Nos Actes (Renaître)

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Samedi, 17 heures et 23 minutes

Père n'arrête pas de me demander où mon frère compte m'emmener. Je n'ai cessé de lui répondre que je l'ignore. Ce dernier fait sa sieste dans le salon, son gros chat sous le bras. Je déteste cette bête. Il a cette façon de me fixer, comme s'il voulait me dire que je ne suis pas à ma place ici! C'est fou, mais je crois que ce gros matou m'a dans le collimateur.

Mon frère a changé sa vieille carcasse pour une voiture en meilleure état. Celle-là ne pollue pas l'air à chaque vrombissement de moteur ni ne tombe en panne après chaque une heure de course. Oui, celle-là est bien en meilleure état!

Quand je monte la voiture, mon frère est en train d'écouter cupid de Otis Redding. Je savais que le mec avait bon goût en matière de musique, mais de là à penser qu'il connaîtrait l'un de mes chanteurs de soul préférés, je lui retire mon chapeau. Et pour info, je ne suis pas en train de me vanter, mais j'ai fait d'énormes améliorations en matière de musique depuis que je me suis mis à fréquenter Althéa.

« Où m'emmènes-tu ? »

Mon frère souffle un peu, et me dit :

« Pas trop loin de chez toi... Je voulais te montrer cet endroit depuis quelques temps, mais l'occasion ne s'était pas encore présentée.

« Il y a quoi là-bas ? »

Je suis un peu impatient. Mon frère me répond tout en souriant :

« Calme toi Sanon, nous y serons dans quelques minutes ! »

Je ne dis plus rien. Mon frère semble être aux anges. On roule encore une quinzaine de minutes pendant lesquelles la radio de mon frère joue plusieurs chansons de Jazz. Au bout d'un instant, il me dit :

« Nous sommes arrivés mon vieux. »

Je jette un regard circulaire à l'endroit. Les maisons sont en mauvaise état. Les unes plus délabrées que les autres. Je frémis. On peut facilement deviner qu'ici, les gens vivent dans la misère. Quatre jeunes hommes s'adonnent à une partie de domino. Me tournant vers mon frère, je dis :

« Je ne suis jamais venu ici ! »

Je n'arrive pas à croire, qu'à une quinzaine de minutes de chez moi, qu'il y ait des gens qui vivent dans de telles conditions. Mon frère me répond :

« Qui t'y aurait emmené, Sanon ? »

Mon frère descend de la voiture. J'hésite à suivre son geste et je continue à scruter du regard les lieux. Je remarque une église protestante placée en face d'un Peristil. Fait intéressant, ce n'est pas tous les jours qu'on voit une chose pareille.

« Descends donc de la voiture, Sanon ! »

J'exécute son ordre tel un automate. À peine ai-je fermé la portière de la voiture que mon frère emprunte déjà une ruelle. Je cours pour arriver à sa hauteur. Des cris et gloussements attirent mon attention. Mon frère brise le silence :

« Cela va faire plus de treize ans depuis que je viens ici. »

Nous nous arrêtons devant une maison avec une grande clôture. Sous la portière, on peut voir en grandes lettres l'écriteau suivant : NOS ACTES. Le gardien s'empresse de saluer mon frère. Il est facile de déduire que ce dernier est un habitué des lieux. Je reste collé à ses talons. Au bout d'un instant, il se tourne vers moi et me sourit, comme pour me rassurer que je n'ai rien à craindre.

Une centaine d'enfants sont éparpillés dans la très grande cour de ce qui semble être le local d'une organisation de bienfaisance. Jouant à tous sortes de jeux, ils me donnent l'aspect, je dois l'avouer, de passer un très bon moment. Par moments, un tuteur rappelle à l'ordre ceux qui s'amusent à torturer les plus petits. Je remarque qu'il y a dans cette grande foule des enfants en situation de handicap, ils sont presqu'une dizaine. Je me tourne à nouveau vers mon grand frère, il est en pleine conversation avec un homme, surement l'un des responsables du lieu.

Sanon IVOù les histoires vivent. Découvrez maintenant