INSTINCT - Tome 1

•I• ¥1

18 ans plus tard

Mon regard se fixa droit devant moi.

J'avançai en direction de ces trois ombres agrandies par le soleil qui déclinait.

L'atmosphère était tendue. La poussière qui provenait de la terre, séchée par la chaleur et le manque d'humidité, s'échappait, poussée par le vent cuisant. Ce souffle chaud vint effleurer le simple tissu à franges longs que je portais et vint aussi soulager mon visage concentré. Mes pas calculés et gracieux se firent de plus en plus fermes et lents.

"L'attente est parfois lente et frustrante."

Les sages paroles de ma grand-mère me vinrent en tête.

"La personne devant toi hésite, se pose des questions, s'agite de plus en plus, jusqu'à faire un faux pas. "

Ils illustrèrent parfaitement ma situation. Je continuai à ralentir en gardant des mouvements fermes et calculés pour signifier mon courage et ma détermination.

Quelques pas de plus et je me postai devant les trois silhouettes, qui n'étaient en fait que trois simples garçons. Malgré leurs visages entaillés par de multiples cicatrices, de combat à coup sûr, ils ne me paraissaient pas très sûr d'eux. Et comme à mon habitude, la peur ne bloqua pas mes tripes. De qui aurais-je peur ?... Si ce n'est de mon créateur ?

Le garçon à ma droite eut un sourire qui ne dura qu'une fraction de seconde. Mais un mouvement éphémère que mes yeux reptiliens avaient pu enregistrer.

Je sentis alors, en moi, ce vertige familier... Ma vision commença à me jouer des tours. Puis tout redevint net, et même plus net que d'habitude.

Mes poils fins se dressèrent pour m'avertir d'un danger derrière moi. Un sifflement aigu et presque imperceptible d'un objet qui déchirait l'air. Le mécanisme naturel d'instinct de survie de mon corps se déclencha : Mon cœur palpita plus vite que la normale, ma pupille se dilata et une concentration anormale d'adrénaline se déversa dans mon sang. L'activation de mes instincts de prédateurs se mettait en place.

D'un seul mouvement, je me déplaçai sur la droite, sentant l'objet en question se rapprocher. Il passa près de moi et continua son chemin. La flèche en bois, minutieusement taillée pour tuer, perça la cuisse du deuxième garçon. Celui-ci gémit et se mit à genoux en tenant sa jambe.

"Et un de moins."

La colère déforma les traits calme du garçon qui n'avait pu retenir son sourire, il se précipita sur moi. Je le laissai venir, mes sens en alertes. Je sus simplement en analysant sa posture qu'il allait utiliser son poing gauche, donc je l'évitai en me baissant, étirant en même temps ma jambe pour le déséquilibrer. Il tomba à terre.

Le troisième garçon vint en courant, pendant que mon instinct me prévenait d'une autre flèche qui arrivait. Grâce à mon ouïe de chauve-souris, je pus anticiper la trajectoire de la flèche, qui arrivait d'en bas. Toujours accroupie, je m'élançai d'un bond parfait, les pieds joints et les bras hauts et puissants. La flèche passa sous mon saut parfait. A ma descente, je lançai ma jambe en pivotant sur moi-même, touchant mon adversaire au flanc. Il se reprit, la mâchoire serrée et sortit en dernier recours, un couteau dans la poche délabrée de son pantalon.

Reculant sous la menace, mon buste se pencha instinctivement en arrière lorsque la lame trancha l'air dangereusement. La panique me prit de court. Mon corps se baissa seul, puis roula sur la terre poussiéreuse. Le couteau, passa au-dessus de ma tête. Je décidai d'en finir en plongeant sur lui. 

Plaqué au sol, il gémit de douleur et de rage. Toujours guidée par mes sens, telle un pantin à la merci d'une force inconnue, je bloquai son bras qui était à deux doigts de m'entailler le visage. Je le fixais. Il avait les yeux écarlates de rage mais il paraissait aussi angoissé. Je mis vingt pour cent de ma force dans ma main, son bras fléchit. Il essaya de tenir, comptant sur ses muscles. Je vis à cet instant les veines de ses bras apparaitre, bleues et puissants. Mes yeux fixèrent son bras parcourut de filaments bleus. Il lâcha le poignard, et ses veines disparurent sous sa peau.

- Sbaiby (dommage)... Chuchotai-je.

Je ramassai le poignard et lui infligeai le coup de grâce. Puis je me retournai brusquement, mes longs cheveux fouettant la poussière, vers le dernier qui combattait à la déloyale.

En voyant qu'il était seul à me faire face, il jeta son arc et ses flèches, levant ses mains en signe d'abandon. Je me dirigeai sombrement vers lui. Il se retourna et courut le plus vite possible, loin de moi, de ma présence animale. Haussant les épaules, je ramassai son arme et ses flèches en guise de trophées, puis un peu plus détendue, je mis le cap vers l'est.