Excuses?

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Mercredi, midi et douze minutes

Je ne m’étais jamais rendu compte à quel point Victor était si immense! Debout à mes côtés à plusieurs mètres du terrain de football, le mec me fout la trouille avec son air de soldat prêt pour la guerre. Ca fait plusieurs minutes depuis qu’un gênant s’est installé entre nous. Je n’ai qu’une idée en tête, m’en aller. Mais je ne sais quelle serait sa réaction. Et je dois avouer que Victor n’est pas connu pour être le plus des prévisibles.

Au bout d’un instant il s’assoit sur le gazon, je le suis dans son geste. Les garçons commencent déjà à regagner le terrain de football, ballon en mains. Je jette un regard à Victor, il me parait nostalgique. Je finis par lui demander :

« Tout ça te manque ? »

Baissant la tête, il profite pour lacer ses chaussures, puis il me répond sous un ton assez vague :

« Peut-être… »

Sa réponse confirme mes doutes. Victor était celui qui jadis illuminait de par son talent le terrain de football. Il était aujourd’hui tombé dans l’oubli, remplacé par ses rivaux et compétiteurs. Il avait bâti sa popularité sur son talent. Avoir abandonné l’équipe de football après le drame des élections avait fini par ternir l’image du personnage encore plus dans l’esprit des gens.

« Tu avais raison… »

Me retournant vers sa position, je lui demande à quoi il tente de faire allusion.

« À propos de tout… J’admets que j’ai été celui à déclencher cet orage qui a fini par s’abattre sur moi. »

Je me retiens pour ne pas lui dire que je savais dès le départ avoir raison. Je finis par lui demander 

« Tu comptes faire quoi ? »

« Beaucoup de chose, mais sois en certain, je ne vais pas te présenter mes excuses ! »

Je finis par rire assez violemment. Je lui réponds sous un ton moqueur :

« Au moins cela nous épargne d’une séance mortelle d’hypocrisie, Victor ! »

Il finit par rire lui aussi. Au bout d’un instant, il me dit :

« Mais je dois toutefois te dire un truc… »

« Je t’écoute… »

Il prend un air grave, puis déclare : 

« Je n’ai jamais eu de relations avec de fille faisant la huitième fondamentale ! »

Je pouffe de rire à nouveau devant le regard sidéré de Victor. Au bout d’un instant alors que je tente par tous les moyens de reprendre mon souffle, je lui dis :

« Mais je sais Victor ! Je le sais mon vieux ! »

Reprenant mon sérieux, je lui pose la question suivante :

« Pourquoi tu t’es toujours autant acharné contre moi ? »

Il ne dit rien pendant plusieurs secondes, puis, s’éclaircissant la gorge, il me répondit :

« Je ne sais pas. Peut-être c’était moi le problème après tout. J’ai pendant longtemps retenu en moi une colère qui me portait à faire du mal aux gens… Je t’ai haï aussitôt que je t’ai vu… Je sais, ça doit te paraitre bizarre… Mais sur ce lit d’hôpital, je me suis promis de ne plus être cet être violent et méprisable… Je crois sincèrement que mes démons ont fini par quitter mon esprit… »

Je ne dis rien. Mais je certain qu’il sait que j’ai compris ce qu’il vient d’avouer. Entre adolescents, il est plutôt facile de se comprendre certaines fois. Le silence finit par s’installer à nouveau entre nous. Deux minutes plus tard, ce fut lui cette fois qui brisa la glace :

« On continuera comme avant à travailler sur la fête, Sanon ? »

Cette question me soulagea vivement, je m’empressai de lui répondre :

« Si et seulement si tu le souhaites, Victor ! »


   

Sanon IVOù les histoires vivent. Découvrez maintenant