Chapitre 16

280 43 212
                                        

Clive

Nous ressortons du studio de Nick, et nous retrouvons devant l'immeuble comme trois naufragés.
Nous sommes trop bouleversés pour réagir, et nous restons enfermés dans notre bulle.

Thomas, Léna et moi restons figés dans la rue, comme ça, devant l'immeuble, sans savoir quoi faire, et j'ai presque l'impression d'entendre les pensées de mes coéquipiers à mes côtés.

Thomas d'abord, n'a jamais été aussi sobre, il n'a plus une goutte d'alcool dans le gosier depuis au moins deux heures, et ça se ressent.
Il a les idées claires, il reste le regard figé au loin, l'esprit en suspens, bloqué dans un univers où il revoit Céleste, la nouvelle Céleste face à lui et sans aucun souvenirs de lui.

Après s'être effacé de sa mémoire, Thomas n'a jamais eut l'opportunité de revoir sa sœur. Elle est morte avant qu'il n'en ait le temps.
Aujourd'hui était la première fois qu'il l'a revoyait après avoir effacé ses souvenirs, et j'ai l'impression d'entendre sa tête crier tous ses regrets.

Léna elle, s'appuie contre le mur, et glisse sur le sol, impuissante.
Sa lèvre inférieure tremblote légèrement, et ses yeux restent fixés sur un point invisible.
Céleste et elle ne se sont connus que quelques jours, et pourtant j'ai moi même remarqué à quel point elles semblaient proches.
Je les ai surprises plusieurs fois à discuter, a s'échanger des regards, des sourires, et elles étaient à la fois si semblables et si différentes que s'en était troublant.

L'une était douce et gentille, avenante, calme et pourtant animée d'un brun de folie. Elle paraissait inoffensive et fragile, et pourtant elle cachait une rudesse et une carapace de fer.

L'autre c'était le contraire, elle était sauvage, rebelle, froide. On n'avait pas envie de s'attaquer à elle, croyant se frotter à un mur, alors qu'en fait cette masse de rudesse cachait une sensibilité et une gentillesse qu'on ne pouvait pas égaler.

Et les deux étaient comme les doigts de la main, je l'ai moi même remarqué, et c'est bien pour ça que Léna est allé jusqu'à quitter sa famille et sa sœur qu'elle aiment tant pour aller retrouver Céleste.

Et puis il reste moi, moi qui suis perdu comme un naufragé en pleine mer.
Ma bouée à laquelle je m'accrochais désespérément s'est trouée, là sous mes yeux, et a décidé de m'abandonner.

Et le seul espoir qui me reste, c'est de garder des forces pour réussir à agiter les bras quand un bateau passera par hasard vers moi, là où je tente désespérément de ne pas boire la tasse.

Mon téléphone se met à sonner, et commençant à m'habituer à cette technologie, je le sors de ma poche, et décroche.

- Clive, c'est Mickaël. Il faut que vous reveniez tout de suite à l'hôtel.

Je ne lui demande même pas pourquoi, alors que j'entends bien son ton pressant.

- Ok.

Mickaël s'étonne :

- Clive ? Ça s'est bien passé ?

J'annonce :

- On a vu Céleste.

Un grand silence me répond, et j'ai la très nette impression de visualiser Mickaël, le téléphone à l'oreille, la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés.

Il finit par dire :

- Venez à l'hôtel.

Il raccroche, et je range mon téléphone comme un robot.

Je dis :

- On dois rentrer.

Je ne dis rien de plus, je n'en ai pas envie et je sais bien que ni Léna ni Thomas n'a la force de me poser des questions.

Les Zones  -Tome 2-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant