Chapitre 5

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Je me laisse traîner dehors, je ne proteste pas, je suis bien trop occupé à chercher de l'air par tous les moyens.

Cette boule dans ma gorge prend toute la place, elle se bloque entre les parois de manière à ne me laisser aucune chance de happer la moindre molécule d'air, et je dois m'accrocher de toute mes forces aux bras qui me soutiennent pour ne pas m'écrouler sur le sol.

Mes mains se crispent, moites, mon ventre est tordu comme un noeud qu'on ne peut pas démêler, la sueur perle sur mon front, mes jambes tremblent tellement que c'est à peine si je parviens à mettre un pied devant l'autre.

Je n'ai jamais été au plus mal, je ne suis jamais tombé aussi bas.

Même quand Céleste est morte, alors que là j'apprends qu'elle est vivante, c'est un paradoxe n'est ce pas ?

Je vois à peine la porte s'ouvrir devant moi, mais par contre je ressens pleinement l'air frais envahir mes poumons.

Je commence à happer l'air du soir à grandes goulées, et je m'écroule sur le perron, la tête entre les jambes.

Je reste figé dans cette posture, immobile, le regard fixé sur le béton, les yeux grands ouverts.

Je porte encore les mêmes habits depuis mon arrestation, on ne m'a même pas donné des vêtements de rechanges pour la pendaison.

Mon pantalon est déchiré, c'était un jean foncé, ma chemise blanche entrouverte n'est plus vraiment blanche, mes mains et mes bras sont sales, recouverts d'entailles à force de me débattre avec les gardes quand ils ont voulus m'enfermer dans les cellules hermétiques.

Je me souviens quand ils devaient m'escorter aux toilettes, je cherchais toujours un moyen de m'échapper, et je me battais jusqu'à tomber presque raide mort, je me battais toujours pour ma survie.

Je n'ai jamais cessé de me battre, jamais.

Etre né C, et ne pas accepter cette nature, je crois que c'est l'une des choses les plus dures à accepter.

Nous sommes catalogués, étiquetés, et rien ne pourra jamais changer cette image.

Je sais que j'ai décidé de m'y faire, et par conséquent peut être que cela veut dire que j'ai abandonné le combat ? Je ne sais pas je m'en fou je suis un C point barre, ça sert à rien de se dire "si j'avais été un B ou même un F tout aurait été différent."

Le passé est passé, et ça ne sert à rien d'y revenir on ne pourra jamais rien y faire.

Je ne relève pas la tête quand j'entends quelqu'un s'installer juste à côté de moi.

Par contre, je relève aussitôt la tête quand j'entends le bruit familier du briquet qui s'allume.

Une flamme vacillante brille au creux des doigts de Thomas, il sort un paquet de cigarettes de sa poche droite, l'ouvre, saisit ma drogue à moi, et l'allume avec le briquet.

La flamme danse dans mes yeux, je suis comme hypnotisé.

Thomas inspire une longue fumée, mais cette fois ci, sans sourire de son air carnassier.

La seconde d'après, il se met à tousser, cette toux sèche caractérielle des fumeurs, il se penche en avant et suffoque, puis il part dans ce grand éclat de rire de dément, sa marque de fabrique.

- Décidément, j'ai beau essayé je m'y ferai jamais à ce bout de papier ! Ça ne vaut pas un bon cognac !

Sur ce, il me tend la cigarette tenue entre ses doigts, avec son petit sourire cette fois, et je m'en saisi comme dernier recours, calmé cette fois.

Les Zones  -Tome 2-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant