16 : Buddy and Us

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"‭Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes."

— Matthieu‬ ‭10:16‬ ‭(Louis Segond).

— Elisha Oh. On l'a retrouvée comme ça, ce matin. À priori, il s'agit d'une overdose, probablement de fentanyl. Elle a des traces de piqûre encore rouges sur le bras.

Tout en écoutant l'agent de police, Abi et Terence observaient attentivement un corps inerte étendu en position fœtale au sol dans un cul-de-sac malpropre ; c'était celui d'une jeune femme de grande taille aux traits asiatiques et à la peau bleutée, très mince, aux yeux vitreux et injectés de sang, aux lèvres grises et aux pupilles contractées. Son cou portait des traces d'ecchymose. Même sous ses lunettes de soleil opaques, la jeune policière l'avait reconnue. C'était elle.

— Dites, Grâce n'est pas là ? Demanda Abi en regardant autour d'elle.

— Elle n'était pas encore arrivée quand nous sommes partis. C'est Juan qui s'occupe des photos aujourd'hui, répondit Terence.

Se retournant vers l'agent de police, il pointa du menton le corps sans vie de la jeune femme.

— Qui est-ce ?

— Vous n'allez pas le croire, mais il s'agit d'une narcotrafiquante de niveau, très connue dans le secteur, répondit-il. Elle était surnommée "El Lagarto".

Abi ouvrit de grands yeux.

— Quoi, c'est elle El Lagarto ? Vous vous fichez de moi, là !

— Qui ça ? Demanda Terence.

— Il y a quelques années, Ivan et moi avons découvert l'existence d'El Lagarto. On pensait qu'il s'agissait d'un homme. De toutes les façons, personne ne nous a jamais dit s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme, mais nous étions partis du principe qu'il s'agissait d'un homme. Elle était si puissante qu'elle parvenait toujours à nous échapper.

— Lagarto signifie lézard, si je ne me trompe pas ?

— Lorsqu'on attrape un lézard par la queue, il parvient littéralement à s'en détacher pour s'enfuir. Le comble, c'est le morceau de queue dans ta main continue de bouger, alors que c'est un leurre, et que le lézard est déjà parti. C'est exactement pareil, avec El Lagarto : quand vous pensez l'avoir attrapée, elle est déjà loin. Enfin, c'est le passé, maintenant. C'est te dire à quel point elle est parvenue à établir un réseau solide et extrêmement étanche, pour avoir revendu de la drogue dans ce quartier depuis plus de dix ans, maintenant, jusqu'à en devenir elle-même productrice. Tu te rends compte que ses plus fidèles acolytes préfèrent se suicider plutôt que de dévoiler son identité et sa cachette !

— À ce point ?

Abi acquiesça.

— Ils ont en parmanence sur eux un comprimé de cyanure.

— Pourquoi sont-ils autant dévoués ?

— Elle a de l'emprise sur eux. La plupart sont des gens qu'El Lagarto a ramassé dans la rue, qui n'avaient aucun repère. Elle leur offre sa protection et ce dont ils ont besoin.

— Pourquoi les habitants du quartier ne la dénoncent pas ?

— Certains ont peur d'elle, d'autres la couvrent parce qu'elle leur vient en aide.

— Ah... "La Marraine", comme qui dirait ?

— Voilà.

— Mais pourquoi tu ne t'occupais plus de ce dossier ?

Elle haussa les épaules.

— Il était en stand-by, et puis j'avais demandé au capitaine Martinez de me retirer l'affaire quand Ivan est...

LowellOù les histoires vivent. Découvrez maintenant