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 5 juin,

Je m'étais réveillée aux aurores ni par envie ni par choix. Juste par obligation. La dictature des songes s'était emparée de mes nuits, ces derniers temps, m'imposant des images que je ne souhaitais pas voir. Il faut croire que jusque dans les profondeurs des nuits, les contraintes parvenaient à s'immiscer. Je restai allongée sur mon lit à contempler le plafond, peut-être connaissait-il le secret de mes tourments. Toute la maisonnée dormait à l'exception de l'horloge, qui de son rire agaçant, vous rappelait que le décompte était lancé. Trop de personnes souhaitaient la faire taire. J'espérais, inexorablement, qu'un jour elle parte en fou rire et que le temps file avec elle. Mon temps.

Le réveil se décida enfin à sonner, signe qu'il était temps que je m'extirpe de mon lit. Une journée m'attendait. Encore une. Je ne savais pas comment les gens pouvaient, comme des robots ayant été programmés, accomplir constamment des mouvements toujours semblables. Ou, peut-être, était-ce moi, qui comme un Petit Poucet rêveur, n'arrivais pas à me trouver une place. En classe, inlassablement, nous étions formatés. « Tais-toi ! » « Apprends ! » Personne ne nous montre comment comprendre !

- Comment ça fonctionne la vie ?

- Ce n'est pas écrit dans ton manuel ?

- Non...

- Alors, c'est que tu n'as pas besoin de savoir !

Le bourrage de crâne continue...

Certains arrivent à trouver un quelconque bonheur en allant étudier et ils croisent des amis, ce qui a le mérite de les divertir. Tu n'es pas seule, me direz-vous, et c'est exact, mais je ne peux retirer mon masque. On me demande : « ça va ? » Je réponds : « oui ! » Mais, je ne le sais pas réellement. Je réponds « oui » car c'est ce qu'on m'a appris à répondre. On évite ainsi toutes les questions qui s'en suivent, on ne souhaite pas avoir à se justifier.

Le monde est plat et manque de profondeur, les gens ont un cerveau, comme ils ont une clé USB pour conserver des données. Je souhaiterais les prendre, les secouer pour leur dire : « Réveillez-vous ! » « Vivez ! »

Ils rigolent aux blagues idiotes et inutiles. Mais je les vois, dernière leur sourire et leur épaisse couche de maquillage. Je les vois, je ne sais pas qui ils sont vraiment. On me parle, je réponds machinalement sans réelle attention, exaspérée par la pauvreté des conversations. Même, si ce manque de maturité se trouve parmi les jeunes, vous pouvez également le voir se manifester chez la ménagère de 40 ans, qui vit de son ménage, des rumeurs, et de romans à l'eau de rose. Les adultes se croient plus réfléchis et plus enclins à prendre des décisions. La réalité, c'est qu'ils ne le sont en aucun point. Tout en moi, révulse cette sensation de pouvoir qu'ils pensent avoir. Tout en moi, souhaiterait aller les prendre par la main et leur remettre la vérité en face des yeux. Mais ces idiots, par peur de ce que la vérité leur montre, avancent les yeux fermés. La réalité, consistant à dire « nous n'étions pas au courant », est plus facile que d'admettre qu'on a tort.

Mes pensées partent bien loin de mon corps. Pourtant, il fallait qu'un court instant, je m'y rattache. Quelle tristesse de laisser le fabuleux monde des songes pour revenir à la bien terne réalité.

La pause-déjeuner prenait fin. Et lors des deux dernières heures de cours, je tentais la mission irréalisable d'arrêter mes pensées. Une durée qui semblerait énorme à n'importe quel être vivant doté de réflexion. Comment faisaient ces hommes et ces femmes, qui par dizaines, qui par milliers, pouvaient se transformer en un mélange de métal et de plastique. De parfaits robots. Une heure passa, puis deux, et toute l'après-midi. Je pus enfin rentrer chez moi. Mes parents travaillaient encore. Sans doute pour le seul moment de la journée où, je retirai mon masque, une fois seule. Je n'étais plus obligée de faire semblant. En passant le seuil de la porte d'entrée, j'eus le plaisir d'y trouver mon chien. Il était allongé, fidèle au poste de surveillance qu'il s'est octroyé. Un sourire illumina mon visage, le premier de la journée. Son regard était plein d'une compréhension qui n'appartenait qu'à lui. Une vue d'ensemble dont seuls les animaux semblaient être pourvus, eux que rien ne détournaient, ils vivent peu importe ce que pensent leurs congénères.




Cover en Media de OliviaSprks

Jusqu'au ciel Où les histoires vivent. Découvrez maintenant