Chapitre 26

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J'abaisse la poignée et ouvre la porte. Dans la pénombre, assis en tailleur sur le lit des parents, une silhouette. Celle-ci tourne la tête, alerté par le bruit de la porte grinçante. Lorsque je déchiffre les traits de son visage, mon coeur s'arrête. Net. Et les larmes me montent aux yeux. 

Liu. 

Je manque de tomber, et agrippe la poignée de porte afin de rester debout. Liu...

Je relève la tête pour constater que celui-ci n'est plus assis en tailleur, mais se tient bel et bien debout devant moi, stupéfait. Il est méconnaissable. Ses boucles châtains ont bien poussé, et semblent ne pas avoir été brossées depuis des lustres. Il arbore une mine fatiguée et d'imposantes cernes bordent ses yeux, comme s'il semblait ne pas avoir dormi depuis une semaine entière. Son éternel teeshirt couleur sapin est bien sale, tandis que son jean, boueux, est déchiré à plusieurs endroits. Cependant, je le reconnaitrai entre mille. C'est bien Liu... 

Sans prendre la peine de réfléchir, je me jette dans ses bras, les yeux embués de larmes, et le serre fort contre moi. Il s'empresse de me rendre mon étreinte, et nous demeurons ainsi, enlacés, pendant ce qui me parait une éternité. 

Je m'écarte cependant au bout d'un moment et prend son visage entre mes mains.

- Liu... Tu m'as tellement manqué. 

Des larmes roulent le long de ses joues. Même si le temps a passé, il demeure ce petit garçon sensible que j'ai toujours connu. 

- Kaya, hoquette t'il. Si... Si tu savais ce qui se trame par ici... 

S'en est trop. Il fond en larmes, et se réfugie une nouvelle fois dans mes bras, comme avant, lorsqu'il venait trouver un peu de réconfort auprès de moi, après une dispute avec ses amis ou même avec son frère. 

- Chut... Chut, Liu. Ca va aller...

Je le sers contre moi, dans le but de le réconforter ne serait-ce qu'un minimum, mais il semble inconsolable. 

Il finit cependant par s'écarter à son tour et balaye d'un geste du bras les larmes de ses joues, avant de baisser la tête. 

- J'étais là... 

Je lève la tête. Qu'entends t'il par là ? 

- J'étais là... Poursuit il. Le... Le soir ou... 

Sa voix se brise en un sanglot, mais il continue tout de même. 

- Jeff... Enfin non. Ce n'était pas lui. Ca... Ca ne pouvait pas être lui. Il... Il n'aurait jamais fait ça... Il... Il aimait sa famille... 

Je me mord la lèvre inférieure. Bien sûr qu'il aimait sa famille. Il l'aimait tant... 

- Je... J'ai entendu des pas précipités dans le couloir... Puis un... un cri. Non... Un hurlement. Dans la nuit. Et... Et c'est là que j'ai compris que... qu'il.... qu'il fallait que... que je me cache... 

Il relève son visage vers moi. Son visage d'enfant, innocent... Ruisselant de la larmes. 

- Il est entré dans ma chambre, lâche t'il, entre ses dents. Il... Il m'a cherché. A même chantonné...

Je sursaute. Chantonné ?

- Je... Je n'oublierai jamais sa voix... Elle... Elle ne lui ressemblait tellement pas... C'était presque la voix d'un autre... 

Puis, en fermant les yeux, comme si ce seul souvenir le hantait toujours: 

- Petit Liu, petit Liiiiiu... Ou te caches tu petit Liiiu ..?

La voix que prends alors Liu, mêlée aux paroles et au ton sinistre employé suffisent à me donner la chair de poule. 

- Liu, je fais, en le regardant droit dans les yeux. Tu es bien sûr que c'était ton frère ?

Il réponds d'un signe de tête par la négative, et je fronce les sourcils. 

- C'était Jeff, oui, réponds t'il alors. Jeff le tueur, mais pas Jeff mon frère. 

Jeff le tueur... 

- L'ange de la mort, en d'autres termes, fait il en haussant les épaules. En réalité, les habitants locaux lui ont donné plusieurs noms... L'ange de la mort, oui, mais pas que. Il y aussi celui qui en ferait frissonner plus d'un. 

J'agrippe la manche de Liu et le regarde fixement. 

- Dis moi de quoi il s'agit. 

Il détourne le regard et lâche, tristement:

Jeff the Killer. 




Destiny - Jeff the KillerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant