Destiny - Jeff the Killer

Chapitre 3

Un claquement provenant du rez de chaussé m'indique que mon père vient de rentrer de son travail. Aujourd'hui, ma mère est de garde, dans l'hôpital ou elle travaille, et j'imagine qu'elle ne sera pas là avant tôt demain matin.

Je retire mes écouteurs et quitte ma chambre, après avoir pris soin d'éteindre la lumière.

- Salut, p'pa ! Je lance en dévalant les escaliers.

Je remarque tout de suite le sachet dans sa main droite à l'effigie du Dragon Bleu, un restaurant chinois chez qui nous commandons souvent.

L'eau à la bouche, je n'attends que de pouvoir me délecter de leurs excellentes nouilles sautées et de leur poulet sauce piquante à tomber par terre.

- Rose ! J'appelle depuis le bas des escaliers. Viens vite, on mange chinois !

Puis je m'engouffre dans la cuisine.

- Tu veux que je mette la table pa... maman ?

Surprise, je constate que ma mère est là, attablée, tout sourire. Mon père lui, sifflote joyeusement en disposant sur la table les différents mets asiatiques.

Je fronce les sourcils en m'asseyant prés d'elle.

- Qu'est-ce que tu fais la ? Tu n'es pas de garde, ce soir? Ou alors ils ont décidé de te libérer plus tôt ?

Je me sers une grosse cuillère de riz cantonais et attrape un nem au passage.

Ma mère réponds par la négative.

- Non, figures toi que j'ai démissionné.

Je manque d'en recracher mon nem.

- Dé... démissionné ? Mais... Mais pourquoi ?

C'est le moment que choisit Rose pour passer la tête dans l'entrebâillement de la porte.

- Démissionner ? Répète elle, ahurie.

Maman lui indique une chaise et l'invite à y prendre place.

- Votre père va tout vous expliquer, mes chéries.

Deux paires d'yeux ronds convergèrent alors vers mon père, qui au même moment s'installe enfin à table à nos côté.

Il se sert de nouilles, de riz, avale quelques bouchées, puis daigne enfin croiser notre regard insistant. Sa bouche se fend alors en un sourire.

- Figurez vous que votre père, ici présent, va être muté, lâche enfin maman, après un regard complice échangé avec papa.

Cette fois-ci, j'en lâche mes couverts, qui retombent dans mon assiette dans un grincement sonore, ce qui me vaut un regard désapprobateur de ma mère.

Je prends le temps d'encaisser la nouvelle. Un regard à droite et je constate que Rose est également sous le choc.

Un silence pensant s'installe alors. Ni de ma soeur ou de moi n'ose prendre la parole.

Au bout d'un certain temps, je lâche enfin, en proie à une confusion totale.

- Pourquoi ?

Papa fronce les sourcils.

- Attends, tu ne souhaites pas d'abord savoir « ou ça », plutôt ?

- Pourquoi? Je répète, froidement.

Mon père soupire après avoir échangé un regard avec ma mère.

- Mon entreprise me propose un super poste... ailleurs. Je ne peux pas refuser. Nous n'aurions alors plus à nous inquiéter d'éventuels problèmes d'argents ou de fins de mois difficiles à boucler.

Je manque de m'étouffer.

- Pardon ? Des problèmes ? Ton boulot et celui de maman suffisent largement à nous faire vivre correctement tous les quatre. Nous n'avons jamais eu de difficultés à boucler des fins de mois, comme tu dis. Je ne vois vraiment pas pourquoi nous devrions tout plaquer ici pour l'inconnu, parce que, soit disant, tu bénéficieras d'un poste et d'un salaire plus élevé.

Je ne me rends compte que trop tard avoir haussé la voix sur mes parents, et je me recroqueville au fond de ma chaise, une fois ma tirade achevée. 

Un nouveau silence s'abat alors sur la table, cette fois ci rapidement brisé par ma soeur.

- Ou ça ?

- Voila enfin la bonne question, se réjouit papa, comme s'il n'avait pas écouté un seul des mots que j'avais prononcé quelques secondes plus tôt.

Rose le regarde avec insistance, et il finit par céder.

- En Californie, les filles. Je suis muté en Californie, à San Francisco.

La surprise est telle qu'aucun son ne parvient à sortir de ma bouche.

Par déménagement j'avais, certes, imaginé un changement de ville, voire d'état, mais certainement pas un allé simple pour une ville située de l'autre côté du continent.

La voix tremblotante, je me risque à reprendre la parole.

- Quand... Quand ça ?

Papa fronce les sourcils.

- Quand quoi ?

Je déglutis difficilement.

- Quand allons nous déménager ? Je reprends avec plus d'assurance.

Papa recule sa chaise en se frottant les mains.

- Je dois être sur place le mois prochain, et par conséquent, vous également.