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Mercredi, neuf heures

Hier soir, j’ai laissé pleins de messages à Victor. C’est assez bizarre ce revirement de situations. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai comme l’impression qu’il ne va rien tenter contre moi. J’espère que j’ai raison en tout cas...

À mon réveil ce matin, je n’ai eu pour réponse de sa part qu’un simple : va te faire foutre Sanon ! Je garde pourtant espoir. Ça pourrait être bien pire après tout.

Lorsqu’il m’a croisé ce matin dans le couloir menant à notre salle de classe, il a fait semblant de m’ignorer. Devant son air rembruni et sa mine froncée, je n’ai pas daigné l’appeler. J’essaierai autre chose plus tard.

Les élèves ne parlent que de la fête qui avance à grand pas. La classe est un véritable vacarme. Il parait qu’un concours vient d’être lancé : celui et celle qui sera le mieux sapé à la fête de fin d’année. Je ne comprendrai jamais les jeunes de ma génération.

La vibration de mon portable me fait sursauter malgré moi. À mes côtés, mon compagnon de banc me lance un regard haineux. Je m’excuse silencieusement et je sors discrètement le portable de ma poche. Le message est de Victor. Je m’empresse de le lire :

« Tu veux parler ? Alors parlons ! »

Je jette un regard vers sa direction. Il a les yeux rivés sur le tableau, comme si de rien était. Je lui réponds :

« D’accord, je te donne rendez-vous à la grande récréation, à la cafeteria... »

Quelques secondes après, je reçois sa réponse :

« Non ! Je risquerai de te frapper... Si tu savais comme j’ai envie de t’amocher ton visage déjà mal construit... Dis ce que tu as à dire là maintenant ! »

Je ressens une vague de chaleur me parcourir tout le corps. Je ne sais quoi lui dire. Pourtant, je suis tout comme lui dans cette histoire une victime. Trois minutes après, je finis par lui dire :

« D’accord, je vais te dire ce que j’ai sur le cœur ! »

Et j’enchaine rapidement !

« Tu as été pendant ces dernières années l’une des personnes qui m’ont causée le plus de tort dans ma vie. Harcèlements, coups, blessures, intimidations, maltraitances morales... Tu as tout fait pour me pourrir mes années en secondaire. Et j’ai toléré tout ça, parce que j’avais peur de toi et parce qu’un jour j’espérais avoir le courage de me battre contre toi... »

Le regard du professeur vers ma direction me force à m’arrêter d’écrire. Cette fois, le regard de Victor trahit son impatience. Ce n’est que cinq minutes plus tard que je parviens à finir mon message :

« Sais-tu ce que ça fait d’être la risée de tout le monde ? Je suppose que tu peux répondre par oui à cette question à présent. Connais-tu ce sentiment d’infériorité ? La faiblesse qui te hante, l’impression d’avoir le monde en face de toi et de ne pouvoir lever le petit doigt... voilà ce que je ressentais à chaque fois que tu me forçais à rester dans mon coin et à me terrer. Voilà pourquoi j’ai fait ce que j’ai fait... »

***

Mercredi, neuf heures et quarante-cinq minutes

« Tu sais ce que je pense, Sanon ? C’est que tu n’as agi que par jalousie... Tu as toujours été jaloux de ma popularité et ça t’est monté à la tête. Tu as donc tout fait pour m’anéantir. Tu as réussi à le faire d’ailleurs. Et je t’en félicite. Alors, dis-moi petit génie, qui de nous deux est le véritable monstre ? »

En lisant ces mots, je sens monter en moi un élan de mépris. Pense-t-il réellement ce qu’il dit ou s’obstine-t-il à se voiler la face ? Je lui réponds en un temps record :

« Si c’est ainsi que tu vois les choses, alors tu n’as toujours pas muri, et tu es resté sans l’ombre d’un doute ce petit imbécile immature s’amusant à montrer ses pectoraux pour fasciner les petites filles du primaire ! »

La lecture de ce message semble réellement l’énerver. Heureusement qu’il est à l’autre bout de la salle, sinon ça aurait été tragique pour moi. Je poursuis en l’écrivant ceci :

« Je n’ai jamais rien demandé Victor. Ta popularité, ta gloire, ta renommée... Rien de cela ne m’a jamais intéressé. Je suis comme je suis, avec tous mes défauts corporels et crois-moi, c’est grâce à toi que j’ai eu l’impression d’être un rejet, une sale chose ne valant rien... Excuse-moi d’être si dur avec toi, mais ne me blâme surtout pas de ne pas avoir eu l’étoffe pour endurer ce que moi j’ai enduré pendant toutes ses années. »

Suis-je un peu méchant en ce moment ? Peut-être. Je n’ai pourtant pas en tête de le faire souffrir. Je veux cependant qu’il sache à quel point lui aussi il m’a blessé de par son attitude. J’attends son message qui tarde à venir. Entretemps, j’en reçois un venant de Althéa. Je le lis assez rapidement :

« Hey mon chéri... J’ai longuement réfléchi à notre conversation d’hier soir et ce que je vais te demander va te paraitre un peu bizarre... Alors voilà, je souhaiterais rencontrer Florentine, c’est important pour moi... je voudrais lui parler un peu... J’espère que ça ne va pas te déranger... J’attends ta réponse... »

Je ne sais quoi lui répondre. Ce n’est surtout pas le moment. Je me promets de lui faire une réponse un peu plus tard dans la journée.

Alors que je m’apprête à replacer le téléphone dans ma poche, je reçois un autre message de Victor. Cette fois, mon cœur bat la chamade !

« C’est décidé, on se voit à midi ! »

Sanon IVOù les histoires vivent. Découvrez maintenant