Après une vingtaine de minutes de voiture, sans excès de vitesse, on arrive à un aéroport privé du FBI. Un jet privé attend ses passagers. Je retrouve Julien à quelques mètres de là. Le même sac que moi à ses pieds. On les a achetés il y a un peu plus de cinq ans maintenant. Je dirais que c'est la seule constante dans nos disparitions répétées.
Nous regardons côte à côte le jet.
«-Ce n'est pas en le regardant d'ici qu'il va décoller !»
Nick Minsk passe à côté de nous un sourire aux lèvres. Il porte un sac à dos noir qui doit peser au moins six kilos, à vue d'oeil. Il a tout d'un policier, posture, coiffure et démarche. L'homme qui était complètement fermé au poste a laissé place à quelqu'un de joyeux qui pourrait presque sautiller pour atteindre l'avion.
«-A mon avis, on va rigoler avec lui.»
Julien brise le silence et commence à avancer vers notre avion. Je hausse les épaules.
«-Du moment qu'il ne m'approche pas...»
Une fois dans l'avion je prends un siège à côté d'un hublot et Julien prend le fauteuil voisin. Jack Cheng, le mécanicien, occupe une place à l'écart des autres, tandis que Nick et Johanna discutent ensemble. Le monde s'endort, les lumières des rues s'allument et les voitures se font rares. Quelques fêtards commencent leur nuit. C'est à ce moment que le monde est le plus beau. On peut apprécier la vitesse que nous offre notre voiture. Parcourir une distance le plus vite possible sans avoir peur de renverser quelqu'un.
Quelques minutes après notre départ, Julien somnole. La tête posée sur mes cuisses, je caresse ses cheveux distraitement. Il a les mêmes que papa, bruns, doux et assez long pour pouvoir apprécier leurs douceurs. Quand il dort, il n'a plus 25 ans, il fait beaucoup plus jeune. Julien n'a pas vécu des moments faciles depuis la mort de nos parents. Toujours à prendre soin de moi et des autres orphelins, tenir tête à la propriétaire de l'établissement et fuir dès que les ennuis débarquent. Il veille sur moi depuis plus de 15 ans et jamais il n'a flanché ou même pris le temps de souffler.
Le menton dans ma main, je regarde la nuit tombée sur l'Amérique, et je pense à Henry. Il n'a changé que deux fois de prénom. La première fois, ce fut dès ma sortie de l'hôpital, je l'ai appelé Nathanaël. La deuxième fois fut lors de notre arrivés à Jacksonville il y a 3 ans, depuis il s'appelle Thomas. Julien n'a jamais aimé ce prénom, moi non plus d'ailleurs, mais j'étais en panne d'idées.
C'est une tasse de chocolat chaud qui me tira de mes pensées. Je lève les yeux et découvre Vincent Pakio. Je souris et prends la tasse.
«- J'ai toujours voulu vivre dans l'Ohio.
- C'est un tort, il fait froid en hiver.»
Nick Minsk s'est approché et s'installe sur le dernier siège libre du carré principal de l'avion.
«-J'aime la neige, rétorque Pakio.
-Vous voulez surtout briser la glace, sourit Nick.
-Peut-être, en effet.»
Mr Pakio plonge ses yeux marron dans les miens. Faute de mieux je contemple mon chocolat. Les discussions émergent autour de moi. Jack et Johanna se sont joints au groupe naissant et Julien s'est réveillé.
«-Et puis pourquoi l'Ohio ? Je préférerais aller en France, ajoute Johanna.
-En France ? A Paris tu veux dire ! T'es bien une fille !» se moque Nick.
Ces deux-là se sont trouvés et ils commencent déjà à se chamailler.
«-La France ? Pourquoi pas.»
Julien me regarde, pensif.
«-On ira pas en France.
-Et pourquoi ? On vivrait à la campagne.
-Justement, tous le monde se connaît là-bas.»
Je secoue la tête.
«-Non, pas la France.»
Je pose ma tasse sur la mini table et replie mes jambes sous moi. Mr Pakio et Julien continuent de discuter de pays encore inexplorés. Je n'écoute que d'une oreille. Bercée par le bruit du moteur de l'avion je finis par m'endormir.Il est là, devant moi, le médecin. Il tient Henry dans ses bras et me regarde. Ses yeux sont bleus et froids. Il s'approche de moi et me sourit.
«-Pourquoi ne pas m'avoir dit Noémie ? Pourquoi ne pas m'avoir dit que j'étais papa ?»Je me réveille en sursaut. Julien est accroupi devant moi. En observant l'avion je me rends compte que nous sommes seuls.
«-C'est fini.
-Il était là, avec Henry. Il...»
Julien me prend dans ses bras et je me mets à pleurer.
«-Il ne reviendra pas, jamais. Je te le promet.»
Il me sourit essuie mes joues avec le plat de sa main. J'apprends que nous sommes arrivés à l'aéroport de Boston. Cependant il nous reste une petite heure de voiture. Nous descendons du jet. À mon grand désespoir des chauffeurs sont prévus. Je ne pourrai donc pas conduire ce soir. Dans la voiture je suis seule avec Julien, alors que Nick et Johanna monte dans la deuxième et Jack se retrouve avec Pakio dans la dernière.
La voiture est calme, Julien tiens ma main et nous observons la ville laissée place à la campagne.
Lorsque nous arrivons à destination, il fait nuit noire mais on y voit comme en plein jour. Un immense garage laisse passer de la lumière à travers ses fenêtres. Un vent frais s'est levé, il transporte une odeur de sel. La mer est sûrement à proximité.
Mr Pakio, ouvre une épaisse porte qui nous éclaires ainsi que la plaine. Je plisse les yeux et mets une main en visière.
«-Entrez,» encourage Mr Pakio.
Je n'ai jamais vu un garage aussi beau. Il y a des voitures flambants neuves, des motos et un énorme camion.
«-Pourquoi un camion ?»
Jusque-là muet, Jack pose sa question en montrant le camion d'un signe de tête.
«-Il faut un véhicule pour transporter les voitures, motos et sa aussi.»
De la main Pakio montre un coin du garage. Je lâche mon sac et prends la main de mon frère. Je n'ai jamais vu autant d'ordinateurs de ma vie. Je sais que j'ai l'air d'une folle avec les yeux qui scintillent et la bouche légèrement ouverte. Mais avoir des voitures de luxes et des ordinateurs hors de prix dans la même pièce, c'est quelque chose que je n'aurais jamais crue possible.
«-Les chambres sont à l'étage et la cuisine au fond à droite.»
Mr Pakio finit par nous laisser devant cette immense hall. Julien me prend la main et nous entraîne à l'étage. Il me sourit. Je prends la dernière chambre, celle qui se situe le plus loin de l'entrée. Il y a également un escalier qui conduit au hall de ce côté du couloir. Julien occupe la chambre à la gauche de la mienne.
La chambre est grande. Les murs sont blancs et un lit de deux places occupe une partie de la pièce. En face du lit, il y a un dressing énorme. La totalité de mes vêtements ne me permet même pas de remplir la moitié du dressing. Je me contente de déposer mon sac au milieu de la pièce. Il fait tâche, mais pour un départ précipité, il vaut mieux le laisser plein. À côté du lit, une porte mène à la salle d'eau. Je vais chercher un jogging et un tee-shirt propre dans mon sac et pars prendre une douche.
Je laisse l'eau chaude coulée. Je me suis assise par terre et le jet d'eau me fait un semblant de massage au niveau de la nuque et des épaules. Au bout d'une trentaine de minutes je décide de sortir. Il y a un large miroir. Je regarde mon dos. Les cicatrices sont rouges à cause de l'eau chaude, mais aucune ne s'est rouverte. Je m'habille et regarde mon nouveau lit.
«-Je ne dormirais pas cette nuit,» dis-je dans un soupir.
Je m'approche de la fenêtre, en passant un sweat. De là, on peut voir la mer. Le paysage doit sûrement être magnifique la journée. En ouvrant la fenêtre on peut entendre le bruit des vagues s'écraser contre les rochers et le chant des oiseaux qui peinent à trouver le sommeil. Le vent s'infiltre dans la chambre et secoue mes cheveux humides. Henry aurait adoré cet endroit. En pensant à lui je pars chercher sa peluche dans mon sac et la pose sur le lit. Au même moment, une irrésistible envie de manger me submerge. Je décide de descendre à la cuisine.
La cuisine est immense, une énorme table en bois trône au milieu de la pièce. En fouillant dans le frigo je trouve du lait, et du chocolat en poudre dans un placard. Pendant que mon chocolat chauffe dans la casserole je cherche quelque chose de consistant à me mettre sous la dent.
«-J'ai trouvé des chips si tu veux.»
Une voix me prend par surprise. Je me retourne en sursautant et un bruit de gifle retentit dans la pièce. La joue de Jack devient écarlate. Dans ma main, je n'ai pas lâché le paquet de céréales que j'avais déplacé pour trouver à manger.
Je réagis au quart de tour. Je lâche les céréales, pose la main de Jack sur sa joue et fonce au congélateur, trouve un paquet de surgelés et le presse contre l'hématome qui commence à naitre sur sa joue.
«-Sa devrait aller. Bouges pas, je reviens.»
Jack répond quelque chose, mais je suis déjà dans la chambre. Agenouillée devant mon sac je cherche ma crème pour les bleus.
De retour dans la cuisine, je retrouve Jack en train de verser le chocolat chaud dans deux tasses.
«-Le lait bouillait.»
Une grimace le défigure, il s'empresse de remettre le paquet froid sur son visage. Je m'approche et regarde sa joue. Appuyé contre la table, Jack me laisse faire. J'applique le baume sur sa joue en me mettant sur la pointe des pieds et il grimace de nouveau.
«-Ah non ! Il ne faut pas bouger !»
A l'orphelinat, je m'occupais des bleus des plus petits. Aucun ne restaient tranquille, plusieurs fois il fallait leurs répéter que plus ils bougeaient, plus s'était long et plus s'était douloureux.
Jack en revanche reste tranquille et ne me quitte pas des yeux.
«-Désolé,» je marmonne.
Jake se contente de hausser les épaules.
Une fois fini je regarde son bleu. Il n'est pas beau, même avec la crème, il va avoir une joue douloureuse pendant une petite semaine, et malheureusement, il ne va pas pouvoir cacher son bleu. Je grimace et repose le paquet froid sur sa joue.
«-Il faudra mettre de la crème au moins deux fois par jour.
-Sa t'arrives souvent ?»
J'étais parti chercher ma tasse. Je me retourne et me raidis.
«-De quoi ?
-Frapper les gens.»
Jack lève les yeux au ciel et hausse un sourcil en attendant ma réponse.
«-Par surprise...oui.»
Je me retourne prends les tasses, lui donne la sienne et m'en vais.
Ma tasse chauffe mes mains. Je m'approche du coin informatique. Quatre exemplaires du dossier de Benoit Jatal sont posés sur la table. J'allume la lampe de bureau, saisis un dossier et m'assois par terre. Du coin de l' œil je vois Jack faire de même.
Je sirote mon chocolat et lis le dossier en même temps. Le tas de papiers est peu épais. Il y a une photo de Mr Jatal, quelques informations, telle que sa taille, se profession, son adresse... en revanche aucune indication sur ses passe-temps et comment se passe ses journées, se qu'il fait, qui il voit... il y a également une liste de certains ennemis qu'il pourrait avoir. Autant dire que ce dossier est vide. Un ronflement léger me tire la tête des papiers. Jack s'est endormi. Son bleu a viré au marron.
Cette nuit, je me suis fait au moins quatre tasses de chocolat chaud, tout en cherchant des indices dans le dossier.
Vers l'aube, je le referme et me frotte les yeux. Je me lève, va dans la cuisine, lave ma tasse et la laisse sécher au niveau de l'évier.
«-Bonjour.»
Des bras s'enroulent autour de ma taille.
«-Bien dormis ? je répond.
-Alors lui, tu le frappes pas.»
Julien me lâche, je me mords la lèvre avant de me retourner et de faire face à Jack qui est appuyé contre le chambranle de la porte.
«-C'est toi ça ?»
Julien montre du doigt la joue du mécanicien et me regarde avec des yeux ronds.
«-Il m'a fait peur. J'ai...c'est partit tout seul.»
Je finis par hausser les épaules.
«-Aller, au boulot !»
Mr Pakio est en forme. Il frappe des mains, hausse la voix pour réveiller tout le monde et nous rejoint dans la cuisine, se qui coupe notre conversation. Une fois que Nick et Johanna nous retrouve dans la pièce Mr Pakio nous présente une nouvelle personne.
«-Voici Mathiew Ronald. Il travail au FBI depuis peu en tant qu'informaticien. Il va vous aidez.»
Mathiew sourit timidement mais Pakio ne lui laisse pas le temps de se présenter plus amplement.
«-Comme je l'ai déjà dis, Benoit Jatal a disparut depuis deux semaines et le FBI a échoué à le retrouver. De plus, le dossier est strictement vide.»
Mr Pakio ouvre le dossier et le laisse tomber sur la table.
«-Eh bien c'est partit. Retrouvons Benoit Jatal,»conclut-il.
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Fuite impossible
Teen Fiction« J'aime la vitesse. Le vent qui secoue la voiture, le bruit rassurant du moteur qui tourne à plein régime. C'est pour sa que j'ai participé à la course organisée cette nuit. Nous étions quatre et la victoire a été dure mais je pourrais acheter de n...