Chapitre 9

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Je regarde par la fenêtre et ferme les yeux. Je ne veux pas voir tout de suite la façon dont il me regarde changer. Après une forte inspiration je décide de tout lui raconter.

- J'ai vécu pendant six ans avec mes parents et mon frère. On avait un chien, un husky, il s'appelait Balzo, je soupir quand je me rends compte que je cherche à fuir le sujet principal. Un jour pendant l'hiver j'ai voulu apprendre à faire du skate et comme il neigeait dehors, j'ai essayé dans la maison. J'ai glissé de la planche en bois pour atterrir contre la table de la salle à manger. Mes parents sont partit à la pharmacie la plus proche avec mon frère au téléphone pour savoir comment j'allais. J'ai ... je mettais prise le bord de la table au niveau des poumons et j'avais du mal à respirer. J'allais mieux grâce aux conseils du pharmacien de garde, mais ils roulaient tout de même vite pour rentrer à la maison rapidement. Sauf que mes parents ne sont jamais revenus à la maison, un camion leur est rentrés dedans sur le chemin du retour. Aucuns des deux n'en ai sortit vivant. Ils n'avaient pas fait de testament, ils pensaient avoir la vie devant eux. Le foyer d'accueil a donc appelé toute la famille proche. Personne ne voulait de moi. Pour eux, c'était de ma faute si ils étaient morts. Julien a donc décidé de rester dans un orphelinat avec moi. On a été placé chez Marguerite. Les orphelins les plus vieux nous ont pris sous leur ailes. Ils ont changé nos noms, notre identité, tout. Et puis ils nous ont dit comment on payait notre loyer. Parce que là-bas, rien n'était gratuit. Marguerite faisait un espèce de trafique d'enfants. Des hommes et des femmes viennent chaque jours. Ils nous louaient pour quelques jours, certains nous demandaient de faire le ménages les courses, de s'occuper de leurs enfants. D'autres étaient des pédophiles. Avec Marguerite, ils avaient trouvé le parfait arrangement. Elle leur louait l'enfant qu'ils voulaient et en échange ils payaient le prix fort. Les garçons se retrouvaient généralement à faire les courses et à s'occuper des enfants. Les filles étaient généralement chez les hommes qui cherchaient une compagnie féminine pour une à deux semaine. Étant petits, on arrivaient à passer au travers des mailles du filet. C'est à partir de dix ans que l'orphelinat commençait à être un enfer. Avec Julien on s'est vite retrouvé les plus vieux. Ceux qui nous avaient accueillit sont partit dès leur majorité. Alors, on aidait les plus petits pour les devoirs, pour faire la cuisine, pour les lessives ... on accueillait aussi les nouveaux. Les anciens nous avaient appris le piratage, puis le vole ... . Quand les petits faisaient des bêtises, les plus vieux en faisaient des plus grosses. Marguerite adorait le lieux dans lequel ont vivait. Alors dès qu'un enfant cassait quelque chose ou faisait la moindre trace sur un mur, il se prenait une correction. Il y avait la ceinture, la privation de repas ou encore des nuits à la cave. A mes dix ans, Marguerite m'a loué au premier homme que chaque enfant rencontre avant de passé sur le marché des pédophiles. On l'appelait Le Premier, comme on avait jamais leur nom. C'était lui qui disait si on était des enfants destiné à faire de grandes choses ou à rester faire les courses. Je ne me suis jamais laissée faire. Sa maison était relativement grande, j'ai vite repéré les cachettes. Dès qu'il me laissais seule je partais. Il lui a fallut plus de trois mois. Un jour je me suis endormie. Il m'a attaché la cheville au pied de mon lit et il a attendu que je me réveille pour ...

J'ouvre les yeux pour échapper aux images du passé. Je me rends compte que nous sommes arrêtés sur le bas-côté. Je m'essuie les joues rapidement et sursaute quand Jack pose sa main sur ma cuisse.

- Pardon, je ne voulais pas ... , il commence en enlevant sa main.
- Ce n'est rien. J'ai encore du mal avec les contacts c'est tout.
- C'est le père d'Henry ? il demande après un petit moment.

- Non. Une fois qu'il a enlevé la virginité de l'enfant, on ne le voit plus, jusqu'au jour où quelqu'un d'autre à dix ans. Non, Henry, sont père c'est ... un médecin. Il ne venait pas souvent à l'orphelinat mais Marguerite avait plein de bonnes paroles pour le présenter. C'était l'homme qui lui donnait le plus d'argent pour une location d'une semaine. Je me souviens qu'il était entré dans le hall, Marguerite était parti se faire une beauté. Alors il a déambulé dans le hall et il est arrivé dans la cuisine. En l'absence de la directrice, j'avais proposé aux petits de faire des gâteaux. Quand il est arrivé, j'ai ordonné à tout le monde de monter dans les chambres et de fermer à clef, j'avais demandé à un ancien de faire des doubles pour que les petits puissent venir nous voir quand ils avaient un problème comme on nous enfermait la nuit. Il s'était installé sur une chaise et avait pris un gâteau, comme si il était chez lui. Je ne pouvais pas le laissé là, tout seul. Alors je suis restée, de l'autre côté du meuble. Je regardais la porte en priant pour que Marguerite rentre le plus tôt possible. Cet homme, il ... il me faisait peur. A aucun moment il ne m'a lâché du regard. Quand la propriétaire est rentrée, elle était tellement heureuse de le voir. J'ai voulu m'éclipser tout de suite après mais il m'a retenu. Il m'a ramené chez lui pour deux semaines. Comme il travaillait, il m'a laissé seule pendant une bonne partie de l'après-midi. J'ai passé en revu toutes mes options, tous les endroits où il ne me trouverait pas. Je ne suis pas rentrée à l'orphelinat pendant plus de quatre mois. Il m'avait inscrite au lycée et j'ai même eu le droit travailler. Au départ j'ai refusé et puis il m'a promis qu'il voulait m'aider, rien de plus. Alors j'ai accepté. J'étais heureuse là-bas, il ne me touchait pas, il était gentil et attentionné. Et puis un jour il est rentré du travail heureux, encore plus que d'habitude. Il m'a dit qu'il avait fait une découverte qui changerait le monde, il voulait le fêter avec moi. J'étais contente pour lui, sauf qu'il m'a amené dans une chambre, il m'a donné une dose de morphine, juste assez pour être conscient de ses actes tout en étant ailleurs. Ça a duré toute la nuit. Après se jour-là, j'ai passé mon temps à le fuir, je demandais à faire des heures supplémentaires au travail, je sortais en ville ... . Il a finit par se rendre compte de mon manège, alors il m'a fait démissionné, je ne sortais plus, et les cours se faisaient à domicile. Après cinq ou six mois chez lui, il m'a ramené à l'orphelinat. J'y suis restée quelques semaines, avant qu'il ne revienne pour demander à Marguerite de m'épouser, peut importait son prix. Elle a dit oui. Je suis restée plus d'un ans en temps que « femme », il n'y a jamais eu de mariage officiel, il savait très bien que je dirais non. J'ai finis par être enceinte. Dans la panique j'ai appelé Julien. Il a démarré au quart de tours et dans la fureur, il a appelé la police. On s'était mis d'accord, on devait attendre d'avoir les moyens de prendre un avocat compétant. On ne pouvait pas se permettre d'avoir un avocat commis d'office, bon à rien. Quand la police a débarqué dans sa grande maison, il n'a rien dit, rien fait. Il m'a regardé partir et monter dans la voiture de police avec Julien sans un seul geste pour me retenir. Il ne sait pas que j'ai eu un fils. C'est pour ça que je veux qu'Henry reste quelqu'un d'anonyme.

- Et lui, il sait qui est son père ?
- Non. Je lui ai dit qu'il se battait pour son pays, mais qu'il n'est jamais rentré parce qu'il est mort en héro.
- Chloé, je ...

Comme il ne finissait pas sa phrase, je tourne la tête vers lui et le voit avec le visage tourné vers la route, les poings serrés sur ses genoux. Je m'essuie les joues honteuse de pleurer.

- Personne ne devrait vivre comme ça.

Son ton de colère me fait ouvrir de grands yeux. Je pensais avoir le droit à de la tristesse, de la pitié, mais pas ...

- Tu es ... en colère ?
- Bien sûr que je suis en colère ! Ces hommes devrait avoir honte pour agir de la sorte. Obliger un enfant à ... ça me rends malade.

Incapable de parler je le laisse se calmer dans le silence. Il remet le contact et la voiture retourne sur la route sans un mot dans l'habitacle. De retour dans le hangar, je quitte la voiture à toute vitesse et me réfugie dans la chambre sans un mot pour personne.

- Chloé, tout va bien ?
- Sors d'ici, Julien. Je ne veux voir personne.
- Tu ...
- S'il te plaît.

Après un petit silence j'entends la porte se refermer. J'ouvre la fenêtre, sors sur le balcon et me laisse glisser sur le sol, la tête dans les mains. Jack ne m'adressera plus jamais la parole, il doit me prendre pour une chose fragile qui aurait dû se défendre mieux que ça. Concentrée sur mes pensées noirs, je ne sens pas la présence à côté de moi tout de suite.

- Je ne voulais pas rouvrir d'anciennes blessures.

Je tourne la tête brusquement pour me retrouver devant Jack, deux chocolats chauds dans les mains. Il me tend une tasse que je prends.

- Je ne sais pas quoi dire ou quoi faire, et ça m'énerve.
- Alors ne dit rien. Lorsque nous avons vu l'avocate qui s'occupe d'une association contre les violences faites aux enfants. Elle nous a sortit des phrases toutes faites. Comme quoi, elle était désolé, que personne ne mérite de vivre ce genre de chose et qu'elle nous promettait que chaque ordure qui nous avait touché finirait derrière les barreaux. J'aurais préféré qu'elle ne dis rien, qu'elle nous laisse tranquille.
- C'est finit aujourd'hui, n'est-ce pas ?
- Pas vraiment. Il reste des procès celui de Marguerite, Du Premier et Du Médecin en font partit.
- Tu ne sais pas comment il s'appelle ?
- Non. Je ne lui ai jamais demandé. Et je préfère ne pas donner de nom aux monstres.
- Où sont les autres ?
- Des familles d'accueils ont pris les plus jeunes. J'ai regardé le passé de chacune d'entre elles. Les parents nous laisse les voir quand on le souhaite. J'ai un contact permanent avec chacune d'elles. Les plus vieux, ceux qui étaient proche de la majorité vivent seuls dans tout le pays. Je garde un œil sur chacun d'entre eux. Personne ne s'est évanouit dans la nature sans laisser de trace.
- Ils ont réussit à avoir une vie presque normale ?
- Certains sont tombés dans la drogue, l'alcool. Mais pour la plupart on s'en sort plutôt bien. Je dirais que l'on a juste des passes-temps différents de la population normale.

On est resté sur le balcon toute la nuit. Il m'a parlé de sa famille et moi de chaque bon moment que j'ai avec les enfants, avec mon fils ou encore avec mes parents. Tard dans la nuit, nous rentrons à l'intérieur.

- Il est temps de dormir, je pense que demain sera une grosse journée
Je hoche la tête et Jack se dirige vers la porte.

- Jack attend.

Il se tourne simplement vers moi en fronçant les sourcils.

- Est-ce que tu pourrais ... j'aimerais ...
- Tu veux que je dorme ici ?
- Julien doit être couché. Et je dors mal toute seule alors ...

Pour seule réponse j'obtiens un hochement de la tête. Je me dirige vers la salle de bain pour changer de tee-shirt et quand je retourne dans la chambre, la lumière est éteinte. Je me glisse sous les draps en sentant la présence de l'asiatique à côté de moi.

- Bonne nuit Chloé.
- Bonne nuit Jack.

Fuite impossibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant