Chapitre 13

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14 août 2020

Charlotte avait raconté les derniers événements des années plus tard. Elle avait été courageuse de revenir dans cette maison. Moi, j'en aurais été incapable. Le carnet sur lequel elle écrivait avait drastiquement changé. Il n'était plus en cuir. Il avait seulement une couverture cartonnée, semblable à celle que l'on trouve aujourd'hui. Aucun motif n'ornait la couverture. Son écriture avait beaucoup évolué. Les lignes étaient droites, sans bavure ou tâche d'encre. Les courbes de ses lettres m'avaient fait penser à l'écriture de Brenda.

Voici ce qu'il y avait d'écrit :

Journal,

J'ai aujourd'hui vingt-cinq ans. C'est dix-sept années que mes sœurs ne vivront jamais. Dix-sept ans qui se sont écoulés depuis la dernière fois où je suis entrée dans cette maison. Je n'avais jamais eu le courage d'y revenir. Je voulais tout oublier, tout recommencer ailleurs. Mais parfois le destin se montre cruel.

Je suis retournée dans mon ancienne demeure hier. Elle m'est revenue en héritage. Personne n'y a habité. Personne n'a voulu. Il y a eu de nombreux débats familiaux concernant le devenir du domaine. Finalement, ma famille éloignée a tranché : c'était à moi de prendre la décision. J'avais beau savoir que mes sœurs et mes parents y avaient vécu leurs derniers instants, je ne pouvais me résoudre à tout raser. J'y avais passé de bons moments. J'avais des souvenirs heureux.

Comme je l'ai dit, c'était la première fois que j'y retournais. La police m'avait contée les faits un mois après la fin de l'enquête. Ma mère a été retrouvée égorgée dans la cave, les mains encore attachées entres elles. Elle tenait encore la petite main d'Adélie. D'ailleurs, ma sœur est morte suite à une injection que mon père lui avait faite. Quand la police l'avait déplacée, ils m'avaient demandé si je voulais la voir. Elle reposait sous un drap, je leur avais dit de ne pas y toucher. C'était ce qu'elle voulait, que personne ne la voit ainsi.

Germaine avait été retrouvé dans la baignoire. Mon père l'avait vidée de son sang. Couchée et attachée dans la baignoire, elle s'était asphyxiée dans son propre sang. J'avais pu voir les photos de la scène de crime. J'en garde l'image d'une scène sanglante, violente et gratuite. Quant à mon père... Il s'est donné la mort dans ma chambre, en se pendant. Il n'a laissé derrière lui ni lettre d'excuse ou d'explication. On a uniquement retrouvé une photo de famille en dessous de ses pieds.

Malgré toute la haine que je portais envers mon père, j'aurais peut-être aimé qu'il soit toujours en vie. Je me suis retrouvée bien seule. Mon oncle m'a adopté. Il n'avait pas d'enfant, sa femme était stérile. Ils étaient très gentils avec moi. Mais voilà, ils ne peuvent remplacer ma véritable famille. J'ai arrêté de fêter mon anniversaire. Comment aurais-je pu ? Il me rappelait sans cesse que mes sœurs n'étaient plus avec moi. Ma tante n'y a pas vu d'objection.

Lorsque j'ai été assez grande pour prendre des décisions, j'ai fait faire quelques travaux dans la maison. Refaire le toit, repeindre, nettoyer le désordre de la propriété... Des travaux sans importance. Je voulais reprendre un nouveau départ, donner à cette maison et à mon âme meurtrie une chance de se rétablir. J'ai fait construire un débarras en plein milieu du domaine. Je comptais y mettre toutes les affaires en rapport avec mon passé.

Pour oublier. Pour tout recommencer.

C'est avec ces intentions que j'ai franchis la porte le jour dernier. L'électricité avait été remise, tout comme l'eau. Je suis allée dans ma chambre. Rien n'avait bougé. Mes jouets traînaient sur le sol, mes habits dépassaient du placard... Le plus troublant étaient le vaste espace au-dessous de la poutre du plafond. Lorsqu'on regardait le bois, on devinait l'emplacement de la corde par laquelle mon père avait mis fin à ses jours. Je ne m'étais pas plus attardée.

Ma cave (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant