Partie 2:

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Il l'observe, comme un chat au yeux indigos perché sur ce toit, les cheveux d'un blond platine, lait sûrement, sur le visage, la chemise effleurant doucement sa peau au rythme incessant des brises de la nuit. Il semble paisible, le regard vague, le visage ne laissant transparaître qu'un léger sourire de bienêtre, savourant ce moment de silence.

Elle est belle, sans conteste, une de ses créatures que la nature a gâté. Des cheveux d'or blanc tombant en cascade sur l'oreiller, un visage hâlé par le soleil, fin et pourvu de quelques traces de la rondeur enfantine dont elle a gardé le souvenir. Son expression est heureuse, elle semble faire un bon rêve. Serrant ainsi son oreiller, elle est paisible.

Il penche la tête vers la lune, puis, vers l'adolescente endormit. Enfin, ses grands, trop grands pour son visage, yeux délavés, se posent sur ses mains blanches, petites et potelés. Des mains d'enfant. Il sais. Il n'en connaît pas tout, mais il en est sûr. C'est elle qu'il cherche.

-Lisette...

Il murmure une étrange phrase, se relève, et saute du toit sur lequel il était assis, aussi leste qu'un chat sauvage, pour atterrir sur un autre, se réceptionnant à la manière des félins, sans aucun bruits, légèrement. C'est tout comme une ombre pour les passants en bas. Enfin, pour ce qu'il y en a. À quelques minutes des trois quarts de la nuit, peu de gens sont debout. Les courageux, et les fous.

Sa tête dodeline doucement. C'est étrange, pour la première fois depuis bien longtemps, là, debout sur ce toit, observant les étoiles, il ressent ce que les autres, les gens comme Lisette, appellent de la fatigue. Désagréable sensation, qui lui donne envie de s'allonger, juste un peu, et de fermer les paupières. Non. Il ne peut pas.

Alors, il secoue la tête fermement, ses cheveux couleurs lait fouettant l'air. Puis, il saute de plus belle, pour atterrir habilement sur un balcon. Il ne s'arrêta pas. De là, l'enfant saisit une corde à linge pendant entre les deux maisons, et glissa avant de sauter une nouvelle fois, se rattraper à un muret, y remonter, et, enfin, tomber au sol de pierres pavés, sur ses deux pieds.

N'importe qui le voyant aurait tout d'abord cru à un chat ou bien une ombre, puis, si il avait prit la peine de s'arrêter pour le contempler, en aurait eu la bouche ouverte de stupéfaction. Une telle rapidité, une agilité sans pareille, une souplesse et une force à l'égale du plus fort des gymnastes, pour un frêle et petit garçon de douze ans environ.

Quiconque en serait resté bouche bée, oui. Il le savait, et en profitait, car rien en cet instant ne saurait réduire sa joie. Trouvé. Il l'avait trouvé, après trente ans de recherches vaines et d'échecs cuisants. Il ignorait comment, c'était vrai. Il avait même perdu espoir de la revoir. Certes, ce n'était pas exactement Elle, mais ses yeux d'un vert olive teinté de marron boueux, ses cheveux d'or blanc, si particulier, et la forme de son visage jusqu'à ses pommettes, tout en elle rappelait une belle jeune femme autrefois tant aimée.

Il n'y avait plus de doutes. Maintenant, il lui manquait juste une chose. Une occasion, d'enfin, accomplir ce qui lui tenait tant à cœur depuis ses trente dernières années. Ah, que c'était douloureux ! Cela lui compressait la poitrine, comme un étau. Cela le rendait faible. Cela le rendait égoïste.

-Oh, Lizzie, tu n'imagine pas à quel point je voulais te dire pardon...

La jeune fille papillonne des paupières. Tout autour d'elle, c'est l'effervescence. Les infirmières alertent le médecin, les parents sanglotent de joie. Enfin, enfin, leur tant aimée fille se réveille, après trois longs mois de coma. Trois mois interminables, trois mois douloureux. Et puis, le médecin arrive.

Un bel homme, cheveux de jais, visage fin, blouse blanche, il calme le personnel, et s'assoit pour prendre le pouls de la jeune enfant comateuse. Ses yeux, lentement, semblent s'ouvrir sur cet univers d'un blanc de lait. De grandes prunelles d'un olive teinté de marron boueux et d'une étincelle d'or au creux des pupilles. Si spécieux, ses yeux, qu'ils en faisaient l'envie du collège, l'envie des amis, et l'amour de la famille.

Elle s'éveille, lentement mais sûrement. Elle relève la tête, doucement, bouge les doigts. Enfin, elle est là. Alors, après qu'enfin, elle se soit assise, la situation expliqué brièvement, le beau médecin donne l'autorisation et les parents lui sautent dessus à l'unisson. Le reste n'est qu'embrassades et pleurs de joie.

Et puis, La question. Celle que la jeune femme au cheveux de cuivre et au visage souriant de joie et d'amour, et que le père au cheveux d'or blanc, semblables à ceux, courts désormais, de sa fille aînée, et au yeux anthracites, redoutaient tant. Celle que jamais, elle n'aurait dû avoir à poser.

-Maman... Papa, murmura l'adolescente en baissant le regard, où... où est-il ?

-Qui— Oh, Lizzie...

-Pitié...

-Lizzie... sanglote la mère doucement, mais plus de joie cette fois.

-Je vous en prie... ne me dites pas... ne le dites pas...

-Écoute ma chérie, nous... tente d'apaiser le père.

-Non... où est-il ? Où est-il ?! Papa, répond ! Où est Ciel ?!

Larmes. Douleurs. Chagrin. Plus là. Son petit frère adoré. Son rayon de soleil, et même de lune aussi. Son bébé au regard indigo joyeux. Son frère, son enfant chéri, son cœur, sa prunelle, sa vie... envolé. Partit, pour toujours. Plus jamais, elle ne le serrera dans ses bras. Plus jamais, elle ne devra recoiffer l'épis de ses cheveux blonds. Plus jamais, elle ne l'embrassera en lui souhaitant bonne nuit. Et, plus jamais, elle ne pourra lui dire combien elle l'aime. Parce qu'il ne sera plus jamais là. Ciel est mort.

CielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant