BUNNY
On ne se touche pas. Quand on a quitté le bar c'était son premier ordre de la soirée. C'est lui qui décide, lui qui juge quand on fait et quand on s'abstient. Je balance mes cheveux subtilement pour que les effluves de mon parfum lui titillent les narines. Les hommes en sont friands et j'aime voir le désir ancré dans leurs prunelles.
Les chiffres défilent dans la cage d'acier puis la petite sonnette retentit. Sûr de lui, il actionne l'ouverture de la chambre et nous y sommes. Son domaine, ses règles du jeu.
C'est mortellement excitant !
L'endroit est parfait pour une nuit comme celle-là. Un grand lit à baldaquin trône au milieu de la pièce, quelques sextoys sont disposés sur une table ainsi que des cordes noire et rose. Rien de bien méchant, rien que je ne connaisse déjà.
-Va dans la salle de bain, tout est installé. Je te laisse vingt minutes.
J'acquiesce d'un hochement de tête.
Ordre numéro deux : je ne dois pas parler.
Je m'exécute et souris bêtement quand je remarque la tenue qu'il m'a concocté. J'inspecte le tout pour m'organiser. Du lubrifiant, de l'huile parfumée à la fleur d'oranger, une guêpière rose fuschia, une paire de bas noir, une culotte fendue et une paire de talons aiguilles de la même couleur que la guêpière.
Intéressant... Ce garçon a du goût en matière de sous-vêtements. Quelle femme n'aimerait pas Victoria secret's ? Pas de celles que je côtoie.
J'ôte un à un mes vêtements et me badigeonne d'huile. Cette odeur est enivrante, je ne l'apprécie pas tant que ça mais je n'ai pas spécialement le choix. Je passe la guêpière puis la culotte et m'arrête quand son téléphone sonne. Je m'approche de la porte et jette un œil par l'entrebâillement de celle-ci. Il fait les cents pas et se gratte la nuque.
-Oui ma chérie, j'ai encore un patient et après je rentre.
Un homme marié... encore un. Pauvre de lui, bridé sexuellement par une femme ne comprenant pas sa perversité ou par sa crainte de lui avouer. Je le laisse à sa conversation et enfile les bas. J'attache mes cheveux en une haute queue de cheval, j'ajoute du blush à mon maquillage, du noir sur les yeux et du framboise sur les lèvres.
Ordre numéro trois : je ne dois porter que du rose et du noir.
J'inspecte mon reflet dans le miroir, attrape le lubrifiant et vide un peu de liquide dans l'évier. Je cherche à me sentir vivante, autant que je le ressente dans la douleur. Quelques coups sont donnés à la porte. Je sursaute légèrement pensant que mon client s'impatiente ou que j'ai dépassé la limite des vingt minutes mais ses pas s'éloignent pour ouvrir la porte de la chambre. Ma curiosité est piquée au vif alors je regarde mon client, être une fois de plus décontenancé devant les aléas de sa vie. Ce qui me tire un sourire. J'aime quand les gens sont déstabilisés surtout quand ce sont les hommes. Mais là, ça dépasse ce à quoi je m'attendais. L'ambiance se glace en un instant.
La situation me terrifie. Jamais je n'aurais pensé qu'une scène comme celle-là pourrait être réelle. Je pose ma main sur ma bouche et retiens les cris qui menacent de sortir. Un homme est en train de le menacer d'une arme blanche. Un couteau d'une quinzaine de centimètres. Je ne bouge plus, tétanisée par la situation. Mes membres me portent à peine, je pose mon autre main sur le mur pour ne pas tomber.
Ils parlent mais je n'entends pas, je fais abstraction de tout ce qu'il se passe dans cette chambre. Mon cerveau est bloqué sur le reflet de la lame du couteau. Je suis dévêtue, mon client est en danger de mort et je suis incapable de bouger pour lui venir en aide. L'homme est grand, brun, il possède un visage rond et a une cicatrice de brulure sur la main. J'inspecte ses traits au lieu de me focaliser sur ce qu'il se passe.
Quand je relève les yeux vers mon client, l'homme lui assène un coup dans le ventre en lui proférant des injures. Puis tout s'enchaîne, je ne saurais dire si la scène prend une minute ou si elle dure depuis des heures. Mon ventre se tord et le haut le cœur qui me prend est si violent que je lâche le mur pour bloquer ma bouche des deux mains.
Mon client tombe à terre dans un bruit assourdissant. Il gémit et l'homme se penche vers lui, la lame emplie de son sang et déclare :
-Tu ne jouera plus à l'étrangleur connard !
L'homme pointe son couteau vers mon client et lui tranche la gorge. Je me recule vivement face aux gargarismes que le pauvre médecin fait quand le sang remplit sa trachée. Prise de courage ou de trouille, j'attrape ma pochette rose fuchsia et sort mon téléphone pour appeler les flics.
Mes mains tremblent, je n'arrive pas à me servir de mon portable comme d'habitude. L'adrénaline pulse dans mes veines si bien que quand je réussis à composer le numéro, je me souviens. La dernière fois que j'ai appelé les flics c'était pour... Lui. Je ferme les yeux et refoule mes sanglots.
Ce n'est pas le moment de penser à ta vie de merde Bunny !
Les pas de l'homme semblent s'éloigner alors je jette un dernier coup d'œil dans la chambre pour apercevoir cet assassin ouvrir la fenêtre pour s'échapper.
-Police de Naples, Jamie Rizzo j'écoute...
-...
-Allo ???
Je tiens le combiné fermement dans les mains et attends qu'il s'en aille le plus loin possible de la chambre. Quand il disparaît, je me mets à genoux et régurgite l'intégralité de mon repas et du martini, laissant le portable sur le sol de la salle de bain. Je relève la tête et attrape le téléphone en retournant près de mon client. Ses yeux sont révulsés et tout ce sang...
Je tourne de l'œil puis avance vers la fenêtre pour prendre un peu d'air.
-Allo ? Allo ?
-Je suis dans une chambre à l'hôtel Del'art, numéro 36, 4ième étage. Je viens de voir un homme se faire tuer. Oh mon dieu putain bougez-vous le cul merde ! Il l'a tué !!
-Qui est cet homme ?
-Je ne sais pas, je l'ai aperçu, j'étais dans la salle de bain, c'est arrivé si vite c'est...
-Je vous envoie une équipe, quel est votre nom ?
Putain non ! Surtout pas !
Mes yeux s'écarquillent quand mon regard trouve celui qui a commis le crime, il est en bas de l'immeuble, le regard vissé au mien. Ce que je vois dans ses yeux, me terrifie. Il m'a vu, il va me tuer.
Je raccroche et balance le portable dans la chambre en prenant la poudre d'escampette. Il va me retrouver et finir son travail...
Bienvenue en enfer Bunny !
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BUNNY BITCH
RomansaComment continuer à vivre alors que la mort m'attire? Moi j'ai trouvé, je me défonce au sexe monnayé! Je pensais avoir pris le pouvoir, enfin jusqu'à ce soir...