Épilogue

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Le garçon jette des regards impatients, mais aussi nerveux, autour de lui. Pourtant, il est dans une pièce simple. Une commode, un tapis persan, deux fauteuils, une bibliothèque. Le tout dans des teintes crèmes et ocres. Il est assis sur un des deux sièges en velours bordeaux, et semble trépigner d'impatience.

-Oh, calme toi, tu vas finir par te faire mal, le réprimande une voix sortie de nulle part.

Celle-ci, calme et douce, appartient à une jeune adolescente lui ressemblant fortement. Tout deux les cheveux d'un blond d'or blanc, un visage au traits asymétriques et lisses, une corpulence fine et petite, un sourire semblable. Seuls leurs yeux diffèrent. L'adolescente a de grands yeux olives, avec une tâche de boue, et le garçon un terne indigo.

-Je te met au défi de me blesser, rétorqua t'il d'un ton joueur.

-Ah oui ? Sache que je connais beaucoup de moyen pour faire mal au gens mon grand !

La jeune fille lança un grand sourire à son benjamin, avant de s'assoir sur l'accoudoir de son siège, et ébouriffer ses cheveux platines. L'enfant lâcha un faible soupir, et une moue de désespoir vint se coller sur son fin visage blanc.

-Sérieusement ? J'ai plus douze piges Lizzie ! grommelle t'il.

-Moui. On en reparle dans dix ans.

Et puis, une étincelle s'allume dans les yeux verts de l'adolescente, qui se releva, et vint se positionner devant le gamin, toujours la mine faussement renfrognée. Et, elle sourit de plus belle, avant de reculer lentement vers la porte d'ébène dans un coin sombre de la pièce.

-Dis... Ciel ? T'es prêt ? demanda t'elle d'une voix presque tremblante.

-Prêt... je ne sais même pas si je saurais la reconnaître, s'inquiéta l'enfant, en soupirant.

-Ciel... tu sauras, crois moi. Ce genre de chose, on ne l'oublie pas. Tu n'as pas changé, pour elle, tu sera un rêve, et elle sera tout autant le tien dans quelques secondes.

-Et si elle pense à une illusion ? Où qu'elle ne me voit pas, comme les autres ? demanda le garçon, nerveux, et les larmes aux yeux.

-Oh... tout doux mon grand. Qu'importe, je lui prouverais que tu n'en es pas une. Après tout, rengaina l'adolescente d'un ton vif, tu es mon petit oncle chéri !

-Oh, m'appelle pas comme ça, Lizzie, ça me rajeunit pas, s'esclaffa l'enfant en souriant à nouveau.

-Bon, respire, je lui ouvre, finit par dire la jeune fille après un petit moment. Ne t'inquiète pas, mon Ciel, je suis là. C'est ta sœur, elle saura différencier la vérité. Elle te verra comme je te vois. Comme un miracle.

Le garçon baissa les yeux au sol, et sur le tapis coloré. Il avait dans le creux de son ventre, un noeud dur et serré. Il avait peur, plus que tout, qu'elle ne le voit pas. Qu'elle se croit être devenue folle. Il ne le supporterait pas. Enfin, dans un sordide grincement, la porte s'ouvrit.

Elle n'avait pas changé. Des cheveux ondulés et longs, blonds, presque blancs, une peau ridée par l'âge, mais toujours aussi pâle, une taille fine, petite, vêtu d'une robe d'un noir encre, et, enfin, de grands yeux d'un olive boueux. Un olive boueux étincelant d'une paillette d'or. Liselotte. Lizzie.

Au début, elle regarda sa fille sans comprendre. Puis, elle tourna son regard vers la pièce. Vers lui, qui l'a scrutait, assis, nerveux, effrayé. Son visage, auparavant calme, se décomposa dans un masque de stupeur, puis de chagrin. Une larme, puis deux, et enfin un torrent, dévalèrent ses joues.

-Ciel... Ciel... murmura t'elle, main sur la bouche, sans le croire.

-Li... zzie... Lizzie... bredouilla l'enfant.

-Tu es... tu es... là... Je...

Doucement, mains en avant, l'enfant se leva, sans vraiment savoir ce qu'il faisait, et marcha, pas à pas, jusqu'à la femme en larmes devant lui. Il avait vu passer tant d'années, qu'il ne savait pas s'il rêvait ou non.

-Lizzie... c'est moi, Ciel, chuchota t'il.

-C'est vrai, sourit d'un coup la femme, tu n'as pas changé... mon petit frère adoré... Alors tu l'as vu, hein, ma petite fille ? Elle te ressemble tellement... je savais que je te reverrais... mais personne ne me croyait... même pas mon mari... je suis tellement heureuse, Ciel...

Cela se passa très vite. D'abord hésitante, la femme finit par tomber à genoux, puis, à enserrer dans ses grands bras celui qu'elle avait pleuré des années avant. Le gamin, sourit, enfin heureux, avant d'enlacer à son tour du plus fort qu'il le pu celle qui avait animé ses nuits.

-Je suis désolé, chuchota t'il, sentant lui aussi de grosses et longuement retenues larmes rouler sur ses jours de poupon, je suis tellement désolé Lizzie... je t'aime si fort... je suis désolé...

-C'est rien.., c'est rien... moi aussi je t'aime, sanglota la femme.

Et puis, ce fut soudain. Un sentiment d'emprisonnement, un parfum de souffre, une douleur dans son esprit ravagé. Il avait pu revoir Lizzie. Le pacte, passé des années auparavant, avait été respecté. À lui de l'honorer à présent. La femme au yeux douloureux, ne prononça pas un mot, en le sentant disparaître. Sa fille non plus, qui assistait à la scène, les yeux embués. Elles savaient, inconsciemment, qu'elles n'avaient pas le droit de le retenir plus.

-Ne m'oubliez pas, mes Lizzie... murmura dans un dernier soupir l'enfant avant de s'évaporer entièrement, laissant la femme et la fille au sol, et debout, en larmes.

"C'est les yeux d'un éclatant indigo, que l'âme de l'enfant Ciel, est descendue en Enfers."

CielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant