Samedi, neuf heures et vingt-six minutes
« Tu es certaine que c’est ce que tu veux vraiment ? »
« Non… Enfin, oui… »
« Il va falloir te décider maintenant Théa, nous y sommes presque… On ne pourra plus faire marche arrière ensuite. »
« Je sais… »
« Si tu veux, on arrête tout, chérie. C’est ce que tu veux ? »
« Je veux qu’on le fasse ensemble, Sanon. Ensemble… »
À mes côtés dans le taxi qui nous mène chez Florentine, Althéa est toute tremblotante. J’essaie de la rassurer, mais je vois qu’elle a peur. Je me demande pourquoi a-t-elle voulu voir Florentine et pourquoi moi j’ai accepté de l’y emmener. Peut-être à un certain moment me suis-je dit qu’elle ressentait un quelconque remords pour ses séances de jalousie à l’égard de Florentine et moi et qu’elle souhaite en quelque sorte s’excuser. Je dis bien peut-être, on ne sait jamais ce qui se passe réellement dans la tête d’une fille !
Le taxi nous dépose non loin de la demeure de Florentine. Nous continuons à pied. J’ai annoncé notre venue à Florentine hier en rentrant de l’école, elle a accepté sans aucune hésitation dans sa voix patraque, m’annonçant que pour elle ce serait une joie de pouvoir enfin converser avec l’élue de mon cœur. Ca m’a fait sourire, un peu…
Althéa me prend la main à mesure qu’on s’approche de la maison. La tante de Florentine vient nous offrir. Son visage arbore ce même sourire mêlé à une tristesse indicible. Je puis la comprendre. Cette bonne femme a dû prendre congé dans son travail pour s’occuper de sa nièce malade. Elle prend beaucoup sur elle pour ne pas flancher, et je peux constater cela, tellement elle parait épuisée et malade.
« Floflo est dans le salon, ce matin, elle est de très bonne humeur ! »
Althéa et moi recevons cette nouvelle avec joie. Elle nous mène jusqu’à l’embrasure du salon et prend congé de nous. Florentine est en pleine session d’un dessin animé, family guy. Je la vois sourire, et ça, ça me fait terriblement plaisir.
« Florentine, je t’ai amené quelqu’un ! »
Elle se retourne vers nous et nous fait son plus beau sourire. Elle ouvre grand les bras et fait signe à Althéa de venir la rejoindre. Ma chérie s’approche vers et lui fait un câlin, tout en faisant tout son possible pour ne pas trop la presser.
Elle a beaucoup maigri. J’ai de la peine à chaque fois que je la fois. Une seule chose pourtant est resté intacte : sa manière à elle de témoigner de l’affection envers les gens.
« Vous êtes définitivement en retard ! Je vous espérais beaucoup tôt hein ! »
Althéa s’assoit en face de Florentine et moi, je reste debout. J’avoue ne pas trop savoir où et comment me tenir. D’un côté, j’ai peur d’être trop affectueux avec Florentine et du coup gêner Althéa et de l’autre côté, j’ai peur d’être trop distant envers mon amie, ce qui serait encore plus suspect. Je préfère donc jouer le mec évasif, cool, ne restant jamais en place et bien trop serviable pour l’occasion.
Au bout d’un instant, j’entends Florentine dire à Althéa :
« Je suis vraiment contente que Sanon t’ait amené ici… »
Althéa s’éclaircit la gorge, puis dit :
« En fait, c’est moi qui lui ai fait la requête. »
Florentine jette un regard incompris vers ma position puis se retourne rapidement vers Althéa. Elle bredouille :
« Mer…Merci alors. »
Althéa ne dit rien. Un silence gênant finit par s’installer entre nous. Au bout d’une minute qui finit par sembler une éternité, Florentine dit :
« Sanon est le seul ami que j’ai eu de toute mon existence, tu sais… Il a été là pour moi pendant tellement de fois au cours de ces derniers mois que je ne saurais jamais comment le remercier correctement. C’est un type bien que tu as là »
Althéa se retourne vers moi, un sourire au coin des lèvres. Je sens une vague de timidité me gagner et je baisse la tête. J’entends Althéa lui répondre :
« Oui, c’est certain… »
Se retournant vers moi, Florentine me fait signe de venir m’assoir près d’elle sur le canapé :
« Hé, Sanon ! ce n’est pas parce que ta copine est là que tu vas faire ton timide ! viens, ne reste pas si loin de moi ! »
Nous rions tous les trois, et je pars m’installer près d’elle, devant le regard indescriptible de Théa !
***
Samedi, onze heures
« Comment vous-êtes-vous rencontrés ? »
La question de Florentine nous prend de court. Les trois, perdus dans l’assemblage d’un gigantesque jeu de puzzle n’avons pas vu le temps passer. Althéa me regarde bizarrement et moi, je fais de même, ignorant qui de nous deux finira par répondre à la question posée par notre hôte. Souriant bêtement, je finis par dire :
« C’est une longue histoire. »
« Hum, tu sais que j’aime les longues histoires Sanon ! »
Florentine a toujours ce sens de l’humour à toute épreuve. Je m’apprête à lui répondre quand Althéa prend la parole :
« Eh bien, j’étais la copine de son meilleur ami… (Elle fait exprès de s’attarder sur le mot meilleur) quand on s’est rencontrés. Sanon a été comme mon sauveur en de jours noirs… »
Je souris bêtement. Althéa se met alors à raconter plein de trucs, à donner plein de détails. C’est fou comme les filles peuvent se remémorer de pleins de trucs qui peuvent paraitre banal à nous les garcons. À l’entendre, j’ai comme l’impression qu’elle a gardé intacte les souvenirs de notre première rencontre, notre première vraie discussion jusqu’à l’instant présent et ca me rend heureux, terriblement heureux.
Au bout d’un instant, elle finit par dire :
« C’est parfois quelqu’un que je ne comprends pas, mais je l’aime tellement… »
Florentine nous dévisage avec de la joie dans les yeux. Elle finit par dire :
« Vous ne savez pas comment je suis contente pour vous. Vous possédez ce que la plupart des gens passent leurs vies à chercher un peu partout. Vous avez l’amour et c’est la plus belle chose au monde qui soit. Vous savez que vous pouvez compter l’un sur l’autre et c’est la plus parfaite des certitudes ici-bas… »
Elle se tait un instant, son regard se perdant dans le vide. J’ai trop vu ce regard pour savoir qu’elle s’apprête à basculer dans le chagrin et une méchante mélancolie…
« Vous avez à portée de main ce que moi je n’aurai jamais. Je quitterai ce monde avec le regret de n’avoir jamais été réellement aimé… Alors, je vous en prie, ne brisez pas ce que vous avez ! »
Elle se mit alors à pleurer, doucement. Althéa s’approche d’elle et la prend dans ses bras. Je regarde la scène avec compassion. Je ne sais quoi faire, je ne sais quoi dire.
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Sanon IV
Short Story«Tu sais ce qui a de pire dans tout ça, Sanon? C'est que personne ne peut me dire comment c'est la mort...» Je me demande comment elle fait pour garder son humour dans une pareille situation. Je ne dis rien, je continue à lui tenir la main. «Je t'a...