Mon téléphone sonnait. C'était encore elle. Toujours elle. Je décrochai et souriais avant de m'exprimer.
«-Je te manque déjà ?
-Une soudaine envie de raccrocher., dit-elle à travers un sourire.
-Dommage. Je voulais bien entendre ce que tu avais à me dire.»Je l'entendis rire et ça me soulageait de voir que notre minuscule altercation à la cantine ne mènerait pas à quelque chose d'irréversible.
«-On se rejoint quelque part pour parler ? Le téléphone, ce n'est pas fou.
-Je suis partant. Envoie par SMS où tu veux qu'on se retrouve.
-Ça marche.»Le lycée. Le lycée se trouvait juste à quelques mètres de ce parc. On était entrain de marcher à la recherche d'un banc. Elle semblait étrangement moins confiante qu'avant.
«-J'attends.
-J'aimerai d'abord savoir ce qui te chagrine à mon propos. Il faut dire que ton comportement de la dernière fois était surprenant., me souriait-elle, les yeux grands ouverts en ma direction.
-Je crois que j'ai laissé mes neurones bouillir un peu trop longtemps.»Elle haussa les épaules et je ne savais que dire de plus. Je crois qu'elle m'étudiait réellement.
«-Je te taquinais juste. Je t'ai toujours taquiné.
-Ignorer quelqu'un c'est taquiner maintenant ? Sympatoche. Je devrai sûrement tester.
-Ce n'est pas ça...»Je la regardais me demandant où cette conversation allait me mener. Peut-être que je devrai lui avouer que je l'apprécie fortement, et peut-être pas simplement en ami-standard. Je savais que mes sentiments envers elle allaient devenir gênants autant pour elle que moi à un moment donné où nos attentes n'allaient plus correspondre. Finalement, cette conversation serait une bonne alternative pour me libérer de ce poids.
«-Que penses-tu exactement de mon comportement de la dernière fois comparé à celui que j'adopte d'habitude ?»
Je vis que je l'avais surprise mais elle réagit très rapidement.
«-Ça n'était pas habituel de ta part. Tu ne m'as jamais parlé comme ça.
-Je t'ai parlé avec un air tout à fait normal. Mes phrases étaient sûrement sèches par contre., dis-je dans un sourire avant de lui jeter un coup d'œil rapide.
-Tu semblais énervé mais peut-être que j'ai tord. Même si je n'ai jamais tord.»Je lui poussai l'épaule avant que nous nous mîmes à rire. Je savais que prendre la conversation trop au sérieux reviendrait à mettre un mal à l'aise entre elle et moi. Nous aimions les choses légères et tournions tout en dérision. Nos regards qui se croisaient étaient remplis de légereté et d'amitié pur.
«-Je n'étais pas énervé. Sûrement agacé, mais pas énervé. Il faut dire que tes amies aiment bien parler à ta place, comme si tu n'étais pas là.
-C'est vrai que c'est gênant. C'est d'ailleurs un sujet discordant entre elles et moi. Je les remercie d'être là mais que j'ai une bouche pour parler et que je peux, et je sais, me défendre. Constancia est très à cheval sur la justice et l'amitié.
-J'ai pu constater ça, en effet.»On se mit à rire de nouveau avant de s'asseoir sur un banc vide dans cet énorme parc. Le vent vint jouer avec nos cheveux et je décidai d'enfiler ma capuche avant de regarder droit devant moi.
«-Si tu penses que je t'ignorais, c'est simplement car j'ai effectivement pris des distances. J'en avais assez besoin. Je ne savais juste pas quand et comment venir t'aborder de nouveau comme si je n'avais pas changé mon comportement., s'expliquait-elle avec une voix assez calme et douce.
-Un « Viens, on parle. » aurait suffit, pour ma part. Je crois qu'il est nécessaire de dire que ça m'a contrarié.
-Dis-moi sérieusement. Tu n'aurais pas quelque chose à m'avouer par hasard ?
-A quoi penses-tu exactement ?»Je lui jetai un regard furtif rempli d'incompréhension. Je pensais bien qu'elle faisait référence à mes sentiments mais pourquoi l'aurait-elle formulé ainsi ? Sur son visage, je ne lisais que de la curiosité et de la réflexion. Cela n'était pas forcément mauvais signe.
«-Je me trompe sûrement mais je pense que tu as des sentiments amoureux qui se développent pour ma personne...»
Je ne dis rien. Je préférais laisser le silence résonner pour que je puisse répondre convenablement. Cependant, elle reprit la parole avant moi.
«-Si j'ai utilisé cette formulation, c'est pour paraître moins bête alors j'espère que ça fonctionne au moins., ria-t-elle, semblait-il un peu nerveux.
-Tu ne te trompe pas. Mais je pense que mes sentiments amoureux ne sont pas aussi forts que tu le penses.»Elle hocha simplement la tête. J'attendais une réponse de sa part mais elle ne vint pas. Je décidai de me lever car je commençais à fatiguer. Si la conversation devait se terminer ainsi, alors nous n'avions plus rien à nous dire.
«-C'est donc tout ce que nous avions à nous dire, j'imagine ?, lui lançais-je, le regard rivé sur elle.»
Aucune réponse. Je prenais ce silence comme une affirmation. Je la saluai avant de quitter le parc pour rentrer chez moi, avec le cœur assez lourd.