Chapitre 5

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Jade

                J'ai passé la matinée à tourner dans les chambres. Aujourd'hui, je suis de garde avec Brad. Ouais, le type qu'avait dit que Thiefaine était foutu, le premier jour où je l'ai rencontré. Et, maintenant, je constate qu'il se porte mieux depuis qu'il est ici. Je ne connais pas la source de ce changement, mais en tout cas c'est positif pour lui, et j'en suis très heureuse pour lui. J'espère sincèrement qu'il se réveillera.

- Alors, Jade, comment va ton nouveau patient ?

Il court presque pour me rattraper, son calepin collé contre son torse, musclé. Je le regarde en me mordillant la lèvre, j'espère que je ne rougis pas. Même si Brad est un crétin fini, je dois admettre qu'il a un  charme ravageur. Dans le service, toutes les aides-soignantes sont raide dingues de lui. Elle en parle toute la journée. J'ai même la net impression qu'elles se soucient plus de lui que des patients.

- Il va mieux. Je pense qu'il ne tardera plus à se réveiller, maintenant.
- Vraiment ? S'étonne-t-il. Pourtant, ton père semblait d'accord avec moi quand j'ai dit qu'il était foutu.
- Et bien, même lui peut se tromper.
- Si tu le dis, conclue-t-il en secouant les épaules. Je me demandais...

Que va-t-il me demander ? Et puis, il n'a pas du travail ? Je m'arrête devant la porte de Thiefaine. Je ne travaille pas cet après-midi, et c'est plutôt bien, comme ça je pourrai réviser mes partiels.

- On pourrait peut-être sortir boire un verre ensemble, un soir, après le travail ?

Il semble hésitant. Ça ne lui ressemble pas d'être hésitant et d'être affreusement gêné. Il faut dire que je ne m'y attendais pas du tout. Je pensais qu'il avait besoin qu'on échange nos gardes, où que je passe voir l'un de ses patients pour lui... Une connerie dans le genre quoi, mais un rendez-vous ? Jamais je n'aurai cru que je l'intéressais.

- Euh... Ouais, pourquoi pas ? Je...
- Demain, tu es de garde toute la journée il me semble ?
- Oui, dis-je trop vite.
- Cool, disons demain, alors ?
- Pas de soucis. Je dois aller voir mon dernier patient, et après je file. On se voit demain, alors ?

Il hoche la tête en un sourire. Il part en coup de vent. J'ai à peine le temps de passer mon badge et d'entrer dans la chambre que je lâche un long soupir. Qu'est-ce qu'il vient de se passer là ? Je viens réellement qu'accepter un rancard avec Brad Wilson, le plus gros macho de cet hôpital ? Je m'approche de Thiefaine.

- Quel idiote !

Je m'assois brusquement sur son lit, oubliant complètement que ça pourrait débrancher ses fils. Parfois, j'en oublie qu'il est dans le coma.

- Tu devineras jamais ce qu'il vient de m'arriver... Brad, le crétin qui a dit que t'était foutu l'autre jour, il m'a invité à boire un verre. Et en parfaite idiote, j'ai accepté ! Je ne sais vraiment pas ce qu'il m'a pris.

Je réfléchis une minute. Je ne sais même pas pourquoi je lui raconte tout ça. Il doit probablement rire en entendant ça. J'aimerai qu'il se réveille, et qu'il m'aime à éviter ça en m'invitant. Mais qu'est-ce que je raconte-moi ? C'est mon patient, je n'ai pas le droit d'avoir ce genre de penser envers lui. Je suis certaine qu'il ne me trouverait même pas à son goût. Il est tellement beau. Je me demande encore de quel couleur sont ses yeux. Je crois que j'aimerai qu'ils soient bleus. Ça lui irait à merveille ! Je le fixe, et l'imagine ouvrir les yeux. Je rougirai comme une tomate, assurément.

- Bon, je vais devoir y aller ! Je ne travaille pas cet après-midi, et j'ai mes partiels à revoir.

Je soupire, et comme à mon habitude, je me pencher pour l'embrasser sur la joue. La porte s'ouvre et je sursaute en pivotant. Je tombe sur une femme, brune aux yeux verts. Elle est accompagné par un homme aux cheveux poivre sel, et des lunettes lui retombant sur le nez.

- Que faites-vous à mon fils ? S'inquiète-t-elle déjà.
- Bonjour Madame, j-je suis l'interne de ce service et, Thiefaine est mon patient.
- Que faisiez-vous si près de lui ?

