Non merci!

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Mercredi,  douze heures et cinquante minutes

Je pense l'espace d'un instant à courir. Ce ne serait pas si lâche que ça après tout ! L’un de mes pires cauchemars est assis à mes côtés et me parait si gentil que j’ai bien envie de lui faire la conversation. C’est bizarre, je sais… Ne recevant pour réponse qu’un long silence, il poursuit :

« Je peux te parler un instant ? »

J’ouvre de grands yeux. Je ne peux m’empêcher de penser aux quatre dernières années tout au long desquelles ce mec m’a terrorisé à la fois dans les salles de classe et dans la cour de récréation. Et le voilà, converti en doux mouton et qui de surcroit se trouve à quelques centimètres de moi. Je lui réponds, l’air méfiant :

« Que me veux-tu ? »

Il respire un grand coup. J’ai comme l’impression que le mec est en train d’avaler sa fierté pour me parler. J’ai envie de rire tellement la scène me parait comique.

« Je voulais t’apporter mon aide… »

À quoi ce dernier fait-il allusion ? En quoi pourrais-je bien avoir besoin de son aide ? Je lui demande de s’expliquer, ce qu’il s’empresse de faire :

« Je veux t’aider à préparer la soirée de la promo. J’ai oui dire que le président t’avait confié cette tâche. Et vu que je m’y connais un peu dans ces trucs, ca serait bien si on bossait ensemble dessus… »

Je ne dis rien. Il me faut du temps pour digérer tout ce que je viens d’entendre. Je peux le voir à mes côtés, la mine anxieuse. Face à mon silence, il me dit :

« Tu te demandes pourquoi je viens te demander pareille chose certainement… C’est juste que, j’en ai marre… »

Il ne finit pas sa phrase. Je lui demande de continuer :

« Tu as marre de quoi ? »

« Marre d’être la risée des autres. Marre de rester dans mon coin parce que je me dis que ces derniers qui se disaient être mes amis ont été les premiers à se moquer de moi lors de l’incident… Je souhaiterais juste qu’on ne se souvienne pas de moi comme ça. Tu comprends ? »

Je le comprends parfaitement. Ce qu’il vient de me dire m’a réellement touché. Mais Victor ne s’en sortira pas ainsi, pas si facilement. Je lui dis :

« Ainsi, tu veux te refaire un nom. Regagner ta popularité, c’est de ca dont il est question ? »

J’ai comme l’impression d’être seul, face à l’une des pires personnes dont j’ai eu la malchance de croiser dans ma vie. Les bruits assourdissants autour de moi disparaissent, je ne vois et n’entends que lui, Victor, mon bourreau, le sujet de mes peurs. Victor m’a tellement frappé, tellement humilié, je n’ose m’imaginer à ses côtés, travaillant ensemble sur quoi que ce soit.

« La popularité m’importe peu, Sanon… »

« Et pourtant, je suis terriblement certain que dans ton cas, c’est exactement de quoi il est question ! »

La sonnerie annonce la fin de la récréation. Je me redresse, Victor en fait de même, Le regardant droit dans les yeux, je lui dis :

« Non merci, Victor. Je crois que je me passerais volontiers de tes services. Une autre fois, j’espère ! »

                         ***

Mercredi, vingt et une heure et trois minutes

« Je suis certaine que tu apprécieras ce récital… Samedi Sanon, et tu dois être à l’heure. La dernière fois, tu étais tellement en retard !

Voilà déjà une dizaine de minutes depuis que je suis au téléphone avec Althéa. Elle n’a cessé de me parler de son récital qui aura lieu ce samedi. Au cours de ces derniers mois, je ne peux compter le nombre de récital auquel j’ai assisté. C’est toujours un immense plaisir pour moi de la voir jouer. Elle a un immense talent, pour mon plus grand bonheur.

« D’accord mon amour, je serai là à l’heure cette fois ! »

« Et je veux que tu sois le premier à voir la robe que je porterais pour l’occasion ! »

Je souris. J’aime entendre parler Althéa. Tout en cette fille m’intéresse. Son charme m’intrigue, sa façon de me réprimander quand je fais un truc à l’envers et sa capacité à me booster quand j’ai le moral au plus bas me portent à l’aimer un peu plus chaque jour. Au bout d’un instant, elle me demande :

«  Et tu as mangé ? »

Je lui mens en lui disant que j’ai mangé. Au fait, je n’ai pas touché à mon assiette. Je ne vois pas comment je pourrais dire à ma copine que je n’arrive pas à avoir les idées claires à cause d’une autre fille. Tout cela sonne dangereux dans ma tête. Déjà qu’elle connait cette dite fille et qu’elle l’a en horreur depuis ce qui s’était passé à la Cultur’Act.

Après plusieurs minutes passées à discuter de différents trucs, je lui dis :

« En fait, on m’a confié une tache assez inhabituelle aujourd’hui. Dis, tu t’y connais en thème de soirée ? »

Sanon IVOù les histoires vivent. Découvrez maintenant