7er février, Première Année

45 8 1
                                    

7 février

Salle de bal, 17h45


Cher journal,

C'est fou comme le corps se rétablit vite. Des tisanes et quelques sorts plus tard, je revenais d'entre les morts. Mon corps répondait à mes intentions et ma langue pouvait de nouveau bouger. Les journées furent longues mais la réussite m'avait tendue les bras. Pendant ces jours gavés d'ennui, j'avais réussi à glaner quelques informations de la part de l'infirmière à force de chantage, supplications et autres bassesses. Néanmoins, malgré toutes ces techniques - vicieuses pour la plupart - j'apprenais tout au compte goutte. Pourtant, un certain schéma se formait. Il restait cependant beaucoup de zones d'ombre et cela m'épuisait de ne pas savoir. Mais personne ne voulait rien me dire.


J'étais apparue, frigorifiée, couchée comme dans un cercueil, sur le seuil de l'école, paraissant bien frêle à côté de l'immense porte en chêne contre laquelle j'étais. J'avais réussi à faire sensation avec mes lèvres bleues, gercées de toute part, mes cheveux blonds qui commençaient à geler et mon air de cadavre. Un élève m'avait trouvée là et avait tout de suite prévenu mon père... Et la moitié de l'école au passage. Ses cris n'avaient pas été très discrets. Apparemment, selon les sirènes du lac, j'aurais décidé de venir leur rendre visite. Leur sourire carnassier s'était néanmoins transformé en une moue déçue lorsqu'elles avaient avoué que deux bras puissants m'avaient sortie de l'eau avant qu'elles n'aient pu m'atteindre ! Dieu merci ! Tu m'imagines alors, déchiquetée de tous les côtés, mon sang se dispersant dans l'eau comme une flaque sanglante de vin ?


A part ces maigres informations je n'avais rien pu apprendre d'autre. J'étais arrivée comme un fantôme en ne laissant aucune trace. J'étais dès lors confinée, sans aucune nouvelles ni visites depuis celle de mon père. Je n'avais plus de contact avec l'extérieur. Lorsque je pus enfin sortir, j'étais faible, contrainte de revenir deux heures plus tard et avec l'interdiction de m'approcher du lac. Pensaient-ils vraiment m'en empêcher ? Ma première décision, défi secret et personnel, fut de me rendre dans le hangar à bateaux. A mon passage, les ragots reprenaient de plus belles. Ils semblaient presque m'avoir attendu. Je ne pensais pas qu'encore plus d'encre ait pu être versée sur moi mais je me trompais vraiment ! Les rumeurs ne prennent jamais de pause. A chaque avancée, à chaque carrefour, à chaque croisements, les murmures me suivaient. Plus je pensais les fuir, plus ils me pourchassaient impitoyablement.


Ragots, Boulot, dodo. Tout allait revenir à sa place quelque temps plus tard. Je n'avais jamais pensé que ce train train quotidien ridicule pouvait me manquer jusqu'à ce qu'il me soit arraché. J'étais parvenue à rêver de revenir dans mes salles de classe. Bien qu'une exception confirme toujours la règle. Les cours de bienséance étaient celle-ci. Pour toutes les jeunes filles c'était là la concrétisation de leur désir. Pour moi c'était juste une perte de temps. Les bonnes manières n'aideront pas la Science alors me retrouver contrainte à porter une longue robe rouge, les mains liées par une panoplie de règles avait de quoi m'exaspérer. Pour un retour à la réalité, j'aurai du choisir un meilleur jour.


J'avais longuement parlementé avec l'infirmière pour qu'elle me laisse sortir le plus vite possible. Finalement, j'avais eu gain de cause mais je ne m'attendais pas à être réveillée à l'aurore le lendemain par un elfe de maison me tendant des souliers en cuir, des rubans de toute sorte mais surtout, un amas de tissus rouges phénoménale. Au lieu de me réveiller calmement et de me préparer pour aller en cours, j'avais été surprise de trouver toute une panoplie d'instruments de torture pour un soit disant bal. Qu'avais-je donc fait ? Porter une robe d'apparat pendant toute une journée et répéter un nombre incalculable de danse revenait à signer ma mort.

Sur le chemin de la gloire | HPOù les histoires vivent. Découvrez maintenant