Chapitre 2

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Thiefaine

Ça fait plusieurs mois que j'entends tout autour de moi mais que je ne peux pas ouvrir les yeux. Il y a peu on m'a changé d'hôpital. J'ai pu entendre les roues du lit dans les couloirs, dans le camion et dans le nouveau service qu'on m'a transféré, j'ai même entendu les nouvelles aides-soignantes contempler mon charme physique. Je ne sais pas trop ce qu'elles ont pu trouver de beau dans un visage recouvert de... Fils. En revanche, je n'ai pas pu sentir l'air frais, j'ai essayé si fort de renifler, je n'y suis jamais parvenu.
Ce matin, un médecin et plusieurs internes sont venus dans ma chambre. J'ai d'abord espéré que ce soit ma mère, hélas, lorsque j'ai entendu les nombreux piétinements, j'ai compris que ce n'était pas elle. Ils sont rentrés, et à leur parole, j'ai compris qu'ils étaient comme les autres. Cons et putain de défaitiste, mais il y avait cette femme. Sa douce voix m'a redonné espoir. Elle semble avoir contrarié pas mal de ses collègues. A ce que j'ai constaté, elle est interne et je suis maintenant son patient.

- Je m'appelle Jade Johansson, et c'est moi qui vais m'occuper de toi, a-t-elle dit au bout de quelques secondes de silence.

J'aimerai qu'elle me touche, mais je pense que même si elle le faisait, je ne le sentirai pas, je ne le serai même pas. Je l'entends marcher, je la soupçonne faire le tour du lit et me détailler. Elle doit prendre le calepin au bout de mon lit car j'entends les feuilles se froisser. Triste histoire, va-t-elle se dire en lisant le tout. Encore une femme qui va certainement avoir pitié de moi, j'en ai l'habitude après tout. Le petit garçon de bonne famille, pourri gâté, mais solitaire. Des parents absents et une sœur morte trop jeune, à moins qu'il ne soit pas mentionné cela dans mon dossier. Tout ce qui me reste c'est mon crétin de grand frère. Ce petit con narcissique. Il passe me voir toutes les semaines, avec ses petites amies irrégulières. Elle change pratiquement à chaque semaine. C'est comme cela que je différencie chacune des semaines qui passent et c'est comme ça que je me rends compte du temps que je passe les yeux clos.
J'aimerai les ouvrir, ça fait des jours que j'essaie mais... ils résistent. C'est comme si mon être avait besoin d'une raison précise pour se réveiller et vivre.

- Voilà 8 semaines, soit deux mois, que tu es plongé dans ton coma dépassé, qu'attends-tu pour te réveiller ?

Dieu que j'aimerai lui répondre. J'attends un signe, n'importe quoi, mais une bonne raison de vivre, aurai-je dis. J'ai envie qu'elle continue de parler. Sa voix est tellement douce qu'elle me berce et m'apaise beaucoup. Elle me donne envie de me taire et de simplement l'écouter. Je suis sûre qu'elle doit être d'une grande beauté, j'aimerai la voir, la découvrir.

- Je me demande de quel couleur sont tes yeux... Murmure-t-elle. Maintenant que tu es mon patient, autant se tutoyer, non ?

Elle pousse un rire exagéré. Je suis certain qu'elle secoue la tête. Elle doit très certainement trouver stupide de parler à un type endormi. Au moins elle, elle prend le temps avec moi. Mon précédent interne ne me parlait jamais, il ne faisait que soupirer et gribouiller dans le calepin au bout de mon lit. Il passait toute juste cinq minutes dans ma chambre et ne venait qu'une fois par semaine. Je ne sais pas bien encore comment ça va se passer avec elle, mais j'espère que ce sera différent.

- Bon, et bien Thiefaine, je suis désolé mais j'ai du travail et je vais devoir y aller. Je reviendrai demain vérifier tes...

Elle se coupe. Je ne sais pas pourquoi elle se coupe, mais je l'entends soupirer. Dans tous les cas, j'adore l'entendre prononcer mon nom. Elle y met une sorte d'accent sur le 'ie' c'est très agréable à entendre et adorable.

- Peu importe, reprend-t-elle. A demain !

Je l'entends marcher, attraper la poignée de la porte, l'ouvre et la porte finit par claquer doucement. Je me retrouve à nouveau seul avec moi-même. C'est ennuyant et je déteste m'ennuyer. Les journées et les nuits sont tellement longues. J'ai hâte d'être à demain et d'entendre, à nouveau, parler ma douce rose. Je lui ai choisi ce surnom car elle est aussi douce que la couleur d'une rose, rose pale.

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