Je ne sais plus combien de journées, d'heures sont passées depuis son départ... Trop longtemps sûrement. Pourtant ce sentiment d'une vie à la fois longue et courte ne me quitte pas.
Trop longue car sans ma fille, comment vivre ? Comment passer à autre chose sans regretter de n'avoir rien fait pour la garder ?
Trop courte... Oui. Je repense à Victoria... Mon deuil se fait lentement mais surement. Il ne pourra se façonner que lors de nos adieux, les derniers. La dernière fois que je pourrai lui parler sans qu'un monticule de terre ne nous sépare.
Je ne sais pour quelle raison mystérieuse madame Gonzalez s'est chargée de tout cela. Je n'y vois aucunes réponses plausibles et cohérentes.
Les jours défilent et je trouve cette femme de plus en plus surprenante. Elle n'est pas mystérieuse, non, elle ne cache rien, enfin je crois... Étonnement elle se comporte comme la mère que je n'ai jamais eue. L'impression d'être privilégié par rapport aux autres patients me met mal à l'aise... Je ne peux vous décrire ce sentiment mais il n'y a rien de sain à cela.
Pourquoi s'occuper de l'enterrement d'une personne qu'elle ne connaissait qu'à peine ?
Son comportement avec la petite est lui aussi des plus étranges... Vous ne trouverez aucun médecin, psychologues... être aussi proche de leurs patients et de leurs progénitures.
Durant mon enfance, je n'ai connu qu'une seule et unique mère. Une mère qui a su me consoler, me guérir, et surtout prendre soin de moi. Elle ne mettait jamais longtemps à comprendre lorsque quelque chose n'allait pas...
Cette femme n'était pas réellement ma mère, du moins dans les faits... Mais dans les actes elle m'a apporté tout ce qu'une « vraie » mère aurait pu m'apporter.
Il y a bon nombre de parents prêts à tout pour leurs enfants. Bien sûr j'en connais, par dizaine voir par centaine qui essaient de l'être, mais qui ne comprennent pas et ne comprendront jamais leurs enfants... Il y aura toujours cette distance, cette barrière générationnelle entre eux.
Lorsque je dis que je ne connais pas énormément de parents qui sont prêts à tout pour leurs enfants, je ne parle en fait pas de la part sentimentale. Je sais pertinemment qu'un parent aimera, et cela pour toujours, son enfant, ses enfants... C'est une évidence. Comment un Être humain pourrait-il ne pas aimer ce qu'il a créé ? Faire du mal et détruire, nous savons très bien faire... Pourtant, aimer est quelque chose que nous devons apprendre avec patience et obstination. Cela demande un apprentissage, certes, mais nous en sommes purement capable.
Ce jour, cette heure est enfin arrivée. Le moment des adieux, le moment auquel nous n'avions jamais réfléchit, oui, le moment de nous séparer.
L'inhumation de Victoria approche, les minutes se comptent à présent. Je redoute cet instant. Je vois défiler les rues sur ma droite et ma gauche. Aujourd'hui est un jour symbolique : c'est le premier jour où je réussis à quitter cet hôpital. Enfin, l'extérieur s'ouvre à moi et je m'ouvre à lui. Je ne dois pas m'en réjouir car je connais la raison pour laquelle je suis à l'extérieur.
C'est en étant enfermé quasiment tous les jours que l'on s'aperçoit à quel point notre liberté nous est chère. Rien que le fait de pouvoir se déplacer librement sans avoir toute une alerte de « code rouge » nous poursuivre est compliqué.
Je peux comparer cet hôpital à une prison, oui, je crois que le mot n'est ni trop fort, ni trop faible pour décrire ce lieu qui me donne de plus en plus souvent la nausée. La seule différence que j'arrive à voir avec une prison est des plus simples. Un prisonnier lorsqu'il entre en détention, sait pertinemment pour combien de temps il en a. Nous autres, patients de ce maudit hôpital, nous y entrons sans même le savoir.
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L'ombre de soi-même
Mystery / Thriller« On ne souffre jamais que du mal que nous font ceux qu'on aime. Le mal qui vient d'un ennemi ne compte pas. » Victor Hugo Que dire de cette citation ? Je...