Elle ne m'aime pas beaucoup, je le reconnais à son froncement de sourcils. Elle me regarde mal et me détaille de tout mon long. Si elle savait que je suis la seule à croire en son fils, je pense qu'elle me verrait d'un autre œil. Hélas, je n'ai pas le droit d'exposer mon avis personnel à la famille des patients.

- Je... Je vérifiai les branchettes de... Et bien, je vais vous laisser en famille. J'ai terminé ma garde de toute façon. Bonne journée !
- Vous ne nous dites pas comment se porte mon fils ?
- Oh, si ! Excusez-moi ! Thiefaine se porte mieux depuis qu'il est arrivé ici, ses constantes sont plus régulières. On pourrait éventuellement essayer de le débrancher quelques heures et voir si ça provoque un réveil de sa part ?
- Nous avons déjà essayé cela, au bout de trois heures, il se mourrait.
- Oui, mais ça, c'était avant... Lorsque ses constantes n'étaient pas stables. Aujourd'hui, elles le sont.

J'insiste. Je ne sais pas pourquoi, mais je crois que je veux réellement qu'il se réveille le plus vite possible. C'est un sentiment normal d'un médecin envers son patient. Il n'y a rien de déplacer, enfin je ne pense pas.

- Promets-moi au moins d'y réfléchir... Mais sachez simplement que les médecins attendent une date de votre part pour le débrancher définitivement, et je ne pense pas que vous le vouliez.

Elle secoue la tête, les larmes aux yeux. Elle s'assoit sur la chaise, près de son fils, en regardant le sol. Elle souffle doucement. Son mari se met derrière elle et pose ses mains sur ses épaules, pour lui montrer son soutien.

- D'accord, je veux bien qu'on essaie, se décide-t-elle, finalement.
- On a cas dire... En début de semaine prochaine ? Proposai-je poliment.
- Oui, ça me laisse le temps de prévenir son père.

J'avais oublié que ses parents étaient divorcés. Peut-être qu'il ne ressemble pas à sa mère parce qu'il a  tout hérité de son père. Sinon, ce serait incompréhensible pour moi.

- Bien. Je vous laisse maintenant. Bonne fin de journée Monsieur, Madame.

Je me retourne pour sortir, et quitter la chambre. Dans le couloir, j'entends un « Mademoiselle » qui m'oblige à m'arrêter. Je me retourne, c'est le beau-père de Thiefaine.

- Excusez-moi, je voulais juste...
- Ce n'est rien, dites-moi.
- Je vous remercie... Ma femme aime son fils plus que tout, vous savez. Elle ne supporterait pas de le perdre pour toujours.
- Je ne fais que mon travail, Monsieur, je vous en prie.

Non, il secoue la tête. Vous ne faites pas que votre travail. Je vous ai vu lui embrasser la joue, et la façon dont vous le regardez quand vous posez vos yeux sur lui. Ils sont pleins d'espoir et d'inquiétude pour lui.

- Je... Je dois réellement partir maintenant, Monsieur...
- Scott. Monsieur Scott. Je peux vous donner un précieux conseil Jade ?

Il a dû regarder sur mon badge d'interne, mon prénom. Je me pince les lèvres en rougissant encore.

- Ne tombez pas bêtement amoureuse de Thiefaine. Je ne dis pas ça pour vous faire du mal, bien au contraire. Je dis cela au cas pu il ne sortirait jamais de ce sommeil.
- Vous faites complètement erreur, Monsieur Scott. Thiefaine Santos n'est que mon patient, et je le regarde de la même façon que tous les autres patients que j'ai en charge.
- Et bien ma foi, si vous le dites !
- Maintenant, bonne journée, Monsieur.
- Au revoir, et encore merci, Mademoiselle.

J'hoche la tête et finit par rejoindre l'ascenseur pour descendre et retrouver le vestiaire pour rentrer chez moi. Il va effectivement être temps que je quitte cet hôpital.

J'arrive dans mon appartement et vais tout de suite me changer, pour être à mon aise, pour pouvoir travailler plus sereinement. J'enfile un short et un tee-shirt trois fois trop large pour moi que j'ai acheté au rayon homme chez ZARA. Je m'installe sur mon canapé et sort mes partiels. Je les éparpille sur la table basse et soupire déjà, à l'idée de me plonger là-dedans. J'ai dû mal à me concentrer. Je ne cesse de penser aux paroles insensées de Monsieur Scott, le beau-père de Thiefaine Santos.

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