Errer. Marcher. Voguer. Flotter. Encore. Encore, encore, encore, encore. Ça lui donne le tournis, encore. Tout lui donne un tournis et une migraine immense. Encore. Ce mot, aussi, encore. Il a l'impression qu'il est fait pour le tourmenter. Las, il marche, encore, dans la rue. Décembre, de gros flocons, un sol non plus blanc mais d'un gris sale est mouillé. Paris sous la pluie.Peu de gens sont dehors. Ils commencent à rentrer chez eux, petit à petit. Pas étonnant, la nuit tombe. Dans la ville, pourtant, on entend encore des bruits de toutes sortes. Des voitures, des mots, des phrases. Un sac qui tombe, un chat qui miaule. Il n'y prête pas attention, il les ignore, s'en fiche. Peu importe, maintenant.
Pour certains, cela pourrait paraître étrange, un jeune enfant, seul, sous la neige, vêtu d'une chemise noire, d'un short encre et de bas nuits qui lui montent en dessous des genoux. Des chaussures en cuir simple pour compléter le tout, et qui marche seul. Ses cheveux d'un blond pâle tombent en mèches fines sur son fin visage de poupon, pas encore sortit de l'enfance. Ses grands, peut-être trop pour lui, yeux d'un bleu indigo fixent un regard morne sur le sol.
Les gens l'ignorent, passe sans un regard. Il semble invisible à leurs yeux. C'est vrai, qu'il est discret. Petit, la silhouette fine et frêle, comme une fleur qu'un rien flétrirait. Mais, il est bien là. Vêtu de noir, debout, là, il marche dans la rue, erre sans but dans la grande ville illuminé d'or et d'argent. Et de noir. Il le sais, presque instinctivement. Ce qu'il cherche n'est pas ici. Ah, que faire ? Il s'arrête soudain, coupé dans son élan.
Là, sur le trottoir, une petite fille. À peine huit ans, un lapin dans une main, emmitouflée dans un gros manteau mauve, les cheveux châtains tombant en boucles dans son cou potelé, tenant fermement la grande main de sa mère. Seulement, ce qui le fit s'arrêter fut ses yeux d'un étincelant vert braqué sur lui. Comme... comme si elle le voyait. Elle pencha doucement la tête, puis, sourit d'un coup, avant de disparaître, tiré par sa mère. Un instant, qui suffit à rendre l'étrange garçon encore plus chagriné. Il lui semblait qu'une éternité s'écoulait sur ce trottoir sale.
Et, puis, il baissa les yeux, et secoua la tête, comme toujours, imaginée. Sans le vouloir, il le faisait. Ses yeux indigos cherchaient leur trésor, sans jamais le trouver. Il était seul, à jamais, condamné par cet égoïste souhait. Trente ans, déjà, qu'un garçon marchait dans cette ville, dans ce pays, dans ce monde, sur cette Terre erroné. Un garçon. Ciel. Il se souvenait de tout. Il savait. Au début, il ne cessait de pleurer, de se lamenter. Maintenant, il est juste... las.
Il ne parle plus, ne dort plus, ne boit ni ne mange. Il ne vit pas. Et, pas une cerne sur son visage figé, pas une faiblesse dans son corps immortel. Est-il contrarié, car il n'a pas ce qu'il voulait ? C'était son choix, son vœu. Ses soucis ne le surprennent plus. Ses larmes ne coulent plus. De tout façon, elles ne le peuvent plus.
Il lève la tête vers le ciel. Ciel. C'est beau, plein de petit point brillant, avec un croissant tout chaud au milieu. Il aimerait le croquer, des fois. Pour juste, sentir le goût de la vie encore une fois. C'est trop douloureux d'y penser.
"Pour quelque chose d'égoïste, être là aussi tôt."
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Ciel
Short StoryUn merveilleux pianiste. Un adorable petit frère. Un garçon altruiste. Un enfant sage. Un brin de Ciel. Ciel. Il était un parfait exemple de la beauté de ce monde. Avant ce jour. Un simple petit regard vers un enfant endormi. Un crissement de pneus...