Mes yeux se remplissent de larmes. Je ne sais pour quelle raison. Depuis le temps qu'elle nous a quitté j'aurais dû faire mon deuil... Vous ne croyez pas ? Seulement parfois, je me demande si elle est bien partie. Est-ce possible que je ressente sa présence et que cela influe sur mes émotions ?
Je m'éloigne surement... Mais lorsque je vis Victoria, ce fut tout d'abord Madame Y que je vis. Cela me rappela ses derniers moments, ou plutôt nos derniers moments ensemble.
Je ne me souviens que d'une seule de mes visites. J'habitais encore dans ma ville natale, cette petite bourgade du Sud-Ouest où il était si facilement possible de s'ennuyer. Je n'avais pas encore pris conscience que c'était la fin pour elle. Les discours que tenaient mon père et mon frère étaient sans équivoque « Mamie allait nous quitter. ». Cependant, jeune adolescent que j'étais, je m'accrochais à l'idée que si j'ignorais tout ça, la maladie allait elle aussi l'ignorer...
Très vite je compris que les choses ne fonctionnent pas comme ça. Je le regrette, car, avec un peu de recul et plus de maturité, je m'aperçois que je n'étais qu'un gamin qui ne voulait pas perdre son petit confort.
Quand je repense à cette visite... Je ne peux qu'avoir honte de moi. Aucun mot ne sortait de ma bouche... Je ne dis bien aucun, je n'osais pas. Ou avais-je trop peur ? Le corps affaiblit de Madame Y me faisait peine. D'une maigreur extrême, la mort reprenait son droit sur la vie sans en demander l'avis du détenteur. Après tout, lorsque la mort décide de mettre la main sur une vie qui peut l'arrêter ?
C'est dans l'ordre des choses. Mais comme pour toutes ces tragédies, on pense que cela n'arrive qu'aux autres. Malheureusement, un jour ou l'autre, nous sommes tous frappés par la grande faucheuse alors autant se familiariser avec elle... Elle deviendra le seul « être » que tout un chacun connaîtra de l'autre côté. Elle sera notre seule amie et notre seule confidente.
Tellement de sentiments passent par le regard. C'est impressionnant... Faites-vous attention au regard que portent les gens sur vous ? Moi, je n'y prêtais pas réellement attention, pas jusqu'à ce jour.
Je rendais visite, pour, il me semble, la dernière fois à Madame Y. Comme à mon habitude, je ne disais jamais rien. Les mains moites et des bouffées de chaleur envahissaient mon corps. Le stress ? Mais pourquoi devais-je être angoissé face à ma grand-mère ?
Une longue discussion s'était entamée entre elle et mon père, « Où travailles-tu ces temps-ci ? », « Pas de nouvelles de l'avocate ? ». Un rythme incessant de questions et de réponses. Une sorte de duel entre chevaliers. Un duel du dernier mot.
Je n'allais pas m'en plaindre. J'écoutais tranquillement, apprenant de nouvelles choses. Un grand nombre de personnes me reprochaient de ne rien dire, de ne pas me confier. En un sens ils n'avaient pas tort, j'aurai dû le faire mais je ne l'ai pas fait... Et pour cause, aujourd'hui j'en paie les conséquences.
Après chaque « duel du dernier mot », un silence planait dans la pièce. Le calme absolu. Je savais alors qu'à partir de ce moment-là, tous deux allaient essayer de me poser des questions plus ou moins pertinentes. C'est à ce moment précis que le regard de Madame Y se tourna vers moi.
Ce fut la première fois que je vis qu'elle attendait. Elle attendait que je prenne la parole, que je fasse la discussion. Mais il m'en était tout simplement impossible. Ce regard ne voulait dire qu'une seule et unique chose : « S'il te plaît, parle-moi. Ce sera sûrement la dernière fois... ». Je n'eus voulu écouter ce que son regard me disait.
Elle finit par comprendre que je ne ferais pas le premier pas. Alors des questions sur ma scolarité s'imposèrent, inévitablement. Des questions auxquelles je répondais par « oui » ou par « non ». Vous ne pouvez pas savoir à quel point je m'en veux.
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L'ombre de soi-même
Misterio / Suspenso« On ne souffre jamais que du mal que nous font ceux qu'on aime. Le mal qui vient d'un ennemi ne compte pas. » Victor Hugo Que dire de cette citation ? Je...