LadyS_Ayiti HollyLaJoviale
Dimanche, seize heures et douze minutes.Mon frère est passé nous voir avec toute sa famille. Laura, ma nièce m'a apporté des sucreries. J'ai souri. Cette petite a grand cœur. Je dois penser à lui rendre la pareille un de ces jours.
Mon frère n'a pas cessé de me regarder de façon bizarre tout le long du diner. Je n'ai pas su maintenir le contact visuel avec lui, tellement il m'intimidait. J'ai donc utilisé mon téléphone comme échappatoire à mon moment de gêne. Je n'ai jamais su pourquoi les gens utilisaient leurs téléphones quand il fallait se sortir d'un pétrin ou tout simplement cacher leurs embarras. C'est très pratique en effet, faire semblant d'être occupé à autre chose, rien que pour ne pas affronter la réalité.
Après le diner, il m'a suivi jusqu'à ma chambre. C'est l'impression que j'ai eu, qu'il m'a suivi ! Je me suis laissé choir sur le lit et lui, il est resté adossé au mur, les bras croisés, n'arrêtant surtout pas de me fixer.
« Tout va bien? »
Ma question est la preuve que je suis sur la défensive. Mon frère me sourit, et me répond :
« Hum... Hum. Je vais très bien petit frère. Merci de demander. Dis... Pour un mec comme toi, ta chambre est plutôt bien rangée. »
« Un mec comme moi ? Tu entends quoi par un mec comme moi ? »
Mon frère reste dans sa même posture, et, tout en jetant un coup d'œil évasif sur ma table de travail, dit :
« Ah, mais tu comprends bien ce que je veux dire. Maladroit, ne se souciant pas trop des taches qu'on lui confie. Un peu dangereux quand il le souhaite. (Me fixant cette fois, il dit sous un ton moqueur :) Je peux continuer si tu veux petit frère, j'ai encore plus de qualificatifs pour te désigner ! »
Je souris. Mais je ne dis rien. Il poursuit :
« Tu as quelque chose de changé en toi, Sanon... »
Je relève la tête. Je suis un peu surpris par son aveu. Je m'empresse de lui demander :
« Comment ça ? Qu'est ce qui te fait dire ça ? »
« Si je le savais frère, je te le dirais là maintenant... Je ne sais pas, mais j'ai comme l'impression que tu as mûri depuis un certain temps. Corrige-moi si je me trompe, mais je pense que tu es apte à affronter la vie. »
Je secoue lentement la tête. J'essaie d'assimiler les propos de mon frère. Je me pose intérieurement la question : suis-je apte à affronter la vie ? Je ne sais pas trop. Il y a bien des choses que j'ignore, bien de choses que je dois maitriser.
« Je ne sais pas quoi répondre à tout ça. »
Il me sourit. Cette fois son sourire est bien plus sincère. J'ai l'impression que mon frère restera à jamais pour moi un mystère. Il peut être froid un moment et l'instant d'après accueillant et chaleureux pour ensuite revenir impénétrable. Je crois que ça fait partie de son charme et ce pourquoi j'ai toujours envie de lui ressembler en certains points.
« Tu sais, c'est pas grave. Très bientôt tu auras à faire des choix, alors tu penseras à cette conversation qu'on vient tout juste d'avoir. Mon frère, tout ne sera pas toujours aussi rose pour toi. Tu es jeune, à l'avenir de vrais dilemmes se présenteront à toi. Ta maturité et ton sens du jugement seuls pourront t'aider dans ces moments-là.
J'hoche la tête pour lui faire comprendre que j'ai compris où il voulait en venir. Mais c'est faux. Mon frère a toutefois raison sur un point essentiel : l'avenir. On ne sait jamais ce qu'il adviendra de nous et de la personne que l'on tente de devenir.
S'avançant près de ma table de travail, il s'empare de l'un de mes cahiers. Il l'ouvre et se met à le scruter minutieusement. C'est mon cahier de poésie ! Je me lève d'un bond et tente de l'extirper de ses mains. Il ne me laisse pas faire et continue à lire mes poèmes.
« Arrête ! Dépose ca frérot. Ces trucs sont personnels !
Il fait semblant de ne pas m'écouter. Au bout d'un moment, je renonce à tenter de lui prendre le cahier des mains et vais me poster près de la porte, comme si je tenais à l'empêcher à tout prix de sortir avec le cahier dans la pièce.
« Hum... Intéressant... »
C'est la première fois que quelqu'un envahisse de la sorte mon espace privé. Certes, il y a eu Christian et sa propension à fourrer son nez dans mes affaires. Mais depuis qu'entre moi et ce dernier il n'y a plus de liens, personne ne rentre dans ma chambre, pas même mes parents. Et voilà que mon grand frère est sur mon territoire, mon cahier le plus précieux entre ses mains. Je l'avoue, je ne sais où me mettre.
Lorsqu'il me tend le cahier, je m'empresse de l'attraper. Je le colle à ma poitrine, comme si j'eus voulu le protéger de dangers. Je regarde mon frère de façon étrange. Ses lèvres trahissent un sourire béat. Il finit par me dire :
« Tu as déjà pensé à éditer ces poèmes ? »
Je continue à garder le cahier collé à ma poitrine. Quand je réponds à mon frère, j'ai la voix qui tremblote.
« Si... si ! Mais je ne pense pas que j'ai le talent adéquat pour cela. »
« Dis pas ça, vieux ! Je ne suis certes pas le meilleur critique en matière de littérature, mais ce que j viens de lire, là, c'est issu d'un esprit extrêmement talentueux. »
Je baisse la tête, un peu pris en déroute par les compliments de mon frère. Il ne tarde pas à renchérir :
« Penses-y fortement. Et sache le, je serai toujours là pour te supporter dans tes aventures... Bon, je crois qu'il est l'heure pour moi de quitter cette maison. Laura a classe demain et il faut que je la fasse réciter ses leçons ! »
Mon frère me fait une accolade. Je dois avouer que je ne fais pas souvent des accolades. Je n'ai pas trop d'amis. En fait, je n'ai pas d'amis. Son étreinte me fait du bien. J'ai la garantie que je peux compter sur cet homme et qu'il saura m'apprendre des choses. Au moment de quitter ma chambre, je murmure :
« Merci... »
Il se retourne et me sourit.
« Tout le plaisir est pour moi ! Oh, j'oubliais... Samedi prochain, tu dois m'accompagner quelque part. Je te ferai part des informations par sms. Au revoir, frérot !
VOUS LISEZ
Sanon IV
Historia Corta«Tu sais ce qui a de pire dans tout ça, Sanon? C'est que personne ne peut me dire comment c'est la mort...» Je me demande comment elle fait pour garder son humour dans une pareille situation. Je ne dis rien, je continue à lui tenir la main. «Je t'a...