jade

La journée se poursuit sans drame ou quelconque malentendu. On peut dire que c'est une bonne journée en un sens. J'ai simplement eu le droit à quelques mauvais regards des autres internes et des messes basses, mais c'est gaminerie ne me touchent pas. C'est tellement immature, ils ont tous au moins 23 ans, je ne comprends pas comment les gens peuvent se comporter comme si on était encore dans une cour de récréation.

Vers 5h de l'après-midi, j'ai terminé ma garde. J'ai même eu le temps de remplir mes transmissions sur DPP. J'ai guetté la chambre de Thiefaine toute la journée pour voir s'il avait une visite de qui que ce soit, mais rien. Aucune allée venue dans sa chambre. Ce n'est pas rare dans ce genre de cas. Plusieurs patients dans le coma n'ont pas de visite, mais j'ignore pourquoi, mais le fait que Thiefaine n'est pas de visite me touche. Je me rends compte à quel point ce doit être horrible de passer les journées seul avec soi-même. Je regarde dans le couloir, il n'y a personne. Je me poste devant sa chambre et passe rapidement mon badge pour que la porte s'ouvre. J'y entre précipitamment, je respire un bon coup. Je sens déjà l'odeur de menthe, je marche doucement jusqu'à son lit et m'autorise à m'asseoir sur le bord de sous lit. Je froisse un peu les draps et fais bouger son bras, proche de moi.

- Salut, dis-je. Ça doit t'étonner que je repasse ce soir, mais je ne sais pas, j'avais envie de te voir.

Je pousse un rire, j'ai l'air tellement bête. Si quelqu'un me voyait, je pense qu'il me croirait folle.

- Je suis bizarre, hein... Il est bientôt six heures et quart, je devrais sortir du vestiaire et rentrer chez moi mais je suis encore là, avec toi. Qu'est-ce qui cloche chez moi ?

Je soupire, qu'est-ce qui me prend de lui poser une question ? Ce n'est pas comme s'il allait me répondre.

- On pourrait peut-être essayer d'être amis... Enfin, oh pardon, je dis vraiment n'importe quoi ce soir. Je pense que je suis simplement fatiguée de ma journée, alors si tu n'y vois pas d'inconvénients, je vais rentrer chez moi me coucher.

J'ai une envie monstrueuse de poser un baiser sur sa joue, mais ce n'est pas évident avec tous ses fils. Délicatement, du bout des doigts, je décale légèrement les fils de son nez pour laisser la place à mes lèvres de s'y poser. Lorsque je me redresse, je surprends les battements de son cœur s'accélérer sur l'écran de l'électrocardiogramme. Je me mordille la lèvre et me met à penser que c'est peut-être moi qui est provoqué ça.

- Bonne nuit, Thiefaine !

Je murmure avant de me lever, de passer un coup sur les draps pour enlever les plis de la trace de mon postérieur, puis je retrousse chemin jusqu'à la porte de sa chambre. Je sors discrètement, personne ne me voit. Je prends le chemin de l'ascenseur puis descend jusqu'au rez de chaussée. Je soupire et me regarde dans le miroir mural. Je tire sur l'élastique qui rassemble mes cheveux en une queue de cheval serrée. Les portes s'ouvrent lorsqu'on arrive au premier étage. Deux infirmières rentrent dans l'ascenseur et m'ignore tout en continuant de parler entre elles. Derrière elle, mon père rentre et j'ouvre grand les yeux. Il vient se mettre à côté de moi après avoir appuyé sur le bouton du rez-de-chaussée. Les portes se referment, il engage la discussion avec moi.

- Ta journée s'est bien passée ?
- Très bien, merci. Et la tienne ?
- Je n'ai pas cessé de remplir de la paperasse, soupire-t-il. Et ce nouveau patient ?
- Tout se passe bien, pour l'instant.

Les portes s'ouvrent au rez-de-chaussée cette fois-ci. Les deux femmes descendent et mon père tend le bras, tel un gentleman, pour que je sorte de l'ascenseur avant lui.

- ça te dirait de venir dîner à la maison ce soir ? Cela ferait certainement très plaisir à ta mère.
- Hm, je ne sais pas si ça va être possible. J'ai cours demain, et...
- Jade, s'il te plaît. Ta mère trouve que tu la délaisse ses temps-ci. Ça lui ferait vraiment plaisir que tu rentres avec moi ce soir.
- Bon, d'accord. Je vais me changer rapidement, et j'arrive. Je te rejoins sur le parking.
- Prends ton temps, chérie.

Il me sourit, sans doute, content que j'ai finis par céder.  Je marche rapidement jusqu'au vestiaire tandis que mon père sort par l'entrée principale pour rejoindre le parking, sûrement. J'ouvre le vestiaire avec mon badge et file à mon casier. Je me dépêche de me changer même si j'ai simplement ma blouse blanche à retirer et mon pull à remettre. J'angoisse, il est vrai que je n'ai pas vu ma mère depuis plusieurs jours. Je n'ai pas pour habitude de ne pas la voir pendant aussi longtemps. J'inhale un bon coup en fermant les yeux avant d'attraper mon sac à main, ma veste et de fermer brusquement mon casier. Je prends la sortie pour rejoindre mon père sur le parking. Il m'attend déjà dans la voiture. Il est au téléphone, sûrement encore l'un de ses collaborateurs. Je monte à côté de lui dans la voiture, il ne tarde pas à raccrocher.

- Tu es prête, on y  va ?
- Oui, allons voir maman.

Je souris doucement, il allume le moteur et nous sortons du parking privé de l'hôpital. Je n'ai pas pour habitude de sortir d'ici avec mon père, ça me fait tout drôle.

Ça me fait réellement bizarre de revenir dans mon ancienne demeure. Ce manoir ne m'avait pas tant manqué que ça même si j'appréciais jouer à cache-cache avec Bénédicte, ma gouvernante. Nous entrons dans la maison, ma mère est déjà là pour nous accueillir. Elle me prend dans ses bras et me serre même un peu fort.

- Oh, ma chérie, je suis tellement contente de te voir. Je n'avais plus de tes nouvelles depuis quelques jours, je commençais à m'inquiéter.
- Tout va bien, comme tu peux le constater, maman.
- J'ai demandé au cuisinier de te préparer des lasagnes, ton plat préféré.
- Tu savais que je viendrai ?
- Ton père m'a appelé tout à l'heure pour me prévenir, rit-t-elle doucement.

Cela me surprend, ça ne leur ressemble pas de vouloir me faire plaisir comme ça. Je suis sûre qu'il cache quelque chose derrière tout ça.

- Pour le moment, allons prendre un apéro dans le salon, veux-tu.

J'hoche la tête en souriant. Je les suis jusqu'au salon, l'apéritif est déjà servi. Elle a vraiment tenue à ce que tout soit parfait. On s'assoit puis nous commençons à discuter.

- Alors, comment se passe tes gardes à l'hôpital ma chérie ?
- Bien, j'aime toujours autant y travailler, répondis-je à ma mère pour la rassurer.
- Cependant, j'ai entendu dire que certains internes de ton service se moquer de toi parce que tu étais ma fille.

J'écarquille les yeux, comment a-t-il pu savoir pour ça ?

- Pardon ? Jade, est-ce le cas ?
- Certes, mais ce n'est pas bien important. Je m'en moque pas mal.
- J'essaierai de régler ça.
- Non, s'il te plait, papa. Tu ne ferais qu'empirer la chose. Laisse faire, ce qu'ils peuvent penser et dire ne me touche point.
- Tu es bien mature pour ton âge, ma chérie.

Maman me sourit en se penchant pour m'embrasser le front. Je rougis, c'est plus fort que moi. Tout ce que je dis c'est entièrement vrai. Je me moque pas mal de ces internes.

- Oui, et c'est pour cette raison que j'aimerai que tu viennes à la soirée de charité dans deux semaines, déclare mon père.
- La soirée de charité ?

- Oui, tu sais, celle qui a lieu chaque année, celle qui sert à réunir des dons pour l'hôpital. J'aimerai que tu y viennes, et accompagner si possible.

Je savais bien qu'ils me cachaient quelque chose, tous les deux. C'était bien trop beau pour être vrai. Je soupire pour la énième fois de la journée, je sais d'ores et déjà que je n'ai pas d'autres choix que d'y aller. Par contre, ils devront se contenter de moi, il est hors de question que j'y aille avec qui que ce soit.

